Le 10 décembre 1198, mort d’Averroès

mardi 12 décembre 2017.
 

Averroès, philosophe musulman, géant de la pensée (Jacques Serieys)

En 1997, Youssef Chahine, le cinéaste égyptien, met en scène Averroès dans son film Le Destin. Il en fait un héros rationaliste, contre tous les fanatismes religieux de son époque.

12ème siècle, en Languedoc, un homme est brûlé vif. Il a commis un crime abominable : traduire les écrits d’Averroès. Son fils va partir pour Cordoue, à la rencontre de ce penseur étonnant.

Philosophe, médecin, astronome, mathématicien, dans ce que certains qualifient d’« islam des Lumières », Averroès va, à la demande du calife de Cordoue, traduire et analyser l’œuvre d’Aristote.

On vit un temps heureux dans la capitale de l’Espagne arabe. Les échanges culturels permettent aux intellectuels venus de tous les horizons d’Europe de diffuser une réflexion pas toujours dogmatique, loin s’en faut. Et Averroès peut développer une doctrine qu’on définirait facilement comme un chaînon manquant entre les philosophies grecque et allemande, doctrine qui cloisonne le fait religieux du fait politique, se montrant là profondément rebelle aux yeux des musulmans ou des chrétiens.

Le retentissement de sa pensée est tel que l’Église catholique s’en émeut. Et va s’employer à la réfuter. Peine perdue. L’averroïsme, déclinant sa double vérité (celle de la foi pour le commun, et celle de la raison pour les penseurs), va pénétrer le monde chrétien et très vite devenir le terreau de bien des « hérésies ».

La fin de sa vie est emblématique des relations obscures entre les traditionalismes religieux et les pouvoirs politiques. Devant les soulèvements du peuple au Maghreb et en Espagne, les ulémas vont convaincre le calife, protecteur d’Averroès, de le bannir, d’interdire toute philosophie, non sans l’avoir humilié publiquement auparavant. Juste avant d’organiser l’autodafé de ses livres. Un poète est chargé dans des épigrammes de mettre à bas sa parole, au motif qu’il est un « traitre à sa religion ». Les théologiens « authentiques » avaient eu raison de lui. Il meurt à Marrakech, le 10 décembre 1198, sans avoir revu l’Andalousie, sa patrie.

Et pourtant… Que de prémonitions dans cet esprit ! Qui a envisagé, bien avant l’heure, la sphéricité de la Terre, et la possibilité d’un vaccin contre la variole.

Averroès, philosophe précurseur de la laïcité ? Sans aucun doute, puisqu’il affirme la primauté et l’autonomie de la raison sur la foi.

Comment s’étonner dès lors que le plus audacieux des réalisateurs égyptiens ait sympathisé avec lui ?

Brigitte Blang


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