Un congrès socialiste où les blancs bonnets, les bonnets blancs et le contraire se livrent une compétition serrée alors qu’entre le monde des annonces en haut et celui de la production réelle il y a plus qu’un fossé : un gouffre.

mardi 4 novembre 2008.
 

Parfois un rien vous fait basculer de la routine à l’exaspération. Là c’est parce que je découvre que je suis annoncé ce mardi soir à Béthune pour un meeting de la motion Hamon quoique j’ai dit à plusieurs reprises que je ne pouvais pas y être présent. J’aime bien le Pas de Calais, mais quand même ! J’en reviens. J’étais en effet déjà ce lundi soir à Arques pour la réunion de présentation des motions dans la huitième circonscription. Si le coup de Béthune m’énerve c’est que je déteste qu’on se serve de mon nom pour remplir la salle, premier mensonge, avant d’annoncer que je suis retenu en dernière minute, deuxième mensonge. Cette mauvaise manière venant de ma propre motion me fait mâcher des cendres.

Elle est à l’image d’un congrès socialiste parmi les plus désolants auxquels j’ai participé. Un objet glissant, sans bords ni poignées, qui ressemble chaque jour davantage à un pur jeu de rôle. A l’extérieur du bocal, mes amis qui ne sont plus membres du PS sont goguenards, dans le meilleur des cas. Sinon ils baillent quand je leur parle des enjeux de cette bataille. Je n’ai pas le moral ? C’est vrai, parce que les pronostiqueurs prévoient un classement d’arrivée où les blancs bonnets, les bonnets blancs et le contraire se livrent une compétition serrée en tête tandis que la motion de gauche fait, une fois de plus, de la figuration. Et cela rapproche de moi une mise au pied du mur politique qui m’accable. Bon.

Juste avant la réunion des motions j’ai été reçu par une délégation des ouvriers de la cristallerie d’Arc et de ceux de la cartonnerie Cascade. Ils sont à bout, avec des lettres de licenciements pour horizon. Après avoir fait un tour de leur problème, il y a eu une séquence humour. Noir. Car ils m’ont recommandé de « mettre de l’ordre au PS ». En effet des élus locaux leur avaient téléphoné avant pour les dissuader de me rencontrer. Socialistes bien sûr. Mais de la bonne motion. Vous voyez ce que je veux dire. Non ? Décidément ce congrès est opaque. Par contre la situation des gens est claire. Ils sont dans la mouise jusqu’au cou.

Le gouffre

La cristallerie d’Arc perd des emplois comme une saignée ininterrompue. 1000 emplois par an. C’était la grosse boite du coin. Une institution, un monument, un style de vie, avec 12 000 salariés. Les gros cerveaux ont appliqué la routine inhumaine pour faire cracher du fric aux cailloux eux-mêmes : direction la Chine. On connaît la musique et le refrain : coûts du travail, compétitivité, flexibilité modernité bla bla. Pas besoin de faire un dessin. Et personne dans l’Etat ne fait rien qui vaille la peine d’être signalé pour arrêter le désastre. Sauf les salariés, malades d’angoisse qui tachent de résister comme ils peuvent. Ceux de la cartonnerie sont des quasi saints. Ils restent calmes. Je me demande comment ils font après s’être fait gruger comme ils l’ont été. En effet, ils ont eux-mêmes décidé d’augmenter leur temps de travail. En échange de rien. Mais pour rien. Car une grosse machine qui produisait 600 tonnes de carton par an est quand même mise à l’arrêt. 102 postes de travail en moins, 86 licenciements économiques. La routine ? Presque. Mais particulièrement saumâtre. En effet il s’agit de l’unique usine pour la France, le Benelux et la grande Bretagne qui produit du carton à 100% à partir de produits recyclés. La ministre Lagarde, du gouvernement du Grenelle de l’environnement bla bla, n’a jamais reçu personne. Les faiseurs de phrases écolo gouvernementaux n’ont pas eu une seconde pour s’y intéresser. Et ainsi de suite. Entre le monde des annonces en haut, des postures, des votes unanimes à l’Assemblée nationale et celui de la production réelle par des gens en chair et en os il y a plus qu’un fossé : un gouffre.

La Chose

Tout creuse l’écart, quand point par point la réalité est à l’inverse des discours. Et rien ne vient combler l’écart. Travailler plus pour gagner plus : bernique. Produire vert : foutaise. Développer la recherche et la créativité : tous les postes de direction de la recherche sont supprimés dans ces boites. L’Europe qui nous protège : les gens pensent qu’on les prend pour des idiots. L’Europe ce n’est pas la solution, c’est le problème. Et ainsi va la vie. La crise financière devient une crise économique qui devient une crise sociale qui arme à son tour les ressorts de la crise politique. La crise politique c’est ça : ceux d’en bas n’en peuvent plus de constater que leur sort ne devient jamais un sujet politique.

A la réunion des motions, on s’est concentré sur l’essentiel si j’en crois ce que j’ai entendu : les socialistes ont besoin d’un chef. Et des idées bien sûr. Des idées neuves et modernes. Et ainsi de suite. Dehors, devant la salle de réunion, les idées pas neuves et pas modernes passaient dire un petit bonjour aux copains à la baraque à frites du coin de la rue. Ceux-là parlent aussi, quand on veut, de leur production de pointe et de leurs machines ultra modernes mises à l’arrêt. Dans toute cette histoire ce qui est archaïque et très dix neuvième siècle, c’est juste qu’en face de la violence de l’exploitation et des licenciements, les mots de la lutte de classe aient disparus de la bouche des porte paroles politiques tandis que sa réalité se vautre sur les gens et les étouffe sans que la chose ait un nom pour la nommer.


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