Des agents provocateurs face aux mouvements sociaux : Interview de l’ancien président italien Francesco Cossiga

dimanche 13 août 2023.
 

Nous publions ci-dessous le texte de la terrifiante interview que Francesco Cossiga a donnée à quelques quotidiens nationaux. Cossiga comme ministre de l’intérieur dans les années 1976-1978 conduisit la répression impitoyable du mouvement et son action a été liée pendant cette période, dans des circonstances entourées d’un impénétrable mur du silence, aux faits les plus tragiques et obscurs de l’histoire récente de la république : Gladio, P2, le meurtre de Giorgiana Masi...

Président Cossiga, pensez-vous qu’en menaçant d’utiliser la force publique contre les étudiants Berlusconi ait exagéré ?

"... je crains que les paroles ne soient pas suivies par les faits et que donc Berlusconi doive faire la grimace. »

Quels faits devraient suivre ?

« Maroni devrait faire ce que j’ai fait quand j’étais ministre de l’Intérieur. »

C’est-à-dire ?

« En premier lieu, faire semblant de céder devant les lycéens, parce que pensez à ce qui arriverait si un jeune était tué ou restait gravement blessé … »

Les universitaires, au contraire ?

« Laisser faire. Retirer les forces de police des rues et des universités, infiltrer le mouvement avec des agents provocateurs prêts à tout et laisser pendant une dizaine de jours les manifestants dévaster les commerces, mettre le feu aux autos et mettre les villes à feu et à sang. »

Et après ?

« Après, fort du consensus populaire, le son des sirènes des ambulances devra surpasser celui des voitures de police et des carabiniers. »

Dans quel sens ...

Dans le sens que les forces de l’ordre ne devraient avoir aucune pitié et les envoyer tous à l’hôpital. Ne pas les arrêter, il y a tant de magistrats qui les remettraient tout de suite en liberté ! mais les frapper et frapper aussi les enseignants qui fomentent les troubles. »

Même les enseignants ?

« Surtout les enseignants »

Président, ce que vous dites est un paradoxe, non ?

« Je ne dis pas les anciens, certes, mais les jeunes maîtres, oui. Se rend-on compte de la gravité de ce qui est en train de se passer ? Il y a des enseignants qui endoctrinent les enfants et les font descendre dans la rue : une attitude criminelle ! »

Et vous-rendez vous compte de qui se dira en Europe après une affaire de ce genre ? « L’Italie retourne au fascisme” dira-t-on.

« Franchement, c’est la recette de la démocratie : éteindre les flammes avant qu’elles ne deviennent un incendie. »

Quel incendie ?

« Je n’exagère pas. Je crois vraiment que le terrorisme revient pour ensanglanter les rues de ce pays. Et je ne voudrais pas qu’on oublie que les Brigades Rouges ne sont pas nées dans les usines mais dans les universités. Et que les slogans dont ils usaient ils les avaient testés auparavant dans le mouvement étudiant et la gauche syndicale. »

Il est donc possible que l’histoire se répète ?

« Non, ce n’est pas possible, c’est probable. Pour cela, je dis : n’oublions pas que les Brigades Rouges sont nées parce que le feu n’a pas été éteint à temps.s

Le PD de Veltroni est du côté des manifestants.

« Mais regardez, franchement, moi, Veltroni qui descend dans la rue avec le risque de se prendre des coups, moi je ne le cois pas. Je le vois mieux dans un club réservé de Chicago à applaudir Obama… »

Il n’ira pas dans la rue avec un bâton, certes, mais politiquement…

« Politiquement, il est en train de faire la même erreur qu’a faite le PCI au début de la contestation : il appuie le mouvement en se donnant l’illusion de le contrôler, mais quand, comme c’est logique, ils seront à leur tour dans le collimateur, ils changeront radicalement de registre. Ce qu’on a appelé la ligne de fermeté appliquée par Andreotti, Zacccagnini et moi-même, c’est Berlinguer qui la voulait… Mais aujourd’hui, c’est le PD, un ectoplasme dirigé par un ectoplasme. Et même pour cela, Berlusconi ferait bien d’être plus prudent. »

(31 octobre 2008).


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