Vers une nouvelle force politique pour l’émancipation sociale (site La Sociale)

jeudi 20 novembre 2008.
 

La décision de Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez de rompre avec le parti socialiste et d’appeler à la construction d’une nouvelle force politique à gauche est un évènement politique majeur. Après des années de reculs, d’éclatement, de décomposition morale, s’ouvre enfin la voie pour un nouveau rassemblement républicain et socialiste, capable de donner une perspective politique à notre peuple, soumis aux coups de boutoir d’une politique entièrement au service des intérêts du capital, qu’elle s’exprime dans les formules libérales, comme hier encore, ou dans les formules plus étatistes comme aujourd’hui.

« Il faut tourner la page », disent les deux parlementaires dans leur appel à une première réunion pour le 29 novembre (à la maison de la chimie à Paris). C’est bien de cela qu’il s’agit. Nous ne cessons de le répéter : le PS a depuis longtemps renoncé à ses très modestes ambitions de parti réformiste pour n’être plus que l’équivalent français du parti démocrate américain ou du PD italien, c’est-à-dire l’écurie de rechange du capitalisme quand l’équipe dite de droite est usée. Le vote des militants a confirmé à plus de 80% une orientation de soutien direct à la défense du système capitaliste aujourd’hui en faillite. Ce n’est que l’aboutissement des processus qui partout conduisent à la dislocation de la vieille social-démocratie, processus que nous avons pu analyser en France depuis 1983 (le fameux « tournant de la rigueur ») et dont le pivot est la soumission à la discipline de la construction prétendument européenne. Quand en 2005 le PS se dresse contre son électorat sur la question du TCE, quand en 2008, il soutient le traité de Lisbonne, manifeste violation de la volonté populaire dûment exprimée par le référendum, on voit que la question européenne est bien le foyer d’infection qui tue la social-démocratie.

Les principes fondamentaux qui devraient guider une nouvelle force politique sont connus et ne changent pas : la liberté républicaine, c’est-à-dire la protection de la loi contre la domination, l’égalité sociale, la laïcité de l’école et de l’État, la reconnaissance de la lutte de classes et l’affirmation que doivent prévaloir en toute circonstance les intérêts des salariés, des chômeurs, des travailleurs indépendants, etc., c’est-à-dire de l’immense masse de notre peuple, la souveraineté populaire et la lutte pour la paix et l’association fraternelle des peuples.

Ce ne sont pas des principes abstraits. Ils incarnent ce qui sourd du sentiment et des luttes du peuple. Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez font fort justement du respect des « NON » français, hollandais et irlandais l’une des questions majeures qui motivent leur rupture. Mais il en faut tirer logiquement toutes les conséquences. Si le « Non » doit être respecté, c’est que le principe de la souveraineté des peuples est supérieur à tout autre principe. Donc, l’union européenne, si elle veut exister légitimement ne peut être rien d’autre qu’un traité entre des nations libres et non une construction de la nouvelle « gouvernance », cette escroquerie qui vise à la liquidation de toute démocratie au profit des oligarchies financières et technocratiques.

Si on veut une nouvelle politique étrangère fondée sur la paix et l’amitié entre les peuples, il faut sortir de cette machine de guerre impérialiste qu’est l’OTAN. Si on veut défendre les acquis sociaux, les services publics et l’égalité républicaine, il faut envoyer au diable le dogme de la « concurrence libre et non faussée » et utiliser chaque fois que cela sera nécessaire l’arsenal du protectionnisme pour défendre l’emploi, l’industrie et la souveraineté de la nation. Si on veut un véritable « bouclier social » contre la crise, il faut nationaliser immédiatement tout le système bancaire de façon à pouvoir offrir du crédit à bon marché aux travailleurs indépendants et aux PME.

Nicolas Sarkozy et sa majorité ne sont pas forts de leur propre force mais seulement de la couardise, de la complicité, de la corruption de l’appareil prétendument « socialiste » mais en réalité entièrement gagné aux idées et aux intérêts sociaux de la droite. La retraite à soixante-dix ans, la généralisation du travail précaire, le travail du dimanche, le chômage de masse, la destruction de l’école, l’extension de la société de surveillance policière, la liquidation de la protection sociale et la destruction des services publics, rien de tout cela n’a d’appui dans le peuple. Mais tout cela se poursuit parce que pour l’heure, Sarkozy et sa « majorité » ne rencontrent aucune opposition politique sérieuse, parce que Hollande, Delanoë et tutti quanti sont favorables à l’augmentation de l’âge de la retraite, comme ils ont approuvé hier la liquidation des régimes spéciaux, l’augmentation de la durée de cotisation, la réforme universitaire ou la réforme constitutionnelle. Et comme ils viennent de laisser passer le plan Sarkozy d’aide aux banquiers.

Les formules du passé sont mortes. La gauche de 1971 n’existe plus. Un nouveau parti et de nouvelles alliances sont à bâtir. De nouveaux modes de fonctionnement qui incluent le débat le plus large, des chefs soumis au contrôle de la base, l’éducation populaire, la reprise de la bataille sur le front des idées, voilà les premières tâches qui s’imposent. C’est un vaste mouvement de renaissance morale de la gauche qui doit être entrepris, un mouvement national et populaire scellant l’alliance des diverses classes sociales intéressées à la lutte contre la domination capitaliste.

Mais si demain, si le 29 novembre et après, toutes les bonnes volontés, tous ceux qui font passer le bien commun avant leurs intérêts de boutique, de chapelle, de groupuscule, s’unissent pour une nouvelle force politique à gauche, si on combat aussi bien le sectarisme impuissant à verbiage révolutionnaire que l’opportunisme et le bureaucratisme, alors le vieux mouvement de l’émancipation sociale, celui de la révolution française, de la Commune de Paris, de juin 36, de la Libération et de la grève générale de mai-juin 68, relévera la tête et criera :

« J’étais, je suis, je serai » !


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