UNE ANTHOLOGIE DES COUPS D’ETAT

lundi 26 mars 2018.
 

L’idéologie impérialiste vue par un de ses penseurs : Edward Luttwak

L’impérialisme dispose pour renverser les gouvernements des pays rebelles ou rétifs d’une série de techniques adaptées aux situations diverses des gouvernements visés. Entre la guerre d’agression caractérisée (qui dans le respect de la charte devrait entrainer une réaction militaire de l’ONU) et l’assassinat du chef d’un état petit et concentrant tous les pouvoirs s’ouvre la catégorie des coups d’ETAT. Elle est encore largement utilisée particulièrement dans ce qui reste l’arrière cour des Etats-Unis en Amérique Latine même si Cuba, Venezuela et Bolivie en tête, la résistance est possible. Ainsi ces dernières années au Paraguay, au Brésil et par deux fois au Honduras, les Etats-Unis et la classe compradore locale ont réussi à chasser une équipe au pouvoir sans bain de sang : élections truquées, non respect des textes constitutionnels…..l’imagination impériale est féconde.

Ce véritable professionnalisme du coup d’Etat est le fruit d’une expérience accumulée depuis la fin de la fin de la deuxième guerre mondiale. On connait les récits de coups d’Etat organisés par les Etats-Unis mais on connait moins les écrits d’Edward Luttwak qui pragmatisme anglo-saxon oblige a écrit un « Manuel pratique du Coup d’Etat ». L’ouvrage publié en 1967 sera réédité dix ans plus tard et traduit en 18 langues. Luttwak observe qu’entre 1945 et 1967 une soixantaine de coups d’Etat se sont produits dans le monde soit une moyenne de 3 par an et il en dresse un tableau qui fait ressortir que la très grande majorité d’entre eux a eu lieu dans les pays de ce que l’on désigne à cette époque là comme le tiers-monde.

Il tire de ce recensement un enseignement pratique développé dans le long avant-propos qui suit. Mais ayant choisi la posture du technicien politiquement neutre il se garde bien de situer cette activité dans le monde réel des rapports de puissance de l’époque et surtout d’y souligner le rôle central des Etats-Unis. Eclairage : depuis 1945 et même avant qu’elle ne soit achevée, les Etats-Unis savent que les deux puissances coloniales : Grande Bretagne et France sont très affaiblies et vont avoir de la peine à maintenir leur empire et sous une forme différente, la forme néocoloniale, les Etats-Unis vont prendre leur place. Ils font d’ailleurs acter le début de ce déclin en signant avec la Grande-Bretagne le 14 Aout 1941 la Charte de l’Atlantique. (cf. texte en annexe).

La France n’est pas présente à la réunion du 14 Aout 1941 et Churchill juge opportun d’accepter le principe de libre choix par les peuples de leur propre de gouvernement (c’est-à-dire l’autodétermination mais le mot n’est pas prononcé) car dans l’empire britannique l’anticolonialisme prend alors, ici et là, la forme de mouvements de soutien au Reich ou au moins de sympathies pour l’Allemagne hitlérienne. Il convient donc de prendre les devants. De la même façon le gouverneur français de l’Indochine laisse l’armée d’invasion japonaise exercer toute sa brutalité sur la population. Churchill déclarera plus tard qu’il n’a d’ailleurs pas signé ce document qui n’est pas un traité international et que Roosevelt a fait les deux signatures. Qui qu’il en soit les Etats-Unis renforceront leur présence et leur ingérence partout dans les anciens empires (Moyen Orient, Thaïlande, Afrique de l’Est et du Sud) et s’autoriseront même à obliger la France et la Grande Bretagne à interrompre l’opération militaire néocoloniale de Suez (1956)

Malgré tout, la décolonisation va bien avoir lieu dans un vaste mouvement touchant l’Asie et l’Afrique qui pour l’essentiel est achevé en 1962 (Algérie) la décolonisation portugaise arrivant tardivement avec la révolution des œillets (1974). L’analyse de Luttwak se concentre sur cette période.

Il démontre la fragilité des nouveaux gouvernements des ex-colonies. Dans la même période Frantz Fanon acteur éminent et conscient de la décolonisation observe la faiblesse politique des néo bourgeoisies coloniales qui en dehors des cas de guerres de libération nationale forment des gouvernements formellement indépendants mais qui ne font que prendre la place les gouverneurs étrangers et que l’impérialisme remplace, quand il le juge nécessaire, par des coups d’Etat. Quand ce mécanisme de simple remplacement des dirigeants ne fonctionne pas et qu’une véritable indépendance menace il faut tuer les leaders. Patrice Lumumba, Sylvanus Olympio, Amilcar Cabral, Mehdi Ben Barka sont assassinés.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message