Evo Morales ou le triomphe silencieux

jeudi 21 août 2008.
 

Le président bolivien a remis en jeu son mandat présidentiel lors d’un referendum révocatoire pour contrer les velléités séparatistes et consolider son programme socio-économique. Sa très large victoire (63% en sa faveur) n’a eu qu’un faible écho dans le monde ; on n’ose imaginer de quelle façon une défaite aurait été tambourinée. Aussitôt la victoire confirmée, Evo a déclaré au grand dam de ses opposants politiques qu’il poursuivrait et approfondirait ses réformes.

La polarisation sociale suit en Bolivie la ligne de démarcation ethnique. Depuis toujours, les pouvoirs politiques et économiques sont concentrés dans les mains d’une minorité blanche installée dans les départements de l’est riches en hydrocarbures. Les nationalisations et la réforme agraire misent en oeuvre par le MAS (Movimiento Al Socialismo) qui visent à corriger cette anormalité cristallisent les antagonismes sociaux. Les indigènes sont sortis de la torpeur et de la passiveté qu’on leur attribue pour prendre leur destin collectif en main. Au vrai la lutte populaire ne date pas d’aujourd’hui. Des insurrections des mineurs, en passant par la guérilla du Che jusqu’aux luttes syndicales des cocaleros, il y a une continuité qu’Evo Morales lui-même revendique. La Bolivie est traversée depuis des décennies par des contradictions irrésolues : le pays accuse un coefficient d’inégalité effarant et est accablé par la pauvreté, l’analphabétisme et le racisme. La Bolivie ne souffre pas seulement d’un problème de répartition mais d’un problème de production et de reproduction des inégalités. La domination n’est pas exclusivement économique ; elle est aussi symbolique par l’accaparement de la culture, du savoir et du pouvoir. Les revendications légitimes des indigènes longtemps tenues muettes ont trouvé dans le chef d’un leader charismatique leur porte-voix.

Suite aux dernières consultations populaires relatives à l’assemblée constituante et à l’autonomie départementale qui ont renforcées Evo, l’opposition factieuse n’a eu de cesse de conspirer contre le pouvoir élu. La bourgeoisie nationale alliée aux impérialistes tente de saper par toutes les voies possibles les réformes structurelles engagées par le MAS quitte à scinder le pays. Les bourgeois plaident pour la démocratie bourgeoise et le système électoral tant qu’ils consacrent leurs privilèges. Dans le cas contraire, ils n’hésitent pas à prendre des libertés avec la légalité. Ils veulent changer les règles du jeu lorsque celles-ci ne les favorisent plus. Etre démocrate, c’est se soumettre au sort des urnes quoi qu’il en soit et surtout en cas de défaite. L’opposition vénézuélienne fait montre du même irrespect envers les valeurs démocratiques.

Les droits des indigènes ont été impitoyablement lésés pendant des siècles sans que ceux-ci s’en prennent à l’intégrité nationale. Les disparités régionales dans les élections sont courantes sans pour autant que le résultat général soit réprouvé. Les départements français qui n’ont pas voté pour Sarkozy ne réclament pas une plus large autonomie pour la cause.

Evo Morales n’use pas de la force mais de la persuasion. Son pouvoir n’est pas assis sur la crainte mais sur l’espoir. Il persuade par la raison, la diplomatie et l’exemple. Il pratique la philosophie des actes et son pouvoir n’en est que plus dangereux pour ses adversaires. Il est parvenu à mettre en place dans un contexte d’hostilité incessant des programmes d’instruction, de santé et d’alimentation inédits dans ce pays.

Incapables de le déloger par les voies électorales, ses ennemis intérieurs et extérieurs risquent d’être tentés par le complot et la subversion Gageons qu’il ait le temps de mener sa politique de développement social et de dignité à bien pour que tout coup de force devienne impossible.

Emrah KAYNAK


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