Fascisme et concurrence au sein de la bourgeoisie : schéma général de l’exemple slovaque

dimanche 9 novembre 2008.
 

La prise du pouvoir par le fascisme en Slovaquie est, d’une certaine manière, exemplaire pour le type de fascisme dont il s’agit ici. En l’occurrence, le fascisme slovaque consiste en un nationalisme porté par le catholicisme et résolvant ses manques dus à son existence abstraite en se posant comme satellite semi-colonial d’un impérialisme. Il est le produit d’un séparatisme coupant un pays en deux.

Séparatisme clérical-fasciste

Historiquement, la Slovaquie a été une composante de l’empire autrichien, en étant elle-même une colonie de la Hongrie. Cette dernière parvint à se renforcer toujours plus dans l’empire, parvenant au « compromis » donnant naissance à l’Autriche-Hongrie.

Lors de l’effondrement de celle-ci, la Slovaquie s’unit à la Bohême-Moravie-Silésie, pour former la Tchécoslovaquie. Cependant, à la différence de la Slovaquie, la partie tchèque était fortement industrialisée, marquée par un mouvement ouvrier très puissant, des villes extrêmement développées historiquement.

En Slovaquie se développa ainsi un romantisme populiste, largement appuyé par la base agraire d’un pays très arriéré économiquement, ainsi que par le clergé et la bourgeoisie la plus réactionnaire.

Son théoricien fut Andrej Hlinka (1864-1938), chambellan du pape, qui reprit la Slovenská ľudová strana, le Parti slovaque du peuple, en faisant en 1925 la Hlinkova slovenská ľudová strana, c’est-à-dire le Parti slovaque du peuple de Hlinka.

Comme il le formula en 1920 suite au triomphe électoral de la gauche :

« Je vais travailler 24 heures sur 24, jusqu’à ce que la Slovaquie passe d’une Slovaquie rouge à une Slovaquie blanche et chrétienne. »

La nation slovaque n’était qu’en formation, en comparaison à une nation tchèque déjà formée depuis plusieurs centaines d’années, notamment avec l’épisode hussite. Les langues slovaque et tchèque étant très proches, ainsi que les cultures des deux nations, le processus de fusion auraient pu se dérouler aisément dans un cadre démocratique.

Cependant, la bourgeoisie tchèque comptait simplement dévorer la Slovaquie, alors que les forces réactionnaires slovaques comptait s’appuyer sur un séparatisme afin de maintenir leur refus du progrès, au nom du catholicisme comme vision du monde.

En Slovaquie même, le parti à l’idéologie clérical-fasciste connut ainsi un important succès, obtenant dans la partie slovaque de la Tchécoslovaquie 17,5 % des voix en 1920, 34,4 % des voix en 1925 et 30,3 % en 1935.

Effondrement de la Tchécoslovaquie

L’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne nazie en 1938-1939 bouleversa la ligne du parti de Hlinka, qui jusqu’à présent prônait une autonomie maximale de la Slovaquie, afin de renforcer sa main-mise réactionnaire, tout en sachant impossible d’aller plus loin dans sa transformation de la Tchécoslovaquie en Tchéco-Slovaquie.

Le parti de Hlinka a directement proposé à l’Allemagne nazie l’avènement d’une Slovaquie comme semi-colonie allemande. La première étape fut une intense propagande séparatiste en Tchécoslovaquie, alors qu’une partie de celle-ci était occupée par l’Allemagne nazie au nom de la présence d’une population germanophone.

La Hlinkova slovenská ľudová strana mena une intense propagande anti-tchèque et antisémite, affaiblissant la Tchécoslovaquie et servant directement les intérêts de l’Allemagne nazie, qui comptait à terme annexer la Bohême-Moravie.

Le 6 octobre, l’autonomie de la Slovaquie fut proclamée, et le manifeste de celle-ci était claire :

« Nous sommes aux côtés des peuples qui combattent l’idéologie marxiste-juive de décomposition et de violence ».

En l’espace de moins de deux mois, les partis de gauche et les organisations juives furent interdites, la Hlinkova slovenská ľudová strana s’occupant d’intégrer en son sein les partis conservateurs, seuls étant tolérés les partis allemands et hongrois réactionnaires.

Le nouveau dirigeant, suite à la mort de Hlinka, le prêtre Jozef Tiso, développa un discours anti-capitaliste romantique, distinguant les mauvais capitalistes amenant l’esclavage, et les bons travaillant au service de la communauté nationale. Selon lui, « la Slovaquie nouvelle, unie, qui veut et doit donner du travail à ses citoyens, a besoin pour cela de capital, mais elle n’a pas besoin de capitalistes. Ce n’est pas chaque homme qui a du capital qui est capitaliste dans ce sens odieux. »

Une garde Hlinka se chargea de gérer la prise du pouvoir, alors qu’étaient dissouts les conseils municipaux, passant aux mains de commissaires liés au nouveau régime.

