Une campagne de pub pour l’athéisme met l’Espagne en émoi : Rendre visible une réalité, sans animosité

mardi 20 janvier 2009.
 

Ecrit en couleurs vives, le message n’échappera sûrement pas aux Barcelonais en proie à la déprime post-festivités.

« Dieu n’existe probablement pas. Arrête de t’inquiéter et profite de la vie »,

proclameront dès lundi des affiches collées sur deux bus municipaux qui passent par les zones les plus fréquentées de la ville catalane.

C’est la dernière initiative des athées espagnols, une communauté qui se sent à l’étroit dans ce pays à forte tradition catholique. Face à eux, l’Eglise n’économise pas les démonstrations de force. Et des Evangélistes ont déjà répliqué avec leur propre réclame roulante. Un groupe de Catholiques suivra bientôt leur exemple à Barcelone.

L’idée est née en Grande-Bretagne en 2008, lorsque, outrée par la présence de publicités religieuses sur les bus de Londres, la journaliste britannique Ariane Sherine lance un appel aux dons sur le site du quotidien The Guardian

Soutenue par l’écrivain et célèbre défenseur de l’athéisme Richard Dawkins , la « campagne du bus athée » a recueilli 150 000 euros outre-Manche et a finalement été déployée dans tout le pays en ce début d’année.

Le « bus athée » roulera aussi bientôt à Madrid

Un succès qui a inspiré les associations de « non-croyants » espagnoles. Lancée début janvier avec en tête de monter une campagne de deux semaines à Barcelone, leur projet a déjà récolté plus de 13 000 euros.

De quoi prolonger la campagne barcelonaise pendant un mois et l’étendre à Madrid et Valence dès la fin janvier puis peut-être à Saragosse, Bilbao et d’autres grandes villes si les donations continuent d’affluer, selon les instigateurs du projet.

Explications d’Albert Riba, président de l’Union des athées et libres penseurs

« Nous lançons un message positif, détendu et joyeux en espérant qu’il pousse les gens à réfléchir. Nombreux sont ceux qui n’ont jamais entendu, ou seulement de très loin, parler d’autres alternatives de vie ; nous voulons “donner à penser”. »

Mais avec entre 76% et 85% des Espagnols qui se déclarent catholiques, pratiquants ou non, selon les enquêtes et une Eglise encore très influente politiquement, la propagation d’un tel message, même « détendu », n’a pas manqué de susciter le courroux de certaines entités.

Rendre visible une réalité, sans animosité

L’Archevêché de Barcelone s’est ainsi fendu d’un communiqué de presse dans lequel il affirme -avec une pointe d’humour ?- que pour les croyants, « la foi en l’existence de dieu » n’est pas « un obstacle pour profiter honnêtement de la vie ».

Plus combatif, le président d’une organisation catalane promouvant les « valeurs familiales », Daniel Arasa, a déclaré au quotidien ABC qu’il s’agissait d’une « campagne motivée par la haine de la religion ».

Une église évangéliste du sud de Madrid a, elle, décidé de prendre les devants en lançant sa propre campagne dès fin décembre sur un car parcourant la zone. « Si, Dieu existe. Profite de la vie avec le Christ », informent ses bannières.

S’il affirme ne pas vouloir entrer dans une querelle par médias interposés –« nous préférons les discussions argumentées »-, Albert Riba précise tout de même que l’objectif de la campagne était de rendre visible une réalité, sans animosité :

« Nous sommes le deuxième collectif le plus important d’Espagne : 30% des Catalans et 20% des Espagnols se déclarent athées ou non-croyants, nous sommes donc plus nombreux que toutes les autres minorités religieuses mises ensemble et pourtant nous sommes discriminés. »

L’Eglise met en garde contre la "laïcité radicale"

L’omniprésence du catholicisme en Espagne -où le gouvernement a par exemple le choix entre accepter ses fonctions devant la Bible ou la Constitution- revient ponctuellement dans les débats mais c’est le plus souvent à travers coups de force et actes symboliques que l’on échange ses arguments.

Fin décembre 2007, une manifestation pour la « défense de la famille » avait ainsi rassemblé deux millions de fidèles à Madrid (160 000 selon les calculs d’El Pais) qui avaient pu entendre les terribles augures du cardinal de Valence, présageant la « dissolution de la démocratie » si l’on poursuivait en Espagne la « culture de la laïcité radicale ».

Il aura sans doute été particulièrement inquiété par les actes de ce père de famille qui a fait appel à la justice, fin 2008, pour qu’on oblige le collège, public, de sa fille à enlever le crucifix qui ornait sa salle de classe. Ou par cette mairie de la banlieue de Madrid, tenue par le parti écolo-communiste Izquierda Unida et qui offre un service d’aide gratuit à l’apostasie à tous ses habitants.


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