L’Auge (Eugène Pottier)

mardi 9 septembre 2008.
 

Dédié à J.-B. Clément, membre de la Commune

L’ordre bourgeois, c’est l’auge immense

Où de gros porcs sont engraissés.

Tous les fumiers de l’opulence

Sous leurs groins sont entassés.

Ils se gavent du populaire,

Ces déterreurs de capitaux.

Ce n’est pas avec de l’eau claire

Qu’on engraisse les aristos !

*

Ils ont tout pris : les champs, la ville,

L’Etat, la Banque et le Trésor,

De faux savants la clique vile

Erige un culte au cochon d’or.

Un vin pressuré du salaire,

Les saoule au fond de leurs châteaux…

Ce n’est pas avec de l’eau claire

Qu’on engraisse les aristos !

*

Affamé, squelette qui navre,

Vois-les digérer, triomphants,

La chair qui manque à ton cadavre,

La cervelle de tes enfants !

Quand leur règne affreux se tolère,

Les peuples y laissent leurs os.

Ce n’est pas avec de l’eau claire

Qu’on engraisse les aristos !

*

Dans leur ordure ensoleillée,

Conchiant l’industrie et l’art,

La haute classe entripaillée

Fait des lois et se fait du lard.

Tout se faisande pour leur plaire,

Il leur faut larbins et châteaux.

Ce n’est pas avec de l’eau claire

Qu’on engraisse les aristos !

*

Abrutis par les folles sommes

Qu’ils volent aux crève-de-faim,

Ces pourceaux ne seront des hommes

Que quand ils gagneront leur pain.

Bientôt leur auge séculaire

Va s’effondrer sous nos marteaux.

Ce n’est pas avec de l’eau claire

Qu’on engraisse les aristos !


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