Racisme anti-tchèque et antisémite

La Slovaquie comptait en 1938 2,7 millions d’habitants, dont un peu plus de 93 000 Tchèques, 128 000 Allemands, 67 000 Hongrois, un peu plus de 29 000 personnes se définissant de nationalité juive et un peu plus de 87 000 comme Juifs religieusement.

Le parti de Hlinka, dirigé par Tiso, procéda à l’expulsion de 9000 fonctionnaires tchèques, ainsi que de 7500 personnes juives qui furent expulsées dans la partie du pays annexée par la Hongrie. Car la Hongrie était liée à l’Allemagne nazie et parvint sous la supervision de celle-ci à annexer en 1938 une large bande au sud du pays, intégrant plus de 800 000 personnes.

La Slovaquie, à peine affirmée son autonomie, venait de perdre le 1/5e de son territoire et le ¼ de ses habitants.

Pour les dirigeants fascistes de la Slovaquie, il s’agissait de faire vite pour exister et de se montrer exemplaire par rapport aux nazis. Lors du plébiscite pour les élections, avec en pratique un seul parti se présentant, l’affiche de la propagande officielle expliquait :

« Slovaques-Chrétiens ! Les Juifs sont depuis des centaines d’années vos exploiteurs ! Aujourd’hui, nous devons former, en tant que non-Juifs, un bloc uni anti-Juif. N’achetez même pas pour un Heller chez les Juifs ! Rien que par les Juifs, au bout de 20 ans de payse [au sein de la Tchécoslovaquie] 276 000 Slovaques sont de nouveau à la Hongrie !

Avant 1918, tous les Juifs étaient Hongrois. Tchécoslovaques jusqu’au 6 octobre, dans le territoire occupé ils sont de nouveau Hongrois et en Slovaquie ils veulent être de nouveau Slovaques. Ne les croyez pas, ne vous faites plus avoir ! Un Juif ne reste toujours qu’un Juif !

Ne détruisez pas les possessions des Juifs, mais faites y soigneusement attention, car aujourd’hui ou demain, tout passera dans les mains du peuple slovaque. Qui aujourd’hui encore soutient les Juifs, est un traître au peuple ! »

Les lois antisémites se généralisèrent, alors que la Garde de Hlinka procéda à la militarisation de la société en incoporant pour quelques mois l’ensemble des hommes.

Le parti de Hlinka devint finalement la Hlinkova slovenská ľudová strana – Strana slovenskej národnej jednoty, c’est-à-dire le parti slovaque du peuple de Hlinka – parti de l’unité nationale slovaque, et était désormais prêt à gérer la Slovaquie satellite de l’Allemagne nazie. Et le 26 octobre 1939, Tiso devint le président de l’Etat slovaque.

L’Etat slovaque contre les masses slovaques

La construction d’une « nation » de manière anti-démocratique ne possédait aucune base matérielle solide. Le régime ne tenait que par l’Allemagne nazie, et dès 1939 il fit face à une invasion militaire hongroise dans l’Est du pays, perdant 1697 km² et pratiquement 70 000 habitants.

L’Allemagne nazie, pourtant alliée de la Slovaquie, n’intervint pas, ce qui n’empêche pas Tiso de mettre à sa disposition 50 000 soldats.

Tiso savait pertinemment que la Hongrie comptait au final annexer l’ensemble de la Slovaquie, mais il a suivi une ligne anti-communiste fanatique.

Son projet était de maintenir coûte que coûte une identité slovaque-catholique, et pour cela il espérait pouvoir subordonner la Slovaquie de manière adéquate au projet de « Nouvelle Europe » organisée par l’Allemagne nazie.

C’était une trahison anti-démocratique terrible envers le peuple slovaque, et lorsqu’en 1944 un soulèvement antifasciste eut lieu, Tiso appella également ouvertement à l’aide l’armée nazie, qui triompha au bout de deux mois, saluée par Tiso lors d’un défilé militaire.

Le premier ministre et ministre des affaires étrangères, Vojtech Tuka, était quant à lui non pas un fasciste-clérical, mais un national-socialiste convaincu, en liaison directe avec l’Allemagne nazie. Toute la construction de l’État slovaque correspondait aux exigences de l’Allemagne nazie, militairement, économiquement, idéologiquement : la Slovaquie était semi-coloniale semi-féodale.

Après la défaite nazie, la Tchécoslovaquie procéda à l’exécution de Tiso et Tuka, pendus comme criminels.

L’Etat slovaque, quant à lui, né en 1993 de l’effondrement de la Tchécoslovaquie semi-coloniale provoquée par l’effondrement du social-impérialisme soviétique, a naturellement dès le départ entrepris la réhabilitation complète du régime de Tiso.


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