Les Etats-Unis bientôt en cessation de paiements : l’ultime krach (article Les Echos)

jeudi 22 janvier 2009.
 

Au début, tout ira bien. L’Amérique est fière de son nouveau président. Le monde se réjouit de son accession au pouvoir. Au début, Barack Obama va dépenser des centaines de milliards de dollars pour sauver les banques, les consommateurs, les entreprises, l’Amérique tout entière. Le monde lui prêtera allègrement ces montagnes d’argent d’une ampleur sans précédent. Les investisseurs se sont arraché les obligations à dix ans mises en vente par le Trésor américain ces derniers jours. Depuis plus d’un mois, leur taux d’intérêt est inférieur à 2,5 %, plus bas niveau depuis plus d’un demi-siècle. Dans une finance où les repères ont pratiquement tous volé en éclats depuis l’automne, le monde est trop heureux d’acheter le produit financier le plus sûr au monde. Et offre ainsi un gigantesque « golden hello » (cadeau de bienvenue) à Obama pour relancer l’économie de son pays.

Le problème, c’est qu’il n’y pas que des débuts dans la vie. D’ailleurs, plus on avance dans la vie, plus on a observé des aubes glorieuses suivies de crépuscules piteux. L’élection du jeune Valéry Giscard d’Estaing et sa défaite endiamantée sept ans plus tard, la nomination éclatante de Serge Tchuruk à la tête d’Alcatel et son éviction sous les vivats boursiers, les coups de tête brésiliens et le coup de boule italien de Zinedine Zidane, ou en remontant dans l’histoire le Pétain de Verdun et le Pétain de Vichy... Rares sont les parcours aussi cohérents que celui de George W. Bush, avec une élection laborieuse, voire douteuse, une présidence calamiteuse et une fin de mandat désastreuse. Il serait heureux non seulement pour Barack Obama, mais aussi pour toute la planète que le quarante-quatrième président des Etats-Unis fasse tout l’inverse.

Le problème à nouveau, c’est qu’il faudra beaucoup, beaucoup, beaucoup d’argent au nouveau locataire de la Maison-Blanche. Le « golden hello » suffira-t-il ? Le déficit budgétaire des Etats-Unis pourrait atteindre le montant astronomique de 2.000 milliards de dollars cette année. En une seule année, l’excès des dépenses sur les recettes atteindra le montant cumulé... sur les quinze dernières années (1993 à 2007, y compris quatre années Clinton d’excédents). Avec les plans Bush, Paulson et Obama, 1.700 milliards de dollars d’argent public auront été injectés en deux ans. Et l’Amérique ne sera pas le seul emprunteur public. A en croire les chiffres annoncés par les gouvernants, les plans de relance annoncés en Europe et en Asie devraient pomper près de 2.000 milliards de dollars. Avec une telle demande de capitaux, les emprunteurs publics risquent de connaître en 2009 le même choc que les emprunteurs privés en 2008 : le passage brutal d’une liquidité abondante à la sécheresse.

Il paraît bien sûr difficile d’imaginer des Etats sans prêteurs. Mais au Moyen Age, la disparition de royaumes incapables de lever de l’argent frais pour payer leurs gardes suisses était, si l’on ose dire, monnaie courante. Il y a à peine un an, il paraissait tout aussi farfelu d’évoquer l’effondrement des stars de Wall Street. Et il y a trois mois, l’Etat islandais aurait sauté comme une vulgaire banque si les Russes ne lui avaient pas prêté 4 milliards d’euros à la dernière minute.

Les Etats-Unis sont infiniment plus puissants. Mais il y a un an, les premières banques mondiales, Bank of America et Citigroup, étaient elles aussi infiniment plus puissantes que la petite allemande IKB, premier établissement financier balayé par la crise du « subprime » en juillet 2007. Depuis, elles ont montré elles aussi leur vulnérabilité. L’Islande sera peut-être aux Etats-Unis ce que fut IKB à Citigroup : le signe avancé d’une déroute inconcevable.

Heureusement, nous n’en sommes pas encore là. Pendant des mois, Barack Obama va pouvoir emprunter sans le moindre problème. Et si d’aventure il a un problème, la Réserve fédérale imprimera des billets pour financer ses projets. Mais la faillite des Etats-Unis n’est plus un scénario inimaginable. Certains prévoient déjà que l’Amérique échappera au pire cette fois-ci... pour succomber lors de l’éclatement de la prochaine bulle.

Tous les autres gros emprunteurs ont toujours fait défaut à un moment ou l’autre. Même l’Angleterre, en 1672.


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