En Guyane, des légionnaires se livrent à une ratonnade anti-Noirs

jeudi 10 août 2006.
 

Deux jours après les faits, Carlos Pansa est encore sous le choc de l’agression. Dimanche soir 6 août, vers 22 h 30, ce chauffeur livreur de 25 ans était avec des amis au volant de son véhicule, sur le parking d’un libre-service, à Kourou, quand il a vu déferler "quarante à cinquante gars, cagoulés, avec des bâtons, des pieds-de-biche, tout ce qui peut faire mal...". Carlos reçoit plusieurs coups, au visage, à l’épaule, sur la jambe, les vitres et les phares de sa voiture sont brisés... "Tout s’est passé très vite, en moins d’une minute."

"J’ai remarqué que c’était des Blancs, les cheveux coupés très courts, à l’allure sportive", se souvient un autre témoin, qui préfère garder l’anonymat. Depuis un bar, où il était attablé, il a vu le groupe approcher dans l’obscurité... "Une fois qu’ils sont arrivés dans une zone éclairée, ils ont mis des cagoules... Les gens ont crié undefinedundefinedLes légionnaires, les légionnaires...", et tout le monde s’est mis à courir...", précise-t-il.

Un peu plus loin, place de l’Europe, le groupe s’en est pris à d’autres jeunes, et a cassé un deux-roues, avant de se disperser. L’expédition punitive avait commencé à quelques centaines de mètres, non loin de la plage de la cocoteraie, où plusieurs centaines de personnes assistaient à une soirée musicale. Trois jeunes adultes et un mineur, souffrant d’hématomes et de plaies diverses, ont été hospitalisés.

Dans la nuit, la gendarmerie a dû protéger un militaire poursuivi par des jeunes, qui ont ensuite lancé des pierres sur la brigade. "Leurs cibles étaient des jeunes Noirs", constate le capitaine Lhombreaud, adjoint au commandant de la compagnie de gendarmerie de Kourou.

Installé dans la ville depuis 1973 pour protéger le Centre spatial guyanais, le 3e régiment étranger d’infanterie (REI) de la Légion étrangère regroupe 280 légionnaires permanents et 340 militaires en séjour de courte durée.

"Nous allons tout faire pour démasquer ces individus et les faire déférer devant la justice", explique le capitaine Lassée, officier supérieur adjoint du 3e REI. Selon le régiment, ces exactions pourraient être une réaction à l’insécurité croissante vécue par les légionnaires.

"De jeudi à dimanche, on a compté sept cas de vols et d’agressions dont ont été victimes les légionnaires à Kourou", affirme le capitaine Lassée. "Mais en aucun cas cela ne peut justifier les agressions inexcusables menées dimanche par des éléments isolés", poursuit l’officier.

ARMÉS DE BÂTONS ET CAGOULÉS

Dans cette commune multiethnique de vingt mille habitants, les relations avec la population sont parfois tendues. En 1985, un légionnaire avait été retrouvé tué par balles et plusieurs Kourouciens blessés à la suite d’une "descente" de militaires du 3e REI dans le bourg de Kourou, quartier interdit aux légionnaires pendant plusieurs années.

Dans une motion, la municipalité demande aux ministres de la défense et de l’outre-mer "de faire toute la lumière" sur cette nouvelle affaire. "Nous réclamons une enquête administrative pour déterminer les responsabilités à tous les niveaux, indique Jean-Etienne Antoinette, maire (divers gauche) de Kourou. Comment cinquante militaires peuvent-ils sortir de leur caserne armés de bâtons, avec des cagoules ?"

Cinq légionnaires ont été auditionnés par la gendarmerie, et deux d’entre eux ont été placés en garde à vue, mardi 8 août, à la brigade de Kourou.

Laurent Marot Article paru dans l’édition du Monde 10.08.06


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message