Allemagne : crise permanente du SPD et progression de Die Linke (Bulletin du courant unir de la LCR)

jeudi 16 octobre 2008.
 

À première vue, il s’agit d’une défaite cinglante de la droite : L’Union chrétienne sociale (CSU) a perdu la majorité absolue lors des élections régionales en Bavière le 28 septembre. Depuis 1962, la CSU, en symbiose avec les traditions, l’église catholique et le conservatisme d’une grande partie des bavarois, régnait seule sur la région. Cette fois-ci, elle n’obtient que 43,3% des suffrages, contre 60,7% en 2003.

Mais les résultats des élections semblent exprimer une différenciation et une recomposition au sein de la droite plutôt qu’une véritable rupture avec le conservatisme de la Bavière. Ce sont les « électeurs libres », une liste rassemblant les déçus de la CDU qui profitent dans une large mesure de l’érosion des grands partis en obtenant 10,2%, permettant ainsi de gagner 21 élus. De même, les libéraux (FDP), après 14 années d’absence du Parlement régional, obtiennent leur meilleur résultat avec 8% des voix. Ce même parti libéral qui se positionne certes de temps à autre en défense des « droits démocratiques des citoyens » n’hésite toutefois pas à afficher une tonalité très « nationaliste » et « populiste » si nécessaire.

Il se peut que le véritable bilan de ces élections bavaroises se situe ailleurs, à savoir dans les médiocres 18,6 % de suffrages que le Parti social-démocrate (SPD) a récoltés. Alors que la chute de la CSU devrait logiquement profiter au deuxième grand parti politique allemand, le SPD bavarois perd 1% par rapport aux dernières élections régionales en 2003 et enregistre le plus mauvais résultat de toute son histoire.

Ce résultat n’est que la plus récente manifestation de la crise aiguë et profonde qui secoue le Parti social-démocrate, un des plus anciens et puissants partis de ce type en Europe. Son évolution à droite, depuis une trentaine d’années, lui a fait subir des pertes qui l’ont vidé de sa substance politique. Entre le SPD des années 70, dirigé par Willy Brandt, et le parti de l’ère « post-Schröder », il y a maintenant un gouffre.

Le 7 septembre dernier, une révolution de palais avait permis aux sbires de l’ex chancelier Gerhard Schröder de chasser l’ancien président Kurt Beck. Celui-ci n’était en rien un homme de gauche, mais tirant un bilan négatif de la politique de Schröder, il avait pris quelques timides distances avec « l’agenda 2010 » et adopté un discours plus social. Cela était insupportable pour l’aile droite du parti.

En concordance avec le patronat qui voyait d’un mauvais oeil les critiques faites à l’agenda 2010, Kurt Beck à été remplacé par l’ancien ministre de travail et leader charismatique, Franz Müntefering. De même, l’actuel ministre des affaires étrangères de la grande coalition et « ami de trente ans » de Schröder, Frank-Walter Steinmeier, a été désigné comme candidat pour affronter la chancelière Angela Merkel en 2009. Müntefering et Steinmeier sont les représentants les plus fidèles des attaques menées par l’ancien gouvernement Schröder –Fischer contre l’Etat providence ainsi que de l’alignement sur la politique étrangère de Bush et de l’envoi des troupes allemandes en Afghanistan. C’est cette politique qui a plongé le SPD dans le plus profond désarroi depuis l’existence de la République fédérale.

Entre 1998 et 2008, le SPD perd la moitié (!) de ses militants et passe d’environ un million à 500 000 adhérents. Pour la première fois depuis 1945, la CDU revendique plus d’adhérents que l’ancien parti ouvrier. Aucun signe n’est perceptible qui indiquerait qu’un renversement de cette tendance est possible. Au contraire, la prise en main du parti par l’aile la plus libérale et droitière ne peut que approfondire sa crise et la récession qui s’abat sur l’Europe n’est pas de nature à aider le SPD à retrouver une légitimité auprès des classes populaires. Par contre, comme le démontre les législatives en Autriche, une course de vitesse entre les partisans de la contre-révolution néo-conservatrice et de l’extrême droite d’un côté et des forces anti-libérales de l’autre côté est engagée.

Suite au putsch de la vieille garde schröderienne, un dirigeant de Verdi – le plus grand syndicat allemand - Michael Wendl, a annoncé son départ du SPD et son adhésion à Die Linke. Début septembre, dans la Sarre – ou d’après les sondages, Die Linke se situe à égalité avec le SPD – 220 chauffeurs de bus avaient indiqué lors d’une conférence de presse avec Oskar Lafontaine qu’ils rejoignaient les rangs du jeune parti de la gauche radicale. Les 4,3 % de voix obtenue lors des élections bavaroises ne permettent pas d’accéder au Parlement régional, mais elles constituent une nette progression par rapport à 2005 (3.3%) et confirment que Die Linke est bien la seule force légitime pour représenter une alternative politique à gauche pour les classes populaires.

Par Marc Dormoy


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