Corruption : Comment les banques achètent les partis de droite en Suisse

lundi 27 octobre 2008.
 

Près de 2 millions de francs suisses sont versés chaque année aux partis de droite par UBS et le Credit Suisse. Depuis que le plan de sauvetage des grandes banques a été annoncé, la polémique fait rage sur l’influence des banques sur la politique fédérale. UDC, PDC et PRD devront-ils rendre l’argent reçu ?

Il est un secret mieux gardé que la recette du Coca-Cola : le montant des versements des milieux économiques aux partis politiques suisses. Les pontes de la Berne fédérale le savent pourtant. Des recherches du SonntagsBlick fournissent pour la première fois l’ordre de grandeur de ces dons : chaque année l’UDC, le PDC et le PRD encaissent quelque 2 millions de francs en provenance d’UBS et du Credit Suisse. Mieux : il existe des comptes secrets alimentés par des dons dont personne ne doit connaître la provenance.

L’arrogance des banquiers et les milliards pour UBS ont fait tomber le mur du silence. « Les grandes banques nous ont graissé la patte pendant des années », a déclaré, la semaine dernière, un conseiller national UDC demeuré dans l’anonymat. Coup de tonnerre dans le landernau politique. Subitement, les politiciens parlent des dons d’UBS et du Crédit Suisse. Rien de tel que l’anonymat pour délier la langue des hauts responsables des partis connaissant ces flux financiers secrets. Voyez les résultats étonnants de nos recherches.

« Le PDC a reçu, chaque année, entre 100000 et 500000 francs d’UBS et du Crédit Suisse », déclare un initié du PDC. Qui ajoute : « Nous boxons ainsi dans la même catégorie que l’UDC et le PRD ». Un demi-million des banques pour le PDC ? « Je peux m’imaginer que cet ordre de grandeur est plus ou moins plausible », admet Markus Kündig, ancien conseiller aux Etats [parlementaire fédéral] zougois. Ce vieux renard PDC âgé de 77 ans a siégé au Conseil des Etats de 1974 à 1994 ; il a été membre du conseil d’administration d’UBS jusqu’en 2002, et des années à sa vice-présidence. Il a ouvert, à Zoug, le compte secret du PDC qu’on appelait à l’interne « compte Kündig ». On parle désormais du « compte zougois ».

Un conseiller national précise : « La provenance des dons devait être maquillée ». Markus Kündig ne dément pas l’existence de ce compte : « Je ne peux rien déclarer à ce sujet ». Le président du PDC suisse, Christophe Darbellay est gêné : « Je n’ai pas de renseignements à fournir à ce sujet ». Il refuse de commenter l’ordre de grandeur des dons des grandes banques. Une chose est claire : sans l’argent d’UBS et du Crédit Suisse, les démocrates-chrétiens auraient de la peine à faire bouillir leur marmite : ces dons forment un quart du budget du PDC. Le PRD reçoit « par année entre 300000 et 700000 francs » d’UBS et du Crédit Suisse, selon un intime du parti. L’association « Les amis du Parti radical », que préside l’ex-CEO d’UBS Peter Wuffli, verse des montants semblables.

Un parlementaire radical s’étrangle : « Notre président exige que les bonus soient remboursés et laisse parallèlement les plus gros arnaqueurs soutenir le parti ». Nous savons que le PRD possède, lui aussi, un compte secret pour camoufler l’origine des fonds. L’argent est sur un compte à Genève.

Un ancien apparatchik du parti ne cache pas que les grandes banques ont lié leurs versements à certaines conditions : « A l’élection d’Hans-Rudolf Merz [ministre fédéral], les pressions du Crédit Suisse et d’UBS ont été très fortes ». Le chef du Parti radical, Fulvio Pelli, reste de marbre : « Nous avons promis à nos donateurs de rester discrets ».

« Nettement plus qu’un demi-million », voilà la somme versée à l’UDC par UBS et le Crédit Suisse, à en croire un insider du parti. « Lorsque Marcel Ospel est devenu CEO à UBS, les contributions ont passé en un an de zéro à 300000 francs », révèle ce nouveau « Gorge Profonde ». L’UDC n’échappe guère aux pressions des grandes banques.

Quand le conseiller national Christophe Mörgeli (UDC/ZH) a débiné, en mars 2005, la « clique des petits copains » du Credit Suisse dans l’hebdomadaire « Die Weltwoche », le président du Crédit Suisse est intervenu personnellement auprès de l’UDC. Christophe Mörgeli s’en rappelle : « Le soutien financier à l’UDC a été suspendu pendant une année ». Le président de l’UDC, Toni Brunner, n’a lui « aucun commentaire » à livrer.

« SonntagsBlick » : Christoph MOSER et Marcel ODERMATT. Adaptation L. DUVANEL

Christophe Mörgeli

Commentaire

On mentionnera que les versements des banques aux partis politiques suisses ne sont que la pointe de l’iceberg de la corruption du milieu politique local. Les multinationales et des entreprises suisses versent, elles aussi, leur contribution aux partis qui se sont vendus.

A titre personnel, les élus de gauche comme de droite siègent dans les conseils d’administration de toutes les sociétés disposées à leur payer un pot-de-vin hypocritement appelé "jeton de présence". Certains élus siègent ainsi dans des dizaines de conseils d’administration.

Non seulement "la gauche" suisse s’abstient de dénoncer cette situation de corruption institutionnalisée, mais ses propres élus ne demandent qu’à se vendre. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner du fait que les partis suisses "de gauche" sont les premiers à qualifier de "démagogique" toute revendication sociale émanant de leur base. Ils ne revendiquent même pas l’adaptation au renchérissement du coût de la vie du "minimum vital" des plus démunis, ce qui ne les gêne nullement pour déblatérer à propos de "la générosité de l’Etat social".

Quant aux syndicats suisses, leurs comités sont complètement noyautés par des politicards "de gauche". A chaque élection du comité, les apparatchiks font appel à leurs petits copains du parti, lesquels débarquent en masse à l’assemblée générale pour voter comme des marionnettes. Face à ces blocs de voix acquises aux politicards, aucun militant indépendant n’a la moindre chance d’être élu.

Ce système permet aux apparatchiks de se maintenir en place durant des dizaines d’années, que cela plaise ou non à une base dont ils trahissent sans scrupule les intérêts les plus légitimes. Ainsi, d’une manière générale, loin d’exiger de véritables augmentations de salaire, les syndicats suisses se contentent de revendiquer des pseudo "augmentations" compensant à peine le renchérissement du coût de la vie. Le dernier président de l’Union syndicale suisse s’est fait embaucher par le département fédéral de l’Economie où, à peine entré en fonction, il a orchestré une nouvelle attaque contre les indemnités des chômeurs. Un autre ex-apparatchik de l’Union syndicale suisse publie dans plusieurs journaux des articles à la gloire du néolibéralisme.

Compte tenu de cette situation de corruption généralisée, on peut être certain que rien ne sera fait, au sein du milieu politique suisse, pour assainir la situation. Tous ont personnellement intérêt à ce que ce système continue. Quant aux rares élus ou militants qui le dénoncent, ils seront réduits au silence -on les accusera d’alimenter le "tous pourris" du Café du Commerce- ou exclus du parti.

Pour conclure, on mentionnera que le même système fonctionne au niveau de chacun des cantons de la confédération suisse. Et c’est ce système corrompu, au sein duquel la "représentativité populaire" n’est qu’une imposture, qui se présente comme un "modèle démocratique" pour le reste du monde.

par Christoph MOSER, Marcel ODERMATT et L. DUVANEL


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