La disparition du monde ouvrier et ses conséquences (point de vue de Michel MENGNEAU, PCF)

mercredi 22 octobre 2008.
 

Ceci est l’ébauche d’une petite analyse tout à fait personnelle. Elle demandera à être peaufinée et approfondie. Certains auront d’autre vue et conception de l’effritement du concept : monde ouvrier, tant mieux, car c’est de la confrontation que sortent souvent les meilleurs analyses.

Le monde ouvrier dans le sens historique et social de l’expression était le pourvoyeur de voix pour les partis de gauche, puis inéluctablement diverses raisons ont œuvré à son effritement, voire sa disparition. Il existe toujours des ouvriers mais plus de monde ouvrier à proprement parler et ainsi qu’on le concevait il y a encore quelques décennies.

Sans aborder toutes les différentes causes profondes de ces désagrégations, il est possible toutefois d’en dégager certaines qui apparaissent comme essentielles.

L’une des premières, à priori la moins évidente, est une question de sémantique liée en partie aux tribulations de mai 68. Nous relativiserons donc le fait que le monde ouvrier ait pris le train en marche de la révolte étudiante dont par la suite ses syndicats ont voulu se l’approprier, pour finir par le saboter avec l’aide d’un parti communiste conscient d’avoir été débordé, qui en l’occurrence amorcera dans ses circonstances le début de son déclin. On sait ce qui l’advint, dans la foulée après que De Gaulle eut dissous l’assemblée ce sera alors un raz de marée de la droite. Ebranlé le PC voulant alors gommer sans doute l’image de Staline et de Thorez qui malgré leurs disparitions laissaient encore dans les esprits comme une sorte de rejet, les instances dirigeante du parti ont pris la décision en 1976 de ne plus parler de dictature du prolétariat. Pour ma part je pense que ce fut une erreur, sans doute eut-il fallu en restant dans cette ligne de pensée élargir à tous les exploités et défavorisés le concept de prédominance de ces classes sociales sur les capitalistes. On serait resté dans l’un des fondements de la pensée de Marx.

Revenons aux mutations sociales. En effet, même si des accords de Grenelle négociés en catimini ont apporté certains avantages non négligeables aux sorts des travailleurs ou peut-être à cause de tout cela, à la suite de cette révolution en partie intellectuelle sous prétexte de redonner un semblant de qualification soi-disant plus acceptable et plus dans l’air du temps à diverses professions l’on a alors appelé celles-ci : Technicien de machin, Technicien de truc, Agent de truc, Agent de machin et ainsi de suite ; même le traditionnel facteur est devenu le préposé.

L’honneur des travailleurs s’en est sentit revigorées, minimisant de fait des avantages sociaux et des salaires encore insuffisamment revalorisés. Pourtant il n’y avait pas de quoi pavoisé, puisque l’on avait subitement oublié que le terme ouvrier vient d’œuvre, donc celui qui conçoit ou exécute une œuvre. Et que l’ouvrage ainsi effectué porte un nom simple : celui qui tourne une pièce métallique est un tourneur, celui qui fond de la fonte est un fondeur et celui qui balaie est un balayeur, sans que ces qualificatifs soit péjoratifs. Au contraire, c’est la dénomination, vrai, du travail réalisé auquel, quelque soit la tâche, on doit la même considération et respect. A la suite de quoi, sans que cela paraisse, déjà ces appellations subliminales avaient déstabilisé la cohésion du monde ouvrier.

Parallèlement à cette prétendue embellie de la condition ouvrière, une autre mutation était en gestation : celle du patronat traditionnel. Le capitalisme à la « papa » allait disparaître, absorbé lui aussi par le monde moderne.

Certes on aura toujours du mal à encenser les grands patrons d’antan, car se fut après de dures tractations dont ils tentaient d’atténuer l’âpreté par un paternalisme bon enfant, puis devant leurs intransigeances il aura fallut des grèves innombrables et longues pour permettre aux travailleurs de conquérir quelques avantages ; ils ont donc le plus souvent privilégié l’enrichissement de leurs patrimoines au dépend de la qualité de vie de leurs ouvriers. Mais, pour beaucoup, ils étaient les descendants de ces nouveaux patrons qu’avaient façonné la révolution industriel de la fin du XIXème siècle - particulièrement dans l’industrie lourde et le textile - et portaient en héritage un certain savoir faire, connaissaient leur métier, perpétuant le sens de l’œuvre qu’avaient légué leurs ancêtres, en quelques sortes des hommes de l’art. D’ailleurs certains se complaisaient à se faire appeler, par exemple : « Maître de Forge ». Pour ces raisons, malgré une primauté en direction de leurs bas de laine, on les vit réinjecter des capitaux dans les entreprises, favoriser la technologie et la recherche, ne passant pas nécessairement au premier plan la rentabilité d’un quelconque cours boursier.

