Quand Darcos veut faire sauter le verrou enseignant pour mieux libéraliser l’Ecole (par F Cocq, MARS-Gauche Républicaine)

dimanche 7 septembre 2008.
 

« 1500€ ! Ils sont gâtés nos pleurnicheurs professionnels ». Ainsi s’ouvrait le 29 août, avec une réaction d’internaute, la page d’accueil du site internet d’un grand quotidien français de l’après-midi. Cette remarque faisait suite à l’annonce la veille par le ministre de l’Education nationale Xavier Darcos de l’octroi d’une prime aux professeurs qui entrent dans le métier. A elle seule, cette intervention est révélatrice de la stratégie de communication et de désinformation gouvernementale et, malheureusement, des idées qu’elle parvient à répandre dans l’opinion.

Ainsi, le ministre met volontairement l’accent sur une fausse mesure. Les enseignants néo-titulaires reçoivent en effet depuis de nombreuses années une prime d’installation quasi équivalente, eux qui sont parachutés pour leur entrée dans le métier dans les zones urbaines les plus défavorisées, bien souvent à mille lieues de leur lieu de résidence et de formation, et qui doivent donc trouver à se loger.

Cette supercherie bien volontaire permet surtout au gouvernement de détourner l’attention des réformes bien réelles qui mettent à mal notre système éducatif. La prime de 500€ accordée aux enseignants qui accepteraient au moins 3 heures supplémentaires hebdomadaires a ainsi bien moins fait réagir. Prétendre pourtant qu’un professeur peut sans mal assurer 3 heures de cours de plus par semaine, et toutes les préparations qui vont avec, c’est laisser entendre que son service réglementaire est trop léger. Mais qui s’interroge sur la qualité des cours fournis dans un cas et dans l’autre ? En chargeant les emplois du temps des professeurs, on privilégie le chiffre à la qualité. Professeurs, parents et élèves savent pertinemment par exemple qu’au-delà de la sixième heure quotidienne, les cours prennent pour ceux qui les distillent et ceux qui en bénéficient un tour tout autre. Il semble qu’une fois encore la différence entre garderie et enseignement soit bien ténue pour le gouvernement. Déjà, la mise en place à marche forcée de soutien rétribué en heures supplémentaires relevait de la même logique. Non content de s’appliquer à toutes et tous, ce temps scolaire ne repose sur aucune programme précis au niveau national. C’est l’aspiration républicaine d’égalité de traitement entre les individus et les territoires qui s’en trouve bouleversée, après avoir été déjà fortement mise à mal par l’assouplissement de la carte scolaire.

Les mesures prises ces derniers mois constituent donc bien une remise en cause fondamentale du métier de professeur. Elles visent avant tout à désolidariser le corps enseignant et à créer en son sein des lignes de fracture. Car nul doute que les principaux et proviseurs trouveront sans mal des volontaires quand on sait qu’au bout de six ans d’enseignement en zone sensible, le salaire de base ne dépasse pas pour certains 1600€ mensuels. Dans le même temps, sous prétexte du falsificateur « travailler plus pour gagner plus », la revalorisation des salaires prévue pour les années 2009 à 2011 se limite à 0,8 %. L’inflation elle n’attend pas et retrouve des niveaux depuis longtemps oubliés. Ce n’est donc pas le métier que M. Darcos veut revaloriser mais plus benoîtement la simple présence devant les élèves !

Cette logique purement comptable de réduction d’effectifs au détriment de la qualité doit aujourd’hui être remise en cause. Après les 8000 suppressions de postes de cette rentrée, dont 3500 ont été transformés en heures supplémentaires, le gouvernement Sarkozy-Fillon se propose d’en ajouter 13500 dans son escarcelle l’an prochain. Les établissements privés et cours du soir payants ont dès lors beau jeu de récupérer les déçus d’un système qui ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Derrière les chiffres et les réformes, et au-delà de la volonté d’affaiblir un milieu jugé trop corporatiste et source de résistance potentielle à son offensive libérale, le gouvernement prépare le terrain à une individualisation de l’éducation qui dans l’avenir pourrait de plus en plus relever du privé. Que ce soit pour les élèves, les parents ou les enseignants, l’heure est déjà grave. Que c’est triste à dire pour une rentrée !

François Cocq,

Secrétaire national du MARS-Gauche Républicaine

Tribune parue dans le journal L’Humanité du lundi 1er septembre 2008


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message