Obama McCain : bonnet blanc et blanc bonnet (par Denis COLLIN)

vendredi 1er août 2008.
 

Après avoir emporté la primaire démocrate contre l’archi-favorite Hilary Clinton, Barak Obama mène en tête la campagne pour l’élection présidentielle prévue en novembre prochain. Si les Européens votaient, Obama serait élu triomphalement avec le soutien de la droite et de la gauche qui ont pour le sénateur de l’Illinois les yeux de Chimène. Mais comme ce sont les citoyens américains qui votent, la chose risque d’être un peu plus compliquée. Néanmoins, avec 6% d’avance dans les sondages sur son adversaire le républicain McCain, Obama peut, pour l’instant, nourrir des espérances raisonnables de devenir le prochain président des États-Unis d’Amérique.

Dans la véritable "obamania" qui a saisi la classe politique et les médias français, il y a quelque chose d’apparemment intrigant : Sarkozy, fidèle partisan de Bush semble aussi empressé à l’égard d’Obama que les leaders de la gauche. Accueilli presque comme un président élu en Allemagne, le candidat démocrate emporte également l’adhésion du PD italien. Dans l’opinion de gauche ordinaire, on considère généralement que la victoire d’Obama représenterait un tournant dans l’histoire américaine et dans les relations internationales, alors que Obama reçoit de la part des électeurs états-uniens et des évidemment des plus riches d’entre eux un soutien financier record. (Obama va même payer les dettes de sa rivale au sein du parti démocrate, Mme Clinton qui termine sa course à l’investiture dans une totale déconfiture financière.)

Il se pourrait bien que, pour ceux qui mettent leurs espoirs en Obama, on assiste à un phénomène d’illusion collective qui devrait intéresser au plus haut point les spécialistes en sciences sociales. Car, si Sarkozy soutient Obama, il a pour cela de bonnes raisons. Au regard des critères qui avaient encore cours il n’y a pas si longtemps, Obama peut être clairement classé comme un "homme de droite", et si on s’interroge sur ses positions sur les questions essentielles on voit assez rapidement qu’à côté d’Obama, notre François Bayrou apparaît comme une sorte de gauchiste échevelé.

Dans le numéro d’août du Monde Diplomatique, Serge Halimi consacre son éditorial à Barak Obama. Un éditorial convaincant et que tous ceux qui veulent encore penser (au lieu de suivre la danse des derviches tourneurs médiatiques feraient bien de lire et de faire connaître. Citant un article de la revue Foreign Affairs Halimi montre que l’élection d’Obama est souhaitée par un certain nombre de représentants des milieux dirigeants US parce qu’elle permettrait de "réhabiliter la marque Amérique". En effet, les meilleurs analystes de la politique étrangère comprennent et expliquent largement que la politique étrangère d’Obama s’inscrit dans la continuité de Kennedy, de Reagan ou de Bush père, une politique qui devrait emporter l’adhésion des deux principaux partis. Le voyage d’Obama au Proche-Orient et la réaffirmation du soutien indéfectible à la politique colonialiste de l’Etat d’Israël en apporte la preuve. Tout comme la réaffirmation de l’action des troupes US et alliées en Afghanistan. Pour ceux qui n’auraient pas compris, Halimi rapporte ces fortes paroles de Barak Obama :

« Je construirai, promet-il, une armée du XXIe siècle et un partenariat aussi puissant que l’alliance anticommuniste qui a remporté la guerre froide, afin que nous demeurions partout à l’offensive, de Djibouti à Kandahar. »

La "rupture" avec G.W. Bush apparaît donc vraiment douce. Si Obama se sépare de son concurrent républicain en proposant un plan d’évacuation (progressive, évidemment) de l’Irak, on sait que ce plan a déjà l’approbation du gouvernement pro-américain de Bagdad et que ses premiers éléments sont déjà proposés par M. Bush.

Sur le plan de la politique intérieure, Obama s’est déjà fait remarquer pour avoir critiqué les positions de la très conservatrice Cour Suprême : celle-ci considérait comme inconstitutionnelle l’application de la peine de mort pour les violeurs, ce que le chouchou de la gauche caviar a dénoncé comme un insupportable laxisme. Obama assume l’héritage de Clinton et notamment le refus des "excès" des démocrates du passé qui prônaient une politique trop sociale... Au demeurant dans la campagne interne au parti démocrate, c’est Hilary Clinton qui défendait le programme de réformes sociales le plus ambitieux (si on ose dire...).

Enfin, comme le fait remarquer Halimi, il y a plus troublant :

Enhardi par les flots de contributions financières qui enflent les coffres de sa campagne, M. Obama vient de porter un coup sévère, peut-être fatal, au système de financement public des élections. Ainsi, il a annoncé qu’il serait le premier candidat à la présidence depuis le scandale du Watergate à renoncer au versement par l’Etat d’un montant donné (84,1 millions de dollars en 2008), lequel est alloué à chacun des deux grands rivaux en échange de leur acceptation d’un plafond de dépenses équivalant à la somme reçue. Le poids de l’argent en politique n’est pourtant pas un problème mineur aux Etats-Unis. M. Obama a signalé qu’il ne le résoudrait pas.

Jusqu’à présent, tous les libéraux (au sens américain du terme) revendiquait un financement public que l’action politique afin de faire échapper le "forum public" à la pression des intérêts privés, ainsi que le proposait John Rawls. Cette prise de position d’Obama le place donc très clairement à la droite du parti démocrate.

L’opération Obama vise à redorer le blason de la politique US en usant des arguments genre concours de beauté : un bel homme, jeune et brillant et métis. L’argument "représentant des diversités" qu’il feint lui-même d’écarter est utilisé ad nauseam, y compris sur le mode de la dénégation. Un chef (demi)noir pour l’impérialisme US : voilà la grande nouveauté politique qui fait se pâmer les belles âmes européennes. Sarkozy lui-même a usé de la ficelle avec ses femmes ministres de la "diversité". Bref, c’est Benetton (United colors)le grand penseur politique de l’époque !


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