Pas de plan de protection des banques sans plan de protection des gens. Pas de bouclier bancaire sans bouclier social

lundi 20 octobre 2008.
 

Où est le bouclier social ?

Ce mercredi je n’étais pas dans l’hémicycle du Sénat à l’heure du vote sur le plan de sauvetage des banques. J’étais prévu comme orateur d’une réunion en Seine-Maritime que j’avais déjà ajournée une fois l’an passé pour une question de vote inopiné. Déjà ! On ne sèche pas deux fois une réunion préparée par des dizaines de bénévoles. Mon carton de vote étais donc dans la main de mon groupe. Il s’abstenait. Nous n’avons été que six à argumenter et voter afin que le groupe vote contre le plan gouvernemental. Tous les autres se sont prononcés pour l’abstention. Le débat était entre les partisans du vote contre et les partisans de l’abstention. Personne n’a opiné afin que le groupe vote pour, au contraire de ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale. Pour bien comprendre l’ambiance de ce vote des sénateurs socialistes il faut savoir qu’il était lourdement surplombé par le fait que les députés socialistes s’étaient déjà prononcés de leur côté sans consulter personne. En clair voter contre c’était aussi ajouter au désordre socialiste. Cette crainte a pesé lourd dans la décision de nombre de mes collègues. Quelle confusion ! Cette journée a été un moment de déchéance particulière pour notre parti.

CONTRE LE PLAN GOUVERNEMENTAL, BIEN SÛR

Pourquoi faut-il voter contre le plan gouvernemental ? Evidemment personne ne souhaite l’effondrement du système bancaire. Mais son sauvetage ne peut–être un simple exercice technique destiné à garantir les actifs des spéculateurs qui continuent leur sale besogne, que leur banque soit nationalisée ou pas. Le minimum vital pour l’économie du pays est que soit annoncé en même temps un plan de protection de l’économie productive, un plan de soutien à l’activité économique et de protection des salariés. En même temps. On ne peut gérer selon deux logiques la situation. Pour les banques les méthodes du collectif, pour l’économie réelle et les travailleurs les recettes du libéralisme… qui ont conduit les banques là où elles sont.

Pas de plan de protection des banques sans plan de protection des gens. Pas de bouclier bancaire sans bouclier social.

Non seulement le plan gouvernemental ne prévoit rien à ce propos mais la seule annonce faite concernant les travailleurs est que le travail du dimanche va être généralisé et donc que la dérégulation du « marché du travail » continue. Voter contre le plan gouvernemental c’est laisser à l’exécutif la responsabilité de ses décisions. De toute façon elles s’appliqueront. S’abstenir c’est dire que l’on ne peut approuver, certes, mais qu’on ne peut condamner non plus. C’est mettre un doigt dans la logique « d’union nationale » que voudrait Nicolas Sarkozy. L’union nationale, c’est la fin du droit de critique, la fin du débat, la solidarité sans alternative, une sorte de mise entre parenthèse volontaire de la démocratie. Un plan de sauvetage des banques, et d’elles seules, mérite-t-il cet effacement des contradictions et objections que cette exclusivité d’intérêt met en scène ? Je ne suis pas d’accord du tout. Certes, je peux admettre que des situations particulières nécessitent une telle union. Par exemple si la patrie républicaine était en danger du fait d’une invasion ou bien si le régime républicain était menacé par des putschistes. Mais le cas présent n’a rien à voir avec cette situation. La difficulté de ce que nous affrontons nécessite au contraire le débat et non son extinction.

UNE BEREZINA

Toute la séquence est un effondrement de la structure socialiste compte tenu de la gravité du sujet et de la situation. C’est sciemment que l’on a laissé le parti à l’abandon. La date du conseil des ministres avancée au lundi, ne pouvait-on convoquer le bureau du parti juste après ? Ne sommes nous pas une direction composée à 95% de permanents politiques qui disposent librement de leur temps ? En maintenant la tenue du bureau du parti au mardi après les réunions de groupes et alors que le vote serait déjà engagé à l’assemblée nationale on a créé une première tout a fait lamentable.

Dans la tradition du socialisme français c’est le parti qui tranche les grandes questions d’orientation politique et non les groupes parlementaires. Au contraire par exemple du parti anglais. Pour mémoire, cette question, apparemment anodine dans les logiques simplistes et médiatiques de notre temps, a déjà provoqué de grands remous au PS dans le passé. On se souviendra par exemple que Marcel Déat et sa tendance droitière, qui finit dans la collaboration, firent scission du PS dans les années trente parce qu’ils s’opposaient à ce que le bureau du parti tranche en dernier ressort par rapport au groupe parlementaire…

Dans la situation concrète de ce vote, la séquence a donc été la suivante. A l’assemblée nationale, le noyau dirigeant autour de Hollande et Ayrault était favorable au vote du plan Sarkozy. C’est un long débat qui a permis d’obtenir l’abstention comme plus petit commun dénominateur. Une fois cette décision acquise dans ces conditions, toute la planète socialiste a été prise en otage. D’abord les sénateurs sommés de s’aligner. Puis le bureau du parti, suprême expression de ce dernier qui s’est réuni à une heure où il ne lui restait plus que le pouvoir de commenter. Comment aurait-il pu désavouer ses groupes parlementaires ?

Même Mauroy a protesté contre cette situation inouïe. Après quoi il a fallu supporter l’expression dans les médias des partisans du vote favorable au plan Sarkozy…. La nuit est avancée. J’apprends que mon camarade Marc Dolez a voté contre le plan Sarkozy à l’assemblée nationale. J’ai le moral en berne mais le geste de Dolez trace un chemin. Certes c’est un chemin de crête. Mais si ce sont les moins fréquentés ce sont aussi, pour cette même raison, les plus courts, souvent.


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