Sarkozy : un concentré de Berlusconi, Aznar et Bush

lundi 21 août 2006.
 

Favori des médias dès son retour au Gouvernement en 2002, Nicolas Sarkozy a été depuis affublé de toutes les comparaisons. Berlusconiste par son rapport au peuple, il fut tour à tour perçu comme l’alter ego du libéral Aznar ou du toujours jeune Tony Blair.

Lui, il se préfère pragmatique. Les grandes théories rangées au placard, Nicolas Sarkozy a endossé les habits plus populistes d’un responsable proche du peuple et volontairement provocateur.

Un positionnement de rupture avec l’establishment et des petites phrases livrées quotidiennement pour mieux afficher sa différence. C’est sa recette. Pas un sujet sur lequel Sarkozy n’ait pas son mot à dire. Pas un journal télévisé sans qu’on le voit apparaître « sur le terrain », aux côtés des policiers intervenant dans des cités, des pompiers combattant les incendies ou aux bras des stars de cinéma qu’il affectionne tant.

Et comme si cela ne suffisait pas, le président de l’UMP se plait à brouiller les pistes, à prendre ses adversaires à revers et à s’aventurer sur des thèmes jusqu’alors désertés par la droite. Ce qui compte avant tout, c’est la communication.

Son carré de fidèles l’a converti à la dictature de l’immédiat, de l’opinion et de l’éditorialisme. Il a fait de l’image, sa principale arme politique même si la réalité de cet univers est souvent élastique.

Mais justement, Nicolas Sarkozy connaît bien l’élasticité. Il a compris que le message véhiculé par la droite devait éclater si elle souhaitait se maintenir au pouvoir. Quand cela l’arrange, il n’hésite pas à annoncer faire siennes des valeurs de gauche. Mais, quand il est aux manettes, c’est bien des politiques de droite qu’il met toujours en place.

Car, chez Sarkozy, de la critique du pouvoir des juges à la remise en cause des acquis sociaux, de la promotion de la religion à la dénonciation des gens du voyage, des jeunes et des étrangers, il existe bien une cohérence.

Aux sources du sarkozysme, on trouve d’abord un héritage. Celui de la tendance la plus réactionnaire de la droite française qui de Taine à Renan, n’a toujours pas digéré les préceptes de la révolution et de la république.

C’est de là que vient chez Nicolas Sarkozy ce besoin prononcé d’aller chercher des modèles politiques de substitution au système français. Au plus profond de lui, il y a une véritable fascination pour le monde anglo-saxon. Ces sociétés dans lesquelles l’universalisme n’est pas toujours la règle, où l’on vente la juxtaposition des communautés aux dépens d’une communauté nationale affaiblie, et où chacun préfère un marché sans entrave à la « lourdeur » des mécanismes de solidarité.

« Je suis un étranger dans mon propre pays » se plut à raconter Nicolas Sarkozy aux étudiants de l’Université de Columbia lors de l’un de ces déplacements outre-atlantique (discours à Columbia, 04/10/04). C’est assurément vrai, d’un point de vue politique.

Nicolas Sarkozy ne ressemble pas à la droite telle qu’on la connaissait. Si on retrouve chez lui, la démarche bonapartiste qui a façonné une partie de l’histoire des forces conservatrices en France, si son penchant sécuritaire fait effectivement écho aux aspirations autoritaires de la droite gaullienne, le logiciel politique de Nicolas Sarkozy n’a pas pris l’ensemble de ses racines dans notre pays.

« Certains en France m’appellent Sarkozy l’Américain. J’en suis fier... Je partage beaucoup de valeurs américaines » (Congrès juif mondial, 24/06/04). Effectivement, Nicolas Sarkozy est inspiré par le modèle américain. Et les valeurs qu’il lui a emprunté ne sont pas forcément les meilleures.

Le socle idéologique du président de l’UMP repose d’abord sur une illusion. L’idée que « quand on veut, on peut ». Ce précepte est au cœur de la « société du mérite » dont il souhaite devenir le promoteur. Pour lui, la société ne dote pas équitablement les individus au départ de leur vie. Mais elle permet, par les mécanismes du libéralisme, à ceux qui le veulent vraiment de pouvoir sortir de leurs conditions initiales.

Dans cette vision, l’Etat doit se limiter à aider les « méritants », ceux qui produisent les efforts nécessaires pour s’assurer une réussite sociale. Les autres ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Au nom de cette logique Sarkozy estime qu’il faut obliger les chômeurs à exercer une activité ; parce que s’ils restent au chômage, c’est ne peut être que de leur faute.

Mais un autre élément nous porte à penser que Nicolas Sarkozy s’est profondément imprégné de la droite américaine : son rapport à la religion.

Il y a fort longtemps qu’un responsable politique français n’avait pas conféré une place aussi importante à la spiritualité dans un projet politique. Certes, la droite française se fit, dans les années 80, l’avocate de l’école privée. Mais ce soutien à l’église catholique reposait fondamentalement sur une histoire commune.

Or pour Nicolas Sarkozy, la religion n’est pas simplement une institution dont la France aurait hérité et qu’il faudrait préserver. Pour lui, les églises constituent un élément moteur de la société et doivent jouer un rôle éclairant dans le corps social. « Lorsqu’il y a un prêtre ou un pasteur dans un village pour s’occuper des jeunes, il y a moins de laisser-aller, de désespérance, et finalement de délinquance », n’hésite-t-il pas à affirmer en public (21/06/05).

Comment ne pas être frappé par la similitude de ce discours avec ce que peuvent défendre les républicains américains dans leur propre programme politique ?

Nicolas Sarkozy n’est pas George W.Bush. Mais sur le terrain politique, il n’en est pas très éloigné. Une même perception de la société du mérite, une posture sécuritaire identique et un rapport à la religion partagé.

Sarkozy, l’Américain. L’homme des médias sait exactement quelles recettes proposer aux Français. Pour remporter l’élection présidentielle, il a fait le choix d’imposer une mutation historique à la droite. La rupture qu’il dit incarner est ici. C’est une rupture sociale. Et pour la droite, c’est une rupture culturelle.

Le porte-étendard de cette nouvelle droite a déjà réussi à gangrener son propre camp. Depuis 2002, c’est lui qui impose son orientation politique même s’il refuse d’en assumer les désastreux bilans.

Son projet politique repose sur un triptyque ravageur : libéralisme, communautarisme et populisme. Le libéralisme pour plaire aux couches aisées, le communautarisme pour séduire les églises, le populisme pour emporter les voix des plus fragiles.


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