"Faisons de l’écologie sociale notre boussole politique" (Intervention de Corinne Morel Darleux lors du Congrès constituant du Parti de Gauche)

vendredi 6 février 2009.
 

Mes cher-es camarades,

Cette semaine, pendant qu’en France le projet de loi du Grenelle 1 passait devant le Sénat, aux Etats Unis, Barack Obama annonçait que la consommation en essence des voitures serait limitée à 7 litres aux 100 en 2020... Certes, c’est une avancée par rapport à ce à quoi nous a habitués l’administration Bush, mais ça reste très timide !

Plus grave, cette semaine, l’entreprise Sud-Coréenne Daewoo a confirmé son intention de s’accaparer la moitié des terres cultivables de Madagascar - 1,3 million d’hectares tout de même... Pour y faire pousser du maïs et de l’huile de palme, qui seront ensuite directement renvoyés en Corée du Sud. Alors que 70% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté et manque des produits agricoles de base !

Mais je ne veux pas vous déprimer... Alors, quelques bonnes nouvelles :

Cette semaine, vous le savez, la journée du 29 a mobilisé 2 millions et demi de manifestants...

Cette semaine, la nouvelle constitution Bolivienne a été adoptée largement par référendum et elle va permettre de limiter la taille des propriétés agricoles à 5000 hectares, pour une plus juste redistribution des terres.

Et il y a une semaine, le Parti de Gauche a tenu son premier Forum sur la planification écologique...

Je ne reviendrai pas sur ce que vient de vous présenter Elodie Vaxelaire, simplement vous dire combien, à titre personnel et militant, j’ai apprécié ces débats ouverts, sans tabous, qui ont eu lieu entre les différentes cultures de gauche que rassemble notre Parti.

Samedi dernier, le Parti de Gauche a fait la preuve qu’il était bien un parti creuset !

Nous avons progressé, ensemble, et il est ressorti de nos échanges que le contexte de crise nous donne à la fois l’obligation et l’opportunité d’agir dès maintenant pour un alterdéveloppement, qui remette l’intérêt général et la notion de bien commun au premier plan.

Pour organiser ces combats, nous devrons travailler sur 3 axes en parallèle.

Le premier, c’est la construction d’un alterdéveloppement qui permette de satisfaire les besoins fondamentaux, qui permette, en un mot, de « vivre bien », en organisant la diminution, l’arrêt et la reconversion des secteurs socialement inutiles et polluants, et en développant les secteurs nécessaires pour satisfaire les besoins sociaux essentiels pour toute la planète. C’est cette assurance du « vivre bien » qui permettra de mener la bataille culturelle, en garantissant à tous l’accès à des droits universels.

Et c’est notre deuxième axe : la bataille culturelle et idéologique face à la droite du « travailler plus pour consommer plus ». Je ne reviendrai pas sur la logique perverse du capitalisme, sa recherche de profits et d’accumulation qui mène aux inégalités sociales et à la destruction de l’environnement en organisant la marchandisation de toutes les activités humaines et l’aliénation à la société de consommation.

En tant que Parti de Gauche, nouveau et tourné vers l’avenir, nous nous devons de proposer d’autres choix de société, de porter une vision alternative, de donner à réfléchir, pour une société des liens plus qu’une société des biens.

Et c’est grâce à ce travail que la planification écologique, notre 3ème axe de travail, pourra se mettre en place de manière démocratique, choisie, comprise, avec l’implication de tou-tes. Cette planification écologique doit être un moyen d’impulser, de manière volontariste et sur le temps long, la mutation écologique . Car le temps de l’écologie est un temps long, incompatible avec une logique de rentabilité à court-terme.

Alors oui ! Pour nous au PG, être écologiste, de gauche, et appeler au dépassement du capitalisme, c’est simplement une question de cohérence politique.

Alors quand on entend certains parler de « croissance verte » ou de « croissance durable »... C’est au mieux une illusion, au pire un mensonge ! Parce que pour continuer dans la course à la croissance, il faut toujours plus ! de pétrôle, de nucléaire, de mines d’uranium, d’autoroutes... Ce n’est pas tenable ! Pour continuer au rythme actuel, il nous faudrait plus d’une planète. Avec une croissance mondiale de 3% par an il faudrait plus de 8 planètes Terre en 2100.

