Une alliance avec le Modem ?

samedi 13 septembre 2008.
 

Vincent Peillon a cru bon de relancer la perspective d’une alliance avec le Modem et pire de proposer « un contrat de gouvernement » avec cette partie de la droite. Cette déclaration, faite à la veille de la réunion de rentrée du Modem, ne pouvait être qu’un appui pour Bayrou. Appui sur lequel ce dernier s’est d’ailleurs, aussitôt jeté.

Seule, en effet, la mise sous perfusion opérée par la droite du PS (Ségolène Royal, Vincent Peillon, François Rebsamen…) empêche le Modem de sombrer dans un coma dépassé.

La stratégie d’alliance, de positionnement au « centre », c’est-à-dire à droite proposée par Vincent Peillon est pourtant suicidaire. Dans tous les pays européens où se type d’alliance ou de positionnement au centre, la gauche s’est écroulée aux dernières élections : Allemagne, Grande-Bretagne, Italie. ..

Cet écroulement n’a rien à voir avec une soi-disant « droitisation » de la société européenne. Simplement, les électeurs qui voudraient voter à gauche ne se voient proposer aucun programme de gauche par des forces susceptibles d’accéder au pouvoir. Ils finissent alors par voter pour Sarkozy qui se présente comme le « président du pouvoir d’achat » sans aucun répondant en face de lui sur ce terrain décisif ou par s’abstenir en masse comme aux dernières élections municipales en Grande-Gretagne (36 % de votants).

Une alliance avec Bayrou n’aurait aucun sens.

D’abord parce que Bayrou ne représente pas grand chose C’est une baudruche gonflée par les médias. C’est en martelant que Bayrou était le seul capable de battre Sarkozy au 2ème tour que les médias avaient, en 2007, gonflé le score de Bayrou (au détriment de celui de Ségolène Royal) pour lui permettre d’atteindre 18,57 % au 1er tour de la présidentielle.

Au 2ème tour, les électeurs du « Centre » c’est-à-dire de droite ont voté pour Sarkozy. Les autres, ceux qui auraient du voter pour Ségolène Royal dès le 1er tour mais qui s’étaient fait abuser par les médias ont voté à gauche, comme ils l’auraient fait de toute façon. Simplement, la manœuvre des médias avait permis à Sarkozy d’arriver en tête au 1er tour…

18,57 % au 1er tour de la Présidentielle ; 7,71 % aux législatives ; 3,22 % au 1er tour des Municipales ; la fuite de la majorité des 118 députés de l’UDF pour n’en laisser que trois au Modem ; le lâchage de Jean-Marie Cavada : le chemin de croix de ces dignes représentants de la Démocratie Chrétienne aura été particulièrement amer.

Dans aucune municipalité, le Modem n’a été l’arbitre annoncé par les médias. Loin de se gagner au centre, les municipales comme les cantonales se sont gagnées à droite et (surtout) à gauche.

L’autonomie du Modem était, elle aussi, un mythe médiatique. Toutes les villes où la tête de liste Modem l’a emporté sont des listes Modem-UMP, Modem-majorité présidentielle ou Modem-Nouveau Centre.

Chaque voix gagnée avec une alliance avec Bayrou et un rapprochement avec son programme nous en ferait perdre deux à gauche. Exactement comme en Allemagne, en Italie ou en Grande-Bretagne.

Ensuite, parce que le programme de Bayrou est un programme de droite qui nous ferait renoncer à la plupart de nos valeurs Le maintien au sénat d’un groupe parlementaire commun au Modem et au Nouveau Centre, le parti de droite qui soutient et participe au gouvernement Sarkozy, en dit plus long que dix discours sur la réalité du Modem avec lequel Vincent Peillon propose de nous allier. Le programme de Bayrou ne se différencie guère de celui de Sarkozy, c’est un programme néolibéral. Il est même parfois plus à droite.

C’est le cas, par exemple, pour la volonté de Bayrou d’introduire l’interdiction des déficits budgétaires dans la Constitution : le moyen le plus rapide pour en finir avec les dépenses sociales, les retraites par répartition, la Sécu, les services publics…

C’est le cas, également, pour les retraites. Bayrou prône la « retraite par points ». Une retraite par points signifie que la retraite est strictement calculée en fonction des périodes travaillées. Fini les 4 trimestres par enfant pour les femmes ! Finis les trimestres pris en compte pour les périodes chômées !

Ce n’est pas, comme l’affirme Vincent Peillon, le Modem qui se rapproche des sociaux-démocrates mais l’inverse : ce sont les sociaux-libéraux qui se rapprochent de Bayrou et du programme de la droite. Ségolène Royal ne défend-elle pas maintenant, comme Bayrou, cette « retraite par points » qui constituerait une attaque incroyable injuste contre les retraites des femmes et ceux qui ont connu des difficultés dans leurs carrières ?

Enfin, parce que une alliance avec le Modem serait la fin du parti d’Epinay Cette alliance signifierait, en effet, un total renversement de nos alliances. Une alliance avec une partie de la droite et la fin de l’union de la gauche.

Que chaque socialiste, dans son département, se demande combien de cantons, de mairies, de député(s) une telle alliance nous ferait perdre.

Nous devons, au contraire, considérer que nous n’avons pas d’ennemis à gauche et discuter d’un programme de gouvernement avec toutes les forces de gauche qui sont prêtes à le faire.

Dans son dernier livre Vincent Peillon va encore plus loin. Il prône ouvertement la scission du PS en affirmant que Jaurès avait eu tort d’accepter de faire une maison commune avec les Guesdistes. Sans doute la « dizaine d’individus malfaisants » qui, selon Vincent Peillon, siègeraient à la direction actuelle du PS est-elle, peu ou prou, l’héritière de ces Guesdistes ? Une position sectaire, exactement à l’opposé du nécessaire retour sur la scission de Tours et sur la construction d’une maison commune à toute la gauche.

Si nous ne le faisons pas et si nous n’adoptons pas un programme de gauche, nous nous retrouverons avec deux gauches totalement fermées l’une à l’autre : la gauche radicale et la gauche néolibérale. Le sectarisme de l’une nourrissant le sectarisme de l’autre. La droite et Sarkozy aurait alors de beaux jours devant eux.

Jean-Jacques Chavigné


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