Le Loup et l’Agneau (Jean de La Fontaine)

vendredi 16 janvier 2009.
 

La raison du plus fort est toujours la meilleure :

Nous l’allons montrer tout à l’heur

Un Agneau se désaltérait

Dans le courant d’une onde pure.

Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,

Et que la faim en ces lieux attirait.

Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?

Dit cet animal plein de rage :

Tu seras châtié de ta témérité.

- Sire, répond l’Agneau, que votre Majesté

Ne se mette pas en colère ;

Mais plutôt qu’elle considère

Que je me vas désaltérant

Dans le courant,

Plus de vingt pas au-dessous d’Elle,

Et que par conséquent, en aucune façon,

Je ne puis troubler sa boisson.

- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,

Et je sais que de moi tu médis l’an passé.

- Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ?

Reprit l’Agneau, je tette encor ma mère.

- Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.

- Je n’en ai point.

- C’est donc quelqu’un des tiens :

Car vous ne m’épargnez guère,

Vous, vos bergers, et vos chiens.

On me l’a dit : il faut que je me venge.

Là-dessus, au fond des forêts

Le Loup l’emporte, et puis le mange,

Sans autre forme de procès

Notes

Voici une des fables les plus connues...

Le terme de "procès" employé à la fin de la fable peut faire réfléchir en quoi elle peut exposer réellement un procès.

" L.F. fixe en ses vers les circonstances respectives de ceux qui sont dans le récit accusateur (le Loup) et défenseur (l’Agneau) plaidant la cause de la victime (le Loup) face à l’agresseur (l’ Agneau) afin que le lecteur soit le juge de cette cause" (Patrick Goujon, Le Fablier, N°3 )

" [...] la prétention du Loup qui veut avoir raison dans son injustice, et qui ne supprime tout prétexte et tout raisonnement que lorsqu’il est réduit à l’absurde par la réponse de l’Agneau." (Chamfort)

" [...] "Le Loup et l’Agneau", cette merveille, pas un mot de trop ; pas un trait, pas un des propos du dialogue, qui ne soit révélateur. C’est un objet parfait." A.Gide (Journal 1939-1949, Bibl.de La Pléiade)

Les sources sont Ésope (titre identique) et Phèdre (I,1) que La Fontaine suit d’assez près

(1) à l’instant même

(2) assez hardi pour

(3) "Tous ceux qui savent écrire et qui ont étudié, disent "je vais" [...] mais toute la cour dit "je va", et ne peut souffrir "je vais", qui passe pour un mot provincial ou du peuple de Paris" (Vaugelas).

Je me vas : forme dite progressive marquant la continuité de l’action : je suis en train de me désaltérer.

(4) puisque

Lecture sonore

https://www.youtube.com/watch?v=WHY...

https://www.youtube.com/watch?v=9mn...

https://www.youtube.com/watch?v=az-...

https://www.youtube.com/watch?v=X3N...

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