Patrick Pelloux muté de force... Partout comme à Saint-Affrique et Carhaix, défendons l’hôpital public

dimanche 12 octobre 2008.
 

Pourquoi faut-il soutenir l’urgentiste Patrick Pelloux ? La question doit être clairement posée aujourd’hui au lendemain de la mutation deu président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) au Samu de Paris sans qu’il en ait fait la demande - "Ce n’est pas une mutation choisie, mais obligée par le harcèlement devenu un mode de fonctionnement dans mon service" - et à la veille de la présentation du projet de loi "Hôpital, patients, santé et territoires" (HPST) par Mme Bachelot en conseil des ministres le 8 octobre.

Bien sûr, le Samu de Paris n’est pas un placard, encore moins un purgatoire ; tous les usagers et les professionnels de la santé reconnaissent les qualités remarquables et indispensables de ce service quand il s’agit de sauver des vies, ce qui n’est pas le moindre de ses mérites.

C’est la façon de faire qui est condamnable, le harcèlement qu’il faut dénoncer. Cette mutation peut être qualifiée de sanction disciplinaire à l’encontre d’un syndicaliste, quand on sait que les chefs de pôles et "les pontes des hôpitaux" s’acharnaient à tout mettre en œuvre pour l’atteindre moralement, pour le faire taire tout simplement.

Ce harcèlement est révélateur de l’agacement de quelques responsables qui ne comprennent pas qu’un médecin puisse avoir un investissement altruiste au sein d’un service public. Jaloux aussi de la médiatisation de Pelloux, mais surtout profondément inquiets de la portée convaincante de son discours dans les cerveaux disponibles.

Les malades sont taxés, coupables d’être malades et de creuser les déficits

Car tout le monde est d’accord avec Patrick Pelloux quand il dénonce l’indécence de quelques professeurs universitaires, « les conducteurs de Porsche », dont la vénalité s’accorde parfaitement avec leur serment d’hypocrites. Tout le monde, ce sont les malades, les familles des malades, les futurs malades… eh oui, vous, tout le monde quoi.

Depuis que le secteur privé a été introduit à l’hôpital et que certains en abusent sans scrupule, le service public ne s’est jamais aussi mal porté. Dans notre pays riche et soi-disant « civilisé », l’injustice face à l’offre de soins est une logique dominante totalement inhumaine mais toujours plus renforcée par les réformes successives. Déjà, plusieurs mesures ont instauré la solidarité à l’envers : les malades sont taxés, coupables d’être malades, coupables de plonger l’assurance maladie dans les déficits.

Et ce nouveau projet de loi HPST va instaurer encore moins de service public, moins de démocratie.

C’est sur un fond de dépenses de santé qu’a lieu le débat récurrent du « trou de la Sécu ». Il s’agit d’un faux débat car les comptes de la Sécurité sociale dépendent non seulement des sorties, mais aussi des rentrées financières.

Or, le déficit le la branche maladie -6 milliards d’euros en 2007- s’explique largement par le manque de recettes, le chômage entraînant une diminution de celles qui proviennent des cotisations sociales. Pire, de nombreux revenus échappent aux cotisations.

La Cour des comptes a calculé que, si les stocks options étaient normalement assujetties aux cotisations sociales, elles fourniraient 3 milliards d’euros, soit la moitié du déficit de la branche maladie de la Sécurité sociale. Le budget, finalement, résulte d’une décision politique…

Les multinationales attirées par le secteur de la santé français

La France consacre 11% de son PIB pour la santé. Les partisans du libéralisme contestent que ces sommes considérables échappent à la loi du profit, mais n’ont bien sûr rien à redire sur le coût des hospitalisations en milieu privé lucratif, dont la France détient le record européen (23%).

Ces cliniques appartiennent le plus souvent à des sociétés internationales comme la Générale de Santé et un nouveau venu, Vitalia, lié au fonds d’investissement américain Blackstone, dont les actionnaires exigent des taux de rentabilité du capital supérieur à 20%.

Le financement public enrichit ces sociétés privées et a permit à la Générale de santé de verser, en décembre 2007, 420 millions d’euros à ses actionnaires !

Le secteur de la santé français attire donc des capitaux internationaux en attente de vagues de privatisations. C’est dans ce contexte qu’a été mis en œuvre le financement appelé « tarification à l’activité » (T2A), dont le but déclaré est de diminuer le coût des hôpitaux. Et l’objectif, inavoué, d’augmenter le financement des cliniques.

La T2A est faite pour mesurer la quantité, pas la qualité ; les gestes techniques, pas l’acte intellectuel. Elle ne prend en compte ni la gravité, ni l’activité des services hautement spécialisés, ni la précarité, ni les problèmes psychologiques, ni l’éducation du patient… Elle se révèle complètement inadaptée aux services de médecine des hôpitaux publics.

Conçue à l’évidence en faveur des cliniques, la mise en place de la T2A, comme attendu, entraîne le déficit voire la faillite de 90% des hôpitaux publics.

Ce déficit permet aujourd’hui de justifier l’abandon de certaines activités, la restructuration d’autres, voire la fermeture pure et simple de nombreux hôpitaux de proximité. Certains seront vendus au privé…

Le patient qui se fait alors opérer en clinique est obligé de payer des dépassements d’honoraires devenus exorbitants. Il est commun de devoir payer des dépassements de l’ordre de 1 000 euros pour une cataracte ; pour une prothèse de hanche, 3 000 euros pour le chirurgien et 1 000 euros pour l’anesthésiste.

Opéré dans la semaine dans le privé, dans un an au tarif Sécu

Ces phénomènes ne touchent pas seulement les cliniques mais concernent également l’activité privée au sein des hôpitaux publics. Il s’y pratique des dépassements d’honoraires qui, bien souvent, ne correspondent plus à aucune règle éthique.

On retrouve là nos « conducteurs de Porsche », avec qui vous pourrez avoir un rendez-vous de consultation dans la semaine si vous y mettez le prix… ou dans un an si « vous vous contentez du tarif Sécu ». Et à ce tarif, ce n’est sans doute pas lui qui vous opérera, il laissera un interne « se faire la main ».

Pour contrer cette politique, les défenseurs du service public doivent lui opposer une réforme partant des besoins de la population et visant à garantir l’égalité d’accès aux soins.

Solidaire, le système de financement doit être assuré par les cotisations sociales, par l’impôt et la contribution de tous les revenus financiers. Notre système de santé, de soins et de sécurité sociale doit rester fidèle à ses valeurs de solidarité : chacun finance en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins.

A Carhaix et Saint-Affrique, la mobilisation a payé

Il n’y a aucune raison que le financement public, par les fonds socialisés de l’assurance maladie, continue à verser des dividendes colossaux aux actionnaires de sociétés à but lucratif telles que la Générale de santé ou Vitalia.

La réforme égalitaire et républicaine que nous voulons doit s’employer à la fois à rénover le service public et à remettre en cause les dérives mercantiles des pratiques médicales ainsi que celles des industriels de la santé.

Comme d’autres syndicalistes qui luttent en ce sens dans les hôpitaux, Patrick Pelloux subit aujourd’hui le harcèlement qu’on connaît.

Des mobilisations dans toute la France s’organisent et grandissent. Saint-Affrique et Carhaix sont de beaux exemples de résistance et de luttes victorieuses, et il y en aura d’autres. C’est un choix de société clairement revendiqué.

Ce combat passe aussi par le soutien de tous à ceux qui subissent une répression antisyndicale quand ils s’opposent à la marchandisation de la santé.

de Corinne Perron


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