Une preuve que des profs sont surveillés par la police ? (Pour les rectorats ?)

vendredi 9 janvier 2009.
Source : ATTAC FRANCE
 

Notre site essaire d’obtenir des précisions sur cette affaire étonnante.

Après avoir pris conseil auprès d’un avocat, nous révélons ici les faits survenus mardi 16 décembre, qui, pour n’être sans doute pas exceptionnels, sont complètement inédits avec un telle confirmation de faits circonstanciés.

1 – Les faits.

Nous sommes le mardi 16 décembre 2008, en plein mouvement revendicatif des lycéens, dans une grande ville française.

À 15h50 environ, un proviseur de lycée reçoit une communication téléphonique d’un membre du cabinet du recteur d’Académie, comme c’est fréquent depuis plusieurs jours, en raison des grèves et blocus lycéens, qui préoccupent les personnels de direction. Ce membre du Rectorat lui déclare entre autres choses qu’un de ses professeurs du lycée, monsieur XY, est actuellement à la tête de la manifestation quotidienne des lycéens qui parcourt la ville, au même instant. (Le nom et le prénom de ce membre du cabinet personnel du Recteur ont été depuis confirmés sur l’organigramme rectoral.)

À cette étonnante déclaration accusatrice, le proviseur ne peut que rétorquer que cela est impossible, que ce professeur ne peut se trouver à manifester en ville, puisqu’au même instant, le proviseur voit justement sous ses yeux ce monsieur XY qui se trouve à l’entrée du lycée pour la fin de l’interclasse de 15h50.

Que s’est-il passé effectivement ? Ce mardi après-midi, monsieur XY doit donc prendre son service de cours à 15h50 (C’est d’ailleurs exceptionnel dans son emploi du temps : il doit rattraper deux heures d’absences autorisées pour cause d’obsèques d’une personne proche la semaine précédente.)

À 15h30 environ, alors qu’il se trouve encore en centre-ville, à environ deux ou trois kilomètres du lycée, le conducteur de son transport en commun annonce que le boulevard est bloqué par une importante manifestation de centaines de lycéens, qu’il va falloir suivre patiemment, à vitesse réduite au pas. Pour ne pas risquer d’être en retard au lycée, le professeur décide de descendre, et de faire le reste du trajet à pied, en traversant le cortège.

C’est alors qu’un policier aura reconnu monsieur XY, l’aura pris pour un meneur de manifestation (!), et aura pris l’initiative incroyable d’en informer sans attendre, directement ou indirectement, le Rectorat d’Académie. (Il se trouve que ce professeur XY est amateur de photos numériques. Il a profité de cette sympathique manifestation des jeunes, passant à côté d’un cours d’eau, pour faire des clichés-souvenirs, l’un horodaté à 16h30 – c’est-à-dire 15h30 heure d’hiver – à l’arrière de la manifestation, puis d’autres clichés successifs de la manifestation, en l’ayant traversée puis dépassée, à 16h36, 16h37 et 16h40. Après quoi, il force le pas pour être juste à l’heure au lycée, où il constate que la manifestation des lycéens qu’il a doublée, passe à son tour, photographiée exactement à 16h02. Ces photographies sont toutes à la disposition de la justice, gardienne des libertés.)

2 – Les questions.

Maintenant, il faut s’interroger sur le grave dysfonctionnement de la République démocratique qui peut conduire la police à dénoncer en temps direct un professeur suspecté (par erreur !) d’abandon de poste ou bien de militantisme (qui d’ailleurs serait parfaitement légal !) à son employeur, le rectorat, qui se dépêche ensuite de le signaler à son proviseur.

Une première question se pose naturellement : Ces procédés expéditifs de dénonciation à l’employeur sont-ils réservés aux professeurs fonctionnaires, on bien sont-ils également employés pour d’autres suspects, par exemple des salariés du privés ?

Qui est ce monsieur XY ? Pas un « gros poisson » en tous cas. De gauche mais sans appartenance politique, monsieur XY est membre de base de son syndicat enseignant FSU et de la Ligue des droits de l’homme, mais sans aucune responsabilité militante, sinon un poste d’élu au C.A. de son lycée, et la présidence sur ses temps de loisirs d’une petite association culturelle.

Il est significatif d’une certaine dérive policière qu’on l’ait pris spontanément pour un meneur de manifestation, alors qu’il marchait paisiblement, sur son trajet de travail, mais en dehors de ses heures de service, en violation flagrante du respect de sa vie privée.

Sans doute que la police aura voulu ainsi alimenter le fantasme récurrent d’une manipulation des lycéens grévistes par des professeurs plus ou moins activistes, fantasme d’ailleurs vraiment dépourvu de tout fondement. On constate ici l’effet de grossissement propre à toute surveillance de type Stasi (la police politique de l’ex-Allemagne de l’Est) : Pour justifier a posteriori la surveillance omniprésente et les sur-effectifs policiers, il est toujours tentant d’inventer des dangers subversifs imaginaires.

(Dans ce contexte, on comprend mieux pourquoi dans cette ville les manifestations étaient soigneusement encadrées par de nombreux policiers en civil, et filmées ouvertement par des policiers en uniforme.)

Maintenant, il faut s’interroger sur l’aspect le plus grave : la dénonciation téléphonique en temps direct, et la chaîne de commandements par laquelle elle a pu passer.

Car il n’y a ici que deux possibilités juridiques : Soit A/ la police effectuait cette surveillance de citoyens adultes et/ou fonctionnaires dans le cadre d’une décision (enquête, instruction ou commission rogatoire) ordonnée par l’autorité judiciaire, soit B/ elle le faisait en dehors de tout cadre réglementaire.

Dans le premier cas, il y aurait donc une violation caractérisée du secret de l’instruction, de l’obligation de réserve, avec volonté de nuire et diffamation aggravée deux fois : par la répétition en chaîne du délit de dénonciation, et par le caractère instantané de ces communications téléphoniques.

Dans le deuxième cas, celui où la police surveillerait des citoyens et/ou fonctionnaires en dehors de tout cadre légal (par exemple, sans aucun mandat du Procureur de la République), nous serions donc devant un cas avéré d’utilisation d’une police de type privatisée collectant et divulguant des renseignements confidentiels à des fins extérieures aux missions normales du maintien de l’ordre.

Ces deux hypothèses sont donc toutes deux également très graves.

3 – Que faire ?

Ces faits mériteraient donc qu’une enquête soit demandée par toutes les personnes éprises de liberté et attachées aux idéaux démocratiques redéfinis en 1944 et 1945, et notamment les syndicats de l’éducation nationale et la Ligue des droits de l’homme.

Post-scriptum : Que ceci ne nous fasse pas devenir paranoïaques, ni perdre le sourire, cette arme ultime et non violente contre toute tyrannie. Puisque des hauts fonctionnaires s’intéressent ainsi de si près à nos vies privées, jouons donc avec la Stasi : Félicitons sans flagornerie les autorités pour l’excellence de leur réseaux téléphoniques... Sans oublier que l’omniprésence de la Stasi en Allemagne de l’Est n’a pas empêché la Chute du mur de Berlin... qu’elle y a même puissamment contribué en se déconsidérant par des procédés odieux, et en s’auto-asphyxiant et s’auto-intoxiquant sous une masse énorme d’informations inutilisables


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