Afghanistan : le coût d’une guerre sans issue

mercredi 27 août 2008.
 

Face à la résurgence de l’insurrection islamiste, l’option militaire des Occidentaux ne peut conduire qu’à un embrasement régional.

L’attaque meurtrière dont ont été victimes lundi, dans le district de Saroubi, des militaires français s’inscrit dans une série d’offensives lancées depuis plusieurs semaines par l’insurrection taliban. Combats de front, attentats suicide contre soldats de la coalition internationale, policiers afghans ou civils, toutes les cibles sont bonnes pour prouver sur le terrain qu’une opposition armée à l’occupation militaire étrangère s’est bel et bien réorganisée. « Les commandants taliban ont prévenu au début de l’année qu’ils allaient intensifier leurs attaques, multiplier les attentats suicide et étendre leurs activités aux provinces autour de Kaboul », rappelle l’écrivain et chercheur afghan Waheed Mujda.

8 000 MORTS EN 2007

Les attaques des taliban se multiplient avec des tactiques de plus en plus sophistiquées et une stratégie d’encerclement de Kaboul et des villes. Mercredi, trois soldats polonais de l’OTAN ont été tués dans l’explosion de leur véhicule dans la province centrale de Ghazni. La veille, un groupe de combattants et de kamikazes a lancé un assaut contre une base américaine en périphérie de Khost, à l’est du pays, déjà visée la veille par un attentat suicide à la voiture piégée qui a tué 10 civils. 2008 sera probablement l’année la plus meurtrière pour les troupes internationales depuis l’invasion de 2001. Quelque 178 soldats étrangers sont morts en Afghanistan depuis le début de l’année, selon un décompte de l’Associated Press. Mais ce sont des milliers d’Afghans qui paient le plus lourd tribut à cette guerre, 8 000 morts en 2007.

Après Nicolas Sarkozy, Gordon Brown, qui a fait escale à Kaboul en se rendant à Pékin pour la cérémonie de clôture des JO, a déclaré qu’il était « profondément résolu » dans son soutien à l’Afghanistan. Le premier ministre britannique a annoncé une augmentation de la contribution anglaise au développement de l’Afghanistan de 120 millions de dollars. Mais quelle en sera exactement l’utilisation ? Les dons colossaux promis depuis la conférence de Bonn, en 2001, pour la reconstruction d’un montant de 50 milliards de dollars, dont la moitié pour la formation d’une armée et d’une police afghanes et l’autre destinée au développement, ont, dans les faits, contribué à financer la guerre, toujours plus coûteuse. Washington a dépensé 130 milliards de dollars depuis le début du conflit pour ses opérations militaires, et Paris a prévu d’augmenter son budget en direction de Kaboul de 47 %, avec une prévision de 210 millions d’euros. Quelle portée aura donc un engagement supplémentaire tel que l’a promis Nicolas Sarkozy

LA PRESSION DES AMÉRICAINS

La résolution du conflit afghan déborde les frontières de ce pays et la poursuite de la guerre ne peut qu’entraîner une déstabilisation régionale qui confortera dans leurs ambitions tous les courants extrémistes. On le voit au Pakistan où les radicaux islamistes ont perpétré, en trois jours, deux des attentats les plus meurtriers de ces derniers mois. Mardi, à Peshawar, un kamikaze s’est fait exploser dans un hôpital de la ville tuant 30 personnes. Jeudi, une double attaque suicide a visé la principale usine militaire d’armement du Pakistan, non loin d’Islamabad. Au moins 45 personnes ont été tuées. En réponse à une nouvelle offensive dans les zones tribales du nord-ouest, frontalières avec l’Afghanistan et bastions des taliban, afghans ou pakistanais, et des combattants étrangers d’al Qaeda, lancée par le nouveau gouvernement pakistanais sous la pression intense de Washington.

Dominique Bari

Article paru dans l’Humanité du 22-08-2008


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