21 décembre 1793 : Georges Couthon devient président de la Convention

vendredi 22 décembre 2023.
 

Sa jeunesse dans le Puy de Dôme

Après avoir étudié le droit auprès d’un procureur royal de Riom, il se rend en octobre 1780 à Reims, où il séjourne quelques mois, afin d’y achever ses études à l’université. Muni de son titre, il emménage à Paris le 1er avril 1781, dans un appartement, au troisième étage, rue Sainte-Avoye, près du Châtelet, et s’inscrit comme avocat au Parlement de Paris. Toutefois, il semble avoir eu des difficultés à se trouver une clientèle, où il n’est pas connu, et quitte son logement en juillet 1782, avant de rentrer à Clermont-Ferrand. Inscrit au nombre des avocats stagiaires le 21 mai 1783 au barreau de la ville, il s’installe dans un appartement du 18 rue Ballainvilliers[3]. Reçu avocat en 1785 au barreau de Clermont-Ferrand, il se fait remarquer « par la douceur et la politesse de ses manières, son caractère bienveillant et serviable », ainsi que son langage clair, précis et persuasif. Par ailleurs, il donne des consultations gratuites aux pauvres et favorise les intérêts des institutions charitables (il est commissaire du bureau de charité de la paroisse de Saint-Genès en mars 1790). Grâce à sa bonne réputation, il est, avec Jean-François Gaultier de Biauzat, l’un des trois avocats désignés pour former le conseil judiciaire adjoint à l’assemblée du tiers état, à l’assemblée provinciale, le 13 novembre 1787[4]. En septembre 1787, il adhère à la Société littéraire de Clermont-Ferrand.

Par ailleurs, le 2 décembre 1786, il est initié franc maçon, à la loge Saint Maurice (la plus huppée)[5], à l’Orient de Clermont[6],[7], soit à une date assez tardive ; mais il est reçu maître dès le 3 juin 1787 puis élu orateur six jours plus tard. Surnommé l’avocat des pauvres, il a pu être attiré, selon Pierre-Yves Beaurepaire, par le but philanthropique de la Maçonnerie. Par ailleurs, son déisme et son attachement à la vertu et à la pureté lui semblent en adéquation parfaite avec les Constitutions d’Anderson[8].

Souffrant de douleurs articulaires depuis l’enfance, il perd progressivement l’usage de ses jambes à partir de 1782[9]. Malgré sa maladie, il se marie, le 16 janvier 1787 avec Marie Brunel, fille du notaire-greffier et lieutenant du bailliage d’Orcet Antoine Brunel âgée de 22 ans[10],[11], avec laquelle il a deux enfants, Antoine-François-Xavier[12], né le 17 décembre 1787 à Clermont-Ferrand, mort le 8 novembre 1867 à Orcet, et Jean-Pierre-François-Hippolyte, né le 21 janvier 1790 à Clermont-Ferrand[13].

L’engagement révolutionnaire

Partisan de la Révolution, il est choisi pour représenter sa paroisse d’Orcet pour les élections aux États généraux. Membre du conseil municipal permanent de Clermont-Ferrand le 14 juillet 1789, il est élu troisième officier municipal de Clermont-Ferrand dès le premier tour de scrutin le 24 janvier 1790 ; Jean-François Gaultier de Biauzat[14], le maire, représentant le département aux États généraux, il préside souvent le conseil municipal. En mars 1790, il est l’un des initiateurs de la « Société populaire des Amis de la constitution », affiliée au club des Jacobins[15]. Le 8 novembre suivant, il devient juge président du tribunal du district de Clermont-Ferrand.

En 1791, il fait paraître sans nom d’auteur une comédie en deux actes intitulée L’Aristocrate converti[16].

Le 9 septembre 1791, il est élu député du Puy-de-Dôme à l’Assemblée législative, le 8e sur 12 avec 283 voix sur 433 votants. Se distinguant dès les premiers jours par son éloquence et ses idées démocratiques, il propose notamment la suppression des mots « sire » et « majesté » du cérémonial à observer lorsque le roi se présente à l’Assemblée. Le 29 mai 1792, il attaque directement la Cour, qu’il accuse d’être le « foyer de toutes les conspirations contre le peuple ». Pendant l’été, il quitte Paris pour prendre les eaux à Saint-Amand-les-Eaux, en Flandre, dans l’espoir de rétablir sa santé. C’est là qu’il apprend la chute de la royauté, qu’il applaudit. En revanche, il blâme publiquement les massacres de septembre.

Le 6 septembre 1792, il est réélu député du Puy-de-Dôme à la Convention nationale, le 1er sur 11 « à la pluralité des voix », sur 695 votants. Il refuse d’abord de prendre parti dans la lutte qui oppose Girondins et Montagnards, mais, lié d’amitié avec Robespierre[17], il prend position en sa faveur quand il est attaqué, par Barbaroux en octobre et Louvet en novembre, et finit par rejoindre les bancs de la Montagne devant les attaques répétées de la Gironde contre la Commune de Paris et les menaces fédéralistes. Lors du procès de Louis XVI, il vote la peine de mort sans appel ni sursis.

Le 26 novembre 1792, il est envoyé en mission dans le Loiret pour y rétablir l’ordre et la circulation des grains. Le 2 et le 3 mars 1793, la Convention le charge par décret, avec Goupilleau de Montaigu et Michel, d’organiser la réunion à la France de la principauté de Salm, intégrée dans le département des Vosges. Rappelés le 30 avril suivant, les trois députés sont de retour à Paris au plus tard le 1er mai[18].

Le 31 mai 1793, il contribue à la chute des Girondins mais demande que l’on use de modération à l’égard des vaincus et se propose comme otage pour tranquilliser Bordeaux sur le sort de ses députés. Il est également l’un des rédacteurs de la Constitution de l’an I.

Un membre du comité de salut public

Adjoint au Comité de salut public le 31 mai et chargé de la correspondance générale, il est nommé membre du comité lors du renouvellement du 10 juillet. Le lendemain, il présente un rapport sur la révolte de Lyon dans lequel il réclame des mesures énergiques mais s’oppose à ce que la ville soit déclarée « en état de rébellion », ne voulant pas qu’on confonde les bons citoyens avec les mauvais. Défenseur des paysans, il fait voter, le 17 juillet, l’abolition complète, sans indemnité, des droits féodaux et le brûlement des titres féodaux. De même, le 20 août, il prend un arrêté contre les anciens privilèges prévoyant notamment la destruction des « châteaux-forts, donjons, tours et autres monuments de la féodalité », ainsi que le comblement des fossés, des citernes et des souterrains, dans son département.

Le 21 août, il est envoyé en mission à l’armée des Alpes et dans le Rhône-et-Loire avec Châteauneuf-Randon et Maignet, afin de faire rentrer Lyon dans le rang. Le 1er septembre, sa mission est élargie à la Lozère, mais il ne s’y rend pas[18]. Après s’être assuré du Puy-de-Dôme, où il lève des troupes, il prend la tête d’une armée de 10 000 hommes et fait le siège de Lyon, dont les autorités ont passé outre les tentatives de conciliation en faisant guillotiner Chalier. Entré dans la ville le 9 octobre, il mène une répression modérée : n’appliquant qu’en partie le décret de la Convention qui prescrit sa destruction, il ne fait abattre que quelques maisons. Rappelé à Paris le 9 brumaire an II (30 octobre 1793)[18], la répression deviendra extrêmement violente avec la désignation de Collot d’Herbois et de Fouché[19]. À son arrivée, il reçoit les félicitations de l’Assemblée.

Reprenant ses travaux au Comité de salut public, il est élu président de la Convention le 21 décembre 1793, intervient fréquemment sur les questions militaires, fait décréter d’accusation le général Westermann et contribue à la chute des Hébertistes et des Dantonistes. Conformément au décret du 27 germinal an II (16 avril 1794), il est élu avec Cambacérès et Merlin de Douai, tous deux députés de la Plaine et membres du comité de législation, le 3 floréal (22 avril 1794) au sein de la commission parlementaire « chargée de rédiger en un code succinct et complet les lois qui ont été rendues jusqu’à ce jour, en supprimant celles qui sont devenues confuses ». Une autre commission étant, quant à elle, « chargée de rédiger un corps d’instruction civile propre à conserver les mœurs et l’esprit de la liberté », il fait adopter le principe qu’elle sera choisie par le comité de salut public, indiquant qu’« un membre du comité », en l’occurrence Saint-Just, « s’est déjà occupé du travail »[20].

Le 18 floréal (7 mai 1794), il défend le décret présenté par Robespierre d’après lequel la République française reconnaît l’Être suprême et propose que son discours soit traduit dans toutes les langues et diffusé dans tout l’univers.

Il est rapporteur de la loi du 22 prairial (10 juin 1794), dite de « Grande Terreur », réorganisant le Tribunal révolutionnaire, loi co-rédigée avec Robert Lindet dont ses adversaires devaient se servir pour noircir sa mémoire. Toutefois, selon plusieurs historiens[21],[22], cette loi – qui reprenait de nombreux éléments introduits par le comité de salut public lors de la création de la commission populaire d’Orange[23] – limitait les causes d’exclusion politique et remettait en cause la systématicité de la répression en rapport avec la faute reprochée ; elle offrait une définition plus précise des motifs d’accusation (article 6), ce qui réduisait l’arbitraire ; enfin, les articles 10, 11 et 18 stipulaient que les comités de salut public et de sûreté générale devaient pouvoir contrôler les poursuites engagées devant le tribunal révolutionnaire[24]. Pour Albert Mathiez, Jacques Godechot, Jean-Clément Martin ou Olivier Blanc, la Grande Terreur vient de ce que la loi a été sabotée par les adversaires de Robespierre, afin de le discréditer[25],[26].

Le 15 et le 19 messidor (3 et 7 juillet 1794), le comité de salut public l’envoie par arrêté en mission aux armées du Midi, lui délivrant le 19 un passeport « pour aller en mission dans l’intérieur de la République et près les armées du Midi » en compagnie de sa famille, mais il reste à Paris[18].

Le 9-Thermidor et la postérité

Accusé le 9-Thermidor avec Robespierre et Saint-Just de former un « triumvirat » aspirant à la dictature, il est mis en accusation avec ses collègues, ainsi que Robespierre le Jeune et Le Bas. Enfermé à la prison de la Bourbe, il en est extrait dans la nuit, une heure après minuit, par les membres de la Commune insurrectionnelle, qui lui remettent ce mot signé de Saint-Just et de Robespierre : « Couthon, tous les patriotes sont proscrits, le peuple tout entier est levé ; ce serait le trahir que de ne pas te rendre avec nous à la Commune, où nous sommes actuellement[27]. » Puis ils le conduisent à la Maison commune.

Là, il est arrêté peu après par les troupes fidèles à la Convention ; laissé au bord de l’escalier, il tombe et se blesse à la tête. Porté vers cinq heures à l’Hospice de l’Humanité, il est pansé par le docteur Desault, qui le fait ensuite coucher dans le lit n° 15 de la salle des opérations. Interrogé par Jean-Antoine Bucquet, juge de paix de la section de la Cité, envoyé par Léonard Bourdon pour s’assurer de son état, il déclare : « On m’accuse d’être un conspirateur, je voudrais bien qu’on lise dans le fond de mon âme. » De leur côté, Barras et Delmas ordonnent à la section de la Cité d’établir un poste à l’hospice, en rendant le commandant de ce poste responsable sur sa tête de la personne de Couthon. Peu après, le juge de paix Bucquet reçoit l’ordre de le conduire, avec l’officier municipal Gobeau, au Comité de salut public[28], où il retrouve Robespierre à neuf heures. Transféré à la Conciergerie à dix heures et demie, il est exécuté le premier, le 10 Thermidor an II (28 juillet 1794), vers dix-sept heures, demeurant jusqu’à la mort fidèle à la politique et à l’amitié de Robespierre. Puis il est inhumé avec les autres robespierristes au cimetière des Errancis.

Parmi les adresses envoyées à la Convention à la suite du 9-Thermidor, celle des administrateurs du département du Puy-de-Dôme demande pardon d’avoir donné naissance à « l’infâme Couthon »[29]. À Orcet, le fils aîné de Couthon, âgé de six ans et demi, est rebaptisé le 30 thermidor « Antoine Brunel » à la demande de son grand-père maternel, Antoine Brunel, maire de la commune, en séance publique de la municipalité, tandis que son frère Pierre prend le nom de sa mère, Lafond[30],[31].

Le 9 ventôse an III (27 février 1795), la veuve de Couthon obtient 238 francs pour un mois et neuf jours d’indemnité de représentant. De même, le 10 germinal (30 mars 1795), les scellés sont levés, et les biens de Couthon sont remis le 4 floréal (23 avril 1795) à sa veuve et à son père, Antoine Brunel[31]. Fidèle à la mémoire de son mari, elle rentre à Orcet, où elle se remarie le 20 floréal an IX (10 mai 1801) avec Louis Charreyre, un officier de santé originaire de Vic-le-Comte, avec lequel elle a deux filles. Après la mort de son second époux, elle décède, oubliée, 4, rue Saint-Jacques à Clermont-Ferrand le 17 septembre 1843[32], à l’âge de 78 ans, et est inhumée au cimetière des Carmes[33].

La ville de Clermont a donné le nom de Couthon à une rue.


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