Dans le faubourg qui monte au cimetière,
Passant rêveur, j’ai souvent observé
Les croix de bois et les tombeaux de pierre
Attendant là qu’un nom y fût gravé.
...
Tu m’es ravie, enfant, et la nuit tombe
Dans ma pauvre âme où l’espoir s’amoindrit ;
Mais sur mon coeur, comme sur une tombe,
C’est pour toujours que ton nom est écrit.
François Coppée, L’Exilée (1877)
Je n’ai pu t’adresser un regard, un sourire,
Tu es partie trop vite et sans me prévenir…
Immense est mon regret. Je voudrais te le dire
Au-delà du chagrin, au-delà des soupirs.
*
Ta mort hante ma vie. Pour combler ton absence
Sans cesse je remue de précieux souvenirs.
Je trouve un réconfort en trompant ma souffrance
Au-delà du chagrin, au-delà des soupirs.
*
Mes plus tendres pensées vont vers toi dès l’aurore,
Je t’appelle et te parle avant de m’endormir,
Et bien étrangement ta voix me berce encore
Au-delà du chagrin, au-delà des soupirs.
Sous l’éclat blanc du jour, sous la fraîcheur des cèdres,
Sous la nuit où poudroie un peuple de soleils,
Longtemps j’ai promené mes souvenirs, pareils
Aux tragiques douleurs des Saphos et des Phèdres ;
...
Mais l’azur clair, les bois profonds, les blondes nuits
En moi n’ont point versé leurs influences calmes ;
Sous les astres, sous les rayons et sous les palmes,
Sans espoir je promène encore mes ennuis.
...
Que la forêt frémisse ainsi qu’un chœur de harpes,
Ou que le soir s’embaume aux calices ouverts,
Le son ou le parfum des maux jadis soufferts
Descend sur ma pensée en funèbres écharpes.
...
Ames tristes des fleurs, chastes frissons des bois,
Me haïssez-vous donc, puisqu’il faut que je sente
Dans vos aromes chers les baisers de l’absente
Et que j’entende en vos échos vibrer sa voix ?
François Coppée, Le Reliquaire, 1866
Date | Nom | Message |