Seulement voilà, dans les années 70, la société de consommation est en pleine expansion. Pour satisfaire les besoins des populations, les industriels durent augmenter les capacités de production des entreprises, par là même, les agrandir, voire les moderniser à outrance – entre parenthèse, si la robotisation réduisit les accidents corporels, elle engendra chez les travailleurs d’autres sortes d’accidents du travail, liées en particulier au stress et autres traumatismes psychiques et qui sont de plus en plus exacerbés. Un besoin de capitaux importants se fit sentir. Pressés par l’explosion du marché, et devant une alternative alléchante permettant de s’enrichir encore davantage, ils vont oublier allègrement le traditionalisme industriel de la vieille Europe et s’inspirer des capitalistes américains en faisant appel à des investisseurs. Le pas était franchit, un siècle de savoir-faire finissait entre les mains de financiers qui n’en avaient cure, seuls les dividendes de l’argent investi allaient devenir primordiaux. Et qui de plus vont emmener le capitalisme dans les rouages infernaux d’une spéculation sans foi ni loi.

Cependant, la mutation ne se fit pas brutalement, les investisseurs ont joué, dans un premier temps, le jeu de la croissance du pays dans lequel ils avaient investi. Puis, peu à peu, la mondialisation aidant, concrétisée en 1995 par la mise en place définitive de l’OMC (une forme similaire existait depuis 1947) ils ont été cherchés où il était possible d’engranger dans un temps record le maximum de profits.

Se ne sont pas là les seules raisons de l’éclatement de la classe ouvrière française – par exemple l’abandon d’énergie traditionnelle comme le charbon, etc. Qui sera lié aussi à une mondialisation économique déplaçant les pôles de production des capitalistes vers les pays émergeant, où la main-d’œuvre est encore taillable et corvéable à merci. Aussi, le rapport à la politique à évolué rapidement et notre pays en est devenu un pays de service, avec en prime, une vocation touristique aléatoire.

L’union que constituait le monde ouvrier n’est plus, avec comme corollaire l’amoindrissement du Parti Communisme dans lequel celui-ci puisait sa principale force et son électorat. L’individualisme est de rigueur. Avant, même si ce ne fut pas toujours facile, face à des conditions de travail difficile on regardait la valeur de l’homme avant la couleur de sa peau ou celle de son origine. Maintenant qu’il y a moins de travail, et plus diversifiés, les liens sociaux qui auraient pu se créer n’existe plus. Le voisin est le concurrent. On pourrait parler de l’aspect social s’articulant autour de l’individualisme dont par exemple la télé fut l’une des principales causes. Même si parfois le petit tour au bistrot à la débauche favorisait l’alcoolisme, on ne peut pas le nier, il n’en reste pas moins que l’on s’y retrouvait pour propager des informations et cela favorisait souvent les discutions sur la société, et il n’était pas rare d’en voir un s’étant bien fait expliquer le fonctionnement de tel ou tel parti, voire syndicat, et qui allait alors en toute connaissance de cause prendre sa carte. Maintenant c’est chacun pour soi abêti devant la télé.

C’est en partie à travers toutes ces thématiques nouvelles que Le Pen va piocher, ainsi que les néo-populistes de la droite, afin de récupérer des électeurs déstabilisés et qui sont prêts à concevoir qu’une solution extrême comme celle qu’il propose va régler leurs problèmes. Le score réalisé par Marie-Perrine le Pen lors des dernières législatives en est le meilleur exemple. Même si elle n’a pas confirmé au municipale, c’est probablement chez Sarkozy qu’une parte de ces gens déstabilisés se sont tournés. Aussi, tant mieux si d’autres ont réfléchi et sont revenus vers la vraie Gauche ( il s’agit naturellement des partis que les biens pensants classeront à l’extrême gauche) où sont les valeurs de leurs passés, mais cela demande une confirmation.

Par ailleurs, j’ai bien peur pour l’avenir du parti communiste qui ayant du mal a cerné véritablement la disparition de la classe ouvrière et qui aurait du sentir que les prémices d’une montée d’opposition à ultralibéralisme venait d’ailleurs, du plus profond du peuple et ceci en dehors des partis politiques traditionnels.

Mais il n’empêche que l’on doit remettre au gout du jour le débat idéologique, et pourquoi ne pas rouvrir les ouvrages de Marx, Trosky, Marcusse, etc. et tenter de faire sortir de ces réflexions philosophiques un enseignement pour notre société moderne.

C’est pourquoi, malgré les inclinaisons que l’on ait, nous avons besoin d’un parti communiste fort, porteur et divulgateur de la pensée de Marx afin que chacun réfléchisse en connaissance de cause sur son avenir.

De : Mengneau Michel


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