Alors une croissance écologique, concrètement, ça voudrait dire quoi ? On va aller forer plus loin en Alaska, dans des espaces jusqu’ici préservés ? On va relancer la construction de nouvelles autoroutes, pousser à l’achat de nouvelles voitures dites « écologiques », tout en augmentant les tarifs de la SNCF, et en organisant sa privatisation ? Tout en donnant des quotas de CO2 gratuits et en multipliant les dérogations d’émissions de gaz à effet de serre ? Tout en faisant cadeau sur cadeau aux lobbies industriels du nucléaire et de l’agro-alimentaire ? ... Jusqu’à quand ?

La croissance verte, c’est l’alliance illusoire du capitalisme et de l’écologie. C’est polluer moins pour polluer plus longtemps. C’est faire de l’écologie un business comme un autre. C’est enfin rester dans un schéma croissance - consommation - emploi, celui là même qui permet de repousser la redistribution des richesses à une autre ère, celle où on aurait retrouvé des points de croissance... Mais l’argent existe, c’est maintenant qu’il faut le redistribuer ! Pas en attendant une croissance de plus en plus hypothétique...

Pour nous, vous le voyez, il n’y a pas d’un côté le social et de l’autre l’écologie. C’est en ce sens que nous nous plaçons résolument sur le terrain de l’écologie sociale et de l’écologie politique.

L’écologie politique, c’est une manière d’aborder l’écologie qui dépasse la question environnementale, qui lutte contre toutes les formes de domination, pour l’émancipation de tous les individus, qui prend en compte la diversité des activités humaines qui participent du « vivre bien ». En posant la question de revenu universel et du revenu maximal, en interrogeant la place du travail dans la société et le rapport au temps, en défendant l’éducation populaire, en militant pour d’autres rapports Nord-Sud...

L’environnementalisme, lui, se contente de mesures en faveur de l’environnement, sans remettre en cause le système, et en oubliant trop souvent la question sociale. C’est le petit bout de la lorgnette écologique !

Et surtout, donner des leçons sur l’environnement sans tenir compte du contexte de crise qui frappe les plus démunis, faire fructifier sa singularité écolo en oubliant l’impératif social, ce serait irresponsable !

Alors c’est sûr, quand on se fixe comme objectif de protéger l’environnement, et non de changer radicalement la société, on peut s’affranchir du clivage gauche-droite, et prétendre que l’écologie serait a-politique... Ce n’est pas notre choix.

Nous, au Parti de Gauche, nous voulons d’une écologie radicale, de gauche, une écologie sociale et solidaire. Une écologie qui demande du courage, des choix et de la cohérence !

Et cette cohérence, elle passe aussi par le refus de la construction Européenne actuelle.

La position du rassemblement Europe Ecologie mené par Daniel Cohn Bendit est à ce sens très contradictoire : il s’appuie sur l’Europe existante, en disant OUI aux Traités actuels, alors que cette Europe organise exactement l’inverse de ce qu’il préconise...

Ils veulent relocaliser l’économie ? Très bien ! Mais cette Europe organise un marché européen intégré, c’est à dire qui favorise la circulation des marchandises à l’échelle européenne selon la seule loi du marché... Comment va-t-on favoriser les circuits courts si on ne peut pas d’une manière ou d’une autre "pénaliser" les productions plus lointaines ?

Ils veulent défendre les services publics ? Parfait ! Mais cette Europe organise leur démantèlement systématique : directive sur la libéralisation de la poste, de l’énergie...

Nous sommes aussi pour le développement d’un tiers secteur ! Mais ce tiers secteur fausserait de fait la sacro-sainte concurrence en échappant aux seules lois du marché puisqu’en partie financé par la sphère publique...

Alors pour le Parti de Gauche, être écologiste, ça va plus loin que les déclarations de bonnes intentions. Cela ne peut passer que par le refus de la construction actuelle de l’Europe.

Cette Europe des lobbies, qui impose aux Etats d’accepter les OGM sans étude scientifique sérieuse, et organise ce faisant l’éradication de l’agriculture biologique en permettant que celle-ci contienne des « traces » d’OGM.

Cette Europe qui retire tout ce qui peut contraindre les entreprises du texte de la directive REACH de « lutte » contre les composés toxiques.

Cette Europe qui fait reposer sur les collectivités publiques les objectifs de « bon état écologique des eaux », quand dans le même temps elle favorise l’agriculture intensive, première source de pollution des eaux.

Cette Europe qui ne cesse de pousser à la libéralisation des marchés agricoles et soutient l’agriculture productiviste à grands renforts de subventions, au détriment de l’agriculture paysanne.

Cette Europe qui permet que les émissions de CO2 soient « délocalisées » dans les pays du Sud.

Qui certes adopte un plan climat-énergie, mais ne prévoit aucune sanction aux Etats membres qui n’en respecteraient pas les objectifs...

Une fois encore, on veut bien faire des choses pour l’environnement, mais surtout sans entraver la « croissance économique » et la compétitivité... Globalement, si les acteurs agissent c’est bien et on les aide, s’ils veulent faire mieux c’est encore mieux, et s’il ne veulent rien faire... tant pis.

Pour nous, c’est non ! Nous voulons changer d’Europe, pour construire une véritable politique écologique. Car s’il est un domaine où s’imposent une pensée et une action qui ne s’arrêtent à aucune frontière, c’est bien celui de l’écologie.

Parmi les priorités du Parti de Gauche pour les Européennes figure notamment le rétablissement des services publics pour permettre la restauration de véritables politiques écologiques en matière de transport, d’énergie, de climat...

En matière agricole, nous défendrons la réorientation des aides de la PAC vers une agriculture locale, paysanne, vivrière, respecteuse de l’environnement. Nous défendrons également un moratoire sur la commercialisation et la mise en culture des OGM.

Nous voulons enfin viser un objectif de réduction des émissions domestiques de GES de l’UE d’au moins 30% d’ici 2020. Cela passera notamment par la mise en place d’un pôle public européen de l’énergie ; la mise en place d’une fiscalité environnementale de type taxe carbone ; le transfert massif des investissements en recherche et développement vers le secteur des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ; des mesures en faveur de la sobriété en matière de consommation énergétique ; tout en planifiant une sortie réfléchie et progressive du nucléaire, mais aussi bien sur des énergies polluantes productrices de gaz à effets de serre.

Voilà les premières orientations que nous allons porter dans le cadre des Européennes, tout en continuant bien sûr à approfondir notre réflexion et à avancer sur notre programme. Car le risque politique est immense d’oublier la catastrophe écologique face à l’urgence de la crise économique et sociale actuelle.

Prenons un exemple critique et emblématique : celui de l’automobile. Contrairement au plan de relance de Sarkozy qui entérine une fois encore la priorité donnée au transport routier, avec une prime à la casse en deça des exigences du bonus-malus du Grenelle, déjà timide sur ces questions, et la construction de 3 nouveaux tronçons d’autoroute... Il nous semble essentiel de développer le frête, le ferroutage, les transports alternatifs à l’usage individuel de la voiture, et de commencer à planifier la sortie du tout automobile. Mais nous devons impérativement mener cette réflexion en lien avec l’urgence sociale et économique que vivent des milliers de salariés de ce secteur.

Samedi dernier lors de notre Forum, cette question a été soulevée très concrètement, et l’idée d’une réflexion à engager avec les syndicats et les partenaires sociaux a été proposée par Martine Billard. Nous relevons le défi !

Nous allons également programmer un séminaire de réflexion sur la question énergétique et le nucléaire, des sujets importants sur lesquels nous avons besoin d’avancer ensemble.

Parce que personne ne peut se prévaloir d’avoir la vérité révélée, nous voulons que les différentes cultures de la gauche puissent débattre, sans tabous, que nous puissions avancer ensemble sur un véritable projet alternatif au capitalisme et au productivisme.

L’écologie ne sera pas un sujet à part pour le Parti de Gauche, elle sera traitée en lien permanent avec les luttes sociales, la démocratie, l’Europe, l’international... Elle sera présente de manière transversale et volontariste dans le travail qui s’engage sur le programme de notre Parti.

Parce que la catastrophe écologique impose de remettre au premier plan l’intérêt général et l’émancipation des individus,

Parce que l’eau, l’air, les sols sont des biens communs,

Parce que l’alimentation n’est pas une marchandise comme une autre,

Parce que la planète n’est pas un terrain de jeu pour les plus riches,

Faisons de l’écologie sociale notre boussole politique !


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