Le Lièvre et les Grenouilles (La Fontaine)

vendredi 9 janvier 2009.
 

Un Lièvre en son gîte songeait

(Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ?) ;

Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait :

Cet animal est triste, et la crainte le ronge.

"Les gens de naturel peureux

Sont, disait-il, bien malheureux.

Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite ;

Jamais un plaisir pur ; toujours assauts divers.

Voilà comme je vis : cette crainte maudite

M’empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.

Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle.

Et la peur se corrige-t-elle ?

Je crois même qu’en bonne foi

Les hommes ont peur comme moi. "

Ainsi raisonnait notre Lièvre,

Et cependant faisait le guet.

Il était douteux, inquiet :

Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre.

Le mélancolique animal,

En rêvant à cette matière,

Entend un léger bruit : ce lui fut un signal

Pour s’enfuir devers sa tanière.

Il s’en alla passer sur le bord d’un étang.

Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes ;

Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.

"Oh ! dit-il, j’en fais faire autant

Qu’on m’en fait faire ! Ma présence

Effraie aussi les gens ! je mets l’alarme au camp !

Et d’où me vient cette vaillance ?

Comment ? Des animaux qui tremblent devant moi !

Je suis donc un foudre de guerre !

Il n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre

Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi. "

Notes

Source : Les lièvres et les grenouilles, Ésope

Chez Ésope, les lièvres rassemblés, se plaignant de leur sort et craignant tous les dangers avaient choisi de mourir plutôt que d’avoir peur toute leur vie. Ils s’élancèrent vers l’étang pour s’y noyer. Les grenouilles que la fuite des lièvres avaient effrayées, se précipitèrent dans l’étang... Les lièvres, voyant qu’il y avait plus craintifs qu’eux renoncèrent à leur projet. La morale ici est que les malheureux sont consolés par les maux plus graves des autres

(1) endroit abrité où le lièvre se repose.

(2) en réalité, le lièvre ouvre l’œil au moindre bruit, donnant l’impression qu’il dort les yeux ouverts.

(3) pendant ce temps

(4) pris ici au sens de craintif. Ce mot est formé de l’ancien français doute : crainte.

(5) Dans le dictionnaire de Furetière de 1690, on lit : maladie qui cause une rêverie sans fièvre, accompagnée d’une frayeur et tristesse sans occasion apparente....

(6) vers

Lecture sonore

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https://www.youtube.com/watch?v=gKp...

https://www.youtube.com/watch?v=ZBz...

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