Un an de CNE, un an de mauvais contrat

lundi 7 août 2006.
 

Le 4 août, c’était la date de l’abolition des privilèges, aujourd’hui, on veut nous le présenter comme la date anniversaire de la restauration du privilège de pouvoir licencier sans motif.

On nous abreuve d’une prétendue « polémique » pour ou contre les bienfaits du Cne, ce « contrat nouvelle embauche » institué sans concertation par ordonnance, c’est-à-dire par un coup de force du ministre Villepin en plein été 2005.

On cherche à nous faire participer à un « débat » sur l’intérêt d’un tel Cne qui se serait, paraît-il, « installé » dans le paysage (sic, France inter). Mais ce dont il s’agit, c’est d’un recul des droits de l’homme et du travail en même temps.

Le Cne, c’est la pire atteinte que l’on puisse faire à un salarié : l’atteinte à sa dignité ! On peut le « virer » à nouveau du jour au lendemain sans motif : c’est le retour au XIX° siècle, à Zola, Germinal, le porion peut « virer » le mineur Lantier, le réduire à la mendicité, sans même que le patron lui jette un regard. Et l’on nous affirme, qu’il vaut mieux que les Lantier d’aujourd’hui soient à nouveau soumis à ce régime, plient l’échine, ne puissent de syndiquer, ni se révolter, plutôt que d’être au chômage !

On croyait cet esclavage révolu : la convention internationale n°158 de l’Oit affirme que l’on ne peut « licencier sans motif », toutes les déclarations des droits de l’homme affirment que l’on ne peut « licencier sans motif ». Et la France - qui n’a jamais été aussi riche - de MM Chirac-Villepin-Sarkozy-Dutreil rétablit sous le prétexte mensonger de lutter contre le chômage, la possibilité d’un employeur de fouler aux pieds la dignité élémentaire d’un humain qui travaille pour lui : « - Dehors !... et je n’ai pas à dire pourquoi ! ».

Il n’y a pas de « débat » possible autour du Cne, il n’y a qu’un combat : un combat pour le droit, un combat pour la dignité, un combat pour le droit élémentaire du licenciement.

La prétention qu’il y ait 55 000 emplois créés par le Cne est une fable indigne : il y aurait 550 000, soit 8,8 % des intentions d’embauche en Cne dans les entreprises de moins de 20 salariés, dont 10 % (sic) n’auraient pas été créés autrement (c’est à dire pas par le biais de 950 000 Cdd et des 650 000 intérimaires, des 850 000 saisonniers existants par ailleurs).

Mais la même enquête affirme que 30 % des Cne ont été interrompus « avant six mois » ! Cela signifie que 180 000 salariés ont été « jetés » sans motif, sans droit, sans explication, sans défense, et il n’y aurait, hélas, que 370 plaintes aux prud’hommes recensées, soit autour de 0,2 %.

On nous dit que la rupture émanerait du salarié dans 45 % des cas, ce qui, si c’est vrai, ne démontre qu’une chose, c’est qu’il y a, en dépit du poids du chantage à l’emploi, un nombre important de salariés (presque un sur deux) qui préfèrent s’évader de ce système d’exploitation où l’on est corvéable à merci, où l’on ne peut rien refuser à l’employeur !

Car un employeur qui choisit d’embaucher en Cne à la place d’un Cdi, il faut le désigner du doigt, il a tout pour rendre méfiant : c’est qu’il a l’intention de tirer le maximum du salarié, sans vouloir s’embarrasser de respecter ses droits ! Le Cne, c’est une invention perverse qui va chercher les moins bonnes intentions d’un petit employeur puisque l’argument de « vente » de ce maudit contrat, c’est « - N’hésites pas à l’embaucher puisque tu pourras le virer sans problème ».

Quand vous n’avez pas de droit face à un licenciement « abusif », et sans « cause réelle et sérieuse », en fait, chacun le comprend, vous n’avez plus de droit du tout, en amont, vous ne pouvez plus réclamer le paiement de vos heures supplémentaires (des milliards d’heures supplémentaires sont impayées, volées aux salariés, volées aux caisses de protection sociale) car si vous le faites, on vous vire ! Et c’est pareil pour vos conditions de travail, l’hygiène la sécurité, ainsi de suite, précarisés vous êtes !

Renaud Dutreil ose affirmer que ceux qui combattent le Cne (dont il propose qu’il soit « étendu en 2007 »... si la droite gagne) relèvent du « Jurassic Park à la française ». Il y a toujours eu des gens de droite comme lui, pour rêver d’en revenir avant l’abolition des privilèges, avant la Révolution Française, avant la Commune, avant le Front populaire, avant la Libération, avant Mai 68, avant l’inspection du travail, avant le droit syndical, avant le droit élémentaire du travail, c’est ce qu’ils appellent à contrario « la France d’après ».

Mais ces réactionnaires passéistes viennent encore d’être battus par des millions de salariés, de manifestants, par toute la jeunesse, par plus de 80 % de l’opinion, au printemps 2006 ! Ca ne fait rien : ils s’obstinent, ils osent essayer de ranimer la maigre flamme d’un « débat » dans les médias pour leur misérable contrat : vivement que cette droite intégriste-là soit battue !

Gérard Filoche, le 4 août 2006


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