Massacres du 2 au 6 septembre 1792 : l’engrenage de la guerre

mercredi 25 janvier 2023.
 

1) Le contexte historique

Les députés du Tiers Etat à l’Assemblée constituante ont poussé à la Révolution française en 1789 pour imposer une monarchie constitutionnelle à l’anglaise contre la royauté absolutiste.

Cependant, la mobilisation du milieu populaire lors de la rédaction des cahiers de doléances puis lors de l’élection des députés provoque une auto-organisation, un durcissement des revendications, une politisation qui vont de plus en plus loin, y compris en milieu rural.

Confrontés à un processus de radicalisation permanente, une majorité des députés ainsi que des élus communaux et départementaux essaient de stopper la révolution.

Alexandre, comte de Lameth en est un bon exemple ; au printemps 1789, il fait partie des premiers nobles à rejoindre le Tiers Etat ; à partir de juillet 1789, il campe à l’extrême gauche de l’Assemblée sur l’abolition des droits féodaux, sur la réquisition des biens ecclésiastiques pour le paiement des créanciers de l’État, contre le veto absolu du roi, sur la promotion des officiers ... Au printemps 1792, il veut casser le processus révolutionnaire et mise sur une déclaration de guerre de la France à l’Autriche qui permettrait d’imposer en France une révision constitutionnelle. La guerre et la menace d’une invasion par les armées des rois d’Europe ne font que radicaliser davantage la Révolution. Aussi, il passe à l’ennemi avec La Fayette.

Face aux nombreuses trahisons d’ officiers qui désorganisent totalement l’armée au moment où les Autrichiens, Prussiens, Allemands et Emigrés passent les frontières pour marcher sur Paris, les comités populaires réclament de plus en plus instamment qu’un pouvoir exécutif révolutionnaire remplace le Roi dont les liens avec l’ennemi paraissent de plus en plus évidents.

2) La France massivement en révolution début août 1792

(par Kropotkine, anarchiste russe, "La grande révolution")

Depuis trois ans le pays était en pleine révolution, et le retour à l’ancien régime avait été rendu absolument impossible. Car, si le régime féodal, par exemple, existait encore de par la loi, les paysans ne le reconnaissaient plus dans la vie ; ils ne payaient plus les redevances ; ils s’emparaient des terres du clergé et des émigrés, ils reprenaient en maint endroit les terres qui avaient appartenu autrefois aux communes de village. Dans leurs municipalités villageoises, ils se considéraient comme les maîtres de leurs propres destinées.

De même pour les institutions de l’État. Tout l’échafaudage administratif, qui semblait si formidable sous l’ancien régime, s’était écroulé sous le souffle de la révolution populaire. Qui songeait encore à l’intendant, à la maréchaussée, aux juges du parlement ! La municipalité, surveillée par les sans-culottes, la Société populaire de l’endroit, l’assemblée primaire, les hommes à piques représentaient maintenant la force nouvelle de la France.

Tout l’aspect du pays, tout l’esprit des populations, – le langage, les mœurs, les idées, avaient été changés par la révolution. Une nouvelle nation était née,et, pour l’ensemble des conceptions politiques et sociales, elle différait du tout au tout de ce qu’elle avait été il y a à peine douze mois !

Et cependant l’ancien régime restait encore debout. La royauté existait toujours et représentait une force immense, autour de laquelle la contre-révolution ne demandait qu’à se rallier. On vivait sous le provisoire. Rendre à la royauté sa puissance d’autrefois, c’était évidemment un rêve insensé, auquel ne croyaient plus que les fanatiques de la Cour. Mais la force de la royauté pour le mal restait toujours immense. S’il lui était impossible de rétablir le régime féodal, – que de mal pouvait-elle faire tout de même aux paysans affranchis, si, reprenant le dessus, elle allait, dans chaque village, disputer aux paysans les terres et les libertés qu’ils avaient prises ! C’est d’ailleurs ce que le roi et bon nombre de Feuillants (monarchistes constitutionnels) se promettaient de faire dès que le parti de la Cour aurait eu raison de ceux qu’ils appelaient « les Jacobins ».

Quant à l’administration, nous avons vu que dans les deux-tiers des départements, et même dans Paris, l’administration départementale et celle des districts étaient contre le peuple, contre la Révolution ; elles se seraient accommodées de n’importe quel simulacre de constitution, pourvu que celle-ci permît aux bourgeois de partager le pouvoir avec la royauté et la Cour.

L’armée, commandée par des hommes comme Lafayette et Luckner, pouvaient être entraînée à chaque instant contre le peuple. Après le 20 juin, on vit en effet Lafayette quitter son camp et accourir à Paris, pour y offrir au roi l’appui de « son » armée contre le peuple, pour dissoudre les sociétés patriotiques, et faire un coup d’État en faveur de la Cour.

Et enfin, le régime féodal, nous l’avons vu, restait encore debout légalement, de par la loi. Si les paysans ne payaient plus les redevances féodales, – au yeux de la loi ce n’était qu’un abus, – que demain le loi regagne son autorité, et l’ancien régime viendra forcer les paysans à tout payer, tant qu’ils ne seront pas rachetés des griffes du passé, à tout restituer de ce qu’ils ont saisi ou même acheté de terres.

Il est évident que ce provisoire ne pouvait être toléré plus longtemps. On ne vit pas indéfiniment avec une épée suspendue sur sa tête. Et puis, le peuple, avec son instinct si juste, comprenait parfaitement que le roi était de connivence avec les Allemands qui marchaient sur Paris. A cette époque, on ne possédait pas encore la preuve écrite de sa trahison. La correspondance du roi et de Marie-Antoinette avec les Autrichiens n’était pas encore connue ; on ne savait pas au juste comment ces traîtres pressaient les Autrichiens et les Prussiens de marcher sur Paris, les tenaient au courant de tous les mouvements des troupes françaises, leur transmettaient immédiatement tous les secrets militaires et livraient la France à l’invasion. On n’apprit tout cela, et encore assez vaguement, qu’après la prise des Tuileries, lorsqu’on saisit, dans une armoire secrète faite pour le roi par le serrurier Gamain, les papiers du roi. Mais on ne cache pas facilement une trahison, et par mille indices, que les hommes et les femmes du peuple savent si bien saisir, on comprenait que la Cour avait fait un pacte avec les Allemands, qu’elle les avait appelés en France.

3) 10 août 1792 Prise des Tuileries et conséquences

L’idée se fit donc dans quelques provinces et dans Paris qu’il fallait frapper le grand coup contre les Tuileries : que l’ancien régime resterait toujours une menace pour la France, tant que la déchéance du roi ne serait pas prononcée.

Le 10 août 1792, des dizaines de milliers de Parisiens et de Volontaires venus particulièrement de Marseille et de Bretagne, s’emparent du Palais royal des Tuileries.

10 août 1792 La prise des Tuileries engage la 2ème phase de la Révolution française, portée par le peuple

Un nouveau pouvoir exécutif dirigé par Danton remplace le cabinet royal

Eté 1792 Danton et le peuple sauvent la Révolution française

Conséquences politiques du 10 août (Kropotkine)

Deux ou trois jours après la Commune révolutionnaire transféra Louis XVI et sa famille dans la tour du Temple, et se chargea de le tenir là, prisonnier du peuple.

La royauté était ainsi abolie de fait. Désormais la Révolution pouvait pendant quelque temps se développer, sans craindre d’être arrêtée soudain dans sa marche par un coup d’État royaliste, par le massacre des révolutionnaires et par l’établissement de la terreur blanche.

Pour le peuple, l’intérêt principal du 10 août fut surtout dans l’abolition de la royauté comme force qui s’opposait à l’exécution des décrets contre les droits féodaux, contre les émigrés et contre les prêtres, et qui appelait en même temps l’invasion allemande ; il fut dans le triomphe des révolutionnaires populaires, – du peuple, – qui maintenant pouvait pousser la Révolution en avant, dans le sens de l’Égalité, – ce rêve et ce but des masses. Aussi, au lendemain même du 10 août, l’Assemblée législative, si pusillanime et si réactionnaire, lançait déjà, sous la pression du dehors, quelques décrets qui faisaient faire un pas en avant à la Révolution.

- Instauration du suffrage universel masculin

- Tout prêtre non assermenté - disaient ces décrets, qui, dans un délai de quinze jours, n’aura pas juré d’obéir à la Constitution, et sera pris après cela sur le territoire français, sera transporté à Cayenne.

- Tous les biens des émigrés, en France et dans les colonies, sont séquestrés. Tous seront mis en vente, par petits lots.

- Toute distinction entre citoyens passifs (les pauvres) et citoyens actifs (ceux qui possèdent) est abolie. Tous deviennent électeurs à 21 ans, et éligibles à 25 ans.

4) 10 au 30 août : Peur, fureur et rumeur

L’invasion étrangère, l’opposition des prêtres et nobles, la multiplication des trahisons attisent un sentiment mêlé de peur et de fureur populaire, de besoin d’informations et d’amplification des rumeurs

4a) Le peuple réclame vengeance du bain de sang subi le 10 août

Dans les jours et semaines suivant le 10 août, le peuple est furieux du grand nombre de morts et blessés graves atteints par les balles lors de la marche populaire sur les Tuileries : 1100 d’après certains historiens, 3000 d’après la rumeur populaire contemporaine des évènements.

Le peuple ne cherchait-il pas à fraterniser avec les Suisses postés sur le grand escalier d’entrée lorsque ceux-ci ouvrirent à bout portant un feu nourri et meurtrier sur la foule (Kropotkine).

"Des tombereaux remplis de cadavres se dirigent vers les faubourgs, dit Michelet, et là, on étale les morts pour qu’ils puissent être reconnus. La foule les entoure et les cris de vengeance des hommes se mêlent aux sanglots des femmes."

4b) Le peuple réclame des mesures pour défendre la patrie contre les armées royalistes étrangères

N’oublions pas que le peuple est informé depuis au moins 15 jours du Manifeste de Brunswick par lequel le chef des armées royalistes « rend personnellement responsables de tous les événements, sur leurs têtes, pour être jugés militairement, sans espoir de pardon, tous les membres de l’assemblée nationale, du département, du district, de la municipalité, et de la garde-nationale de Paris, juges de paix, et tous autres... une vengeance exemplaire et à jamais mémorable, en livrant la ville de Paris à une exécution militaire et à une subversion totale".

Le peuple est également informé des trahisons et déroutes permanentes des armées françaises face aux Prussiens, Autrichiens et Emigrés qui marchent sur Paris. Le 19, Lafayette passe à l’ennemi. Le même jour, l’armée française de Luckner est mise en déroute à Fontoy. Le 23, la place de Longwy se rend alors que son chef vient de recevoir des offres de trahison de la part de Louis XVI. Le 31 commence le siège de Verdun qui se rend, encore par trahison deux jours plus tard.

Pire, arrivent des régions envahies des nouvelles terribles sur

4c) Le peuple est furieux contre les nobles et religieux alliés des armées étrangères

Dans les jours et semaines suivant le 10 août, le peuple est furieux contre le roi. "Dans les papiers trouvés après la prise des Tuileries... il s’est rencontré bien des pièces compromettantes. Il y a, entre autres, une lettre des princes prouvant qu’ils agissaient d’accord avec Louis XVI lorsqu’ils lançaient les armées autrichiennes et prussiennes sur la France"

Le peuple est furieux contre les émigrés qui marchent vers la capitale avec les armées étrangères et contre tous les nobles et religieux qui préparent la guerre civile dans le pays. Dans les jours et semaines suivant le 10 août, le peuple est furieux contre les chefs militaires qui, en fait, veulent faire un carnage des partisans de la Révolution. Ainsi, nous savons par Lally-Tollendal que le marquis de Lafayette, chef de l’armée du Nord, a recommandé au roi "Il faut détruire les Jacobins, physiquement et moralement".

Les Allemands, entrés en France le 19, au nombre de 130000 hommes, marchaient sur Paris pour abolir la constitution, rétablir le roi dans son pouvoir absolu, annuler tous les décrets des deux assemblées (constituante et législative) et mettre à mort les jacobins, c’est à dire tous les révolutionnaires (Kropotkine). Chaque jour les nouvelles de la frontière devenaient de plus en plus inquiétantes. Les places étaient dégarnies, rien n’avait été fait pour arrêter l’ennemi

4d) Vers l’engrenage de la guerre contre les armées d’invasion et au sein de la guerre civile

Paris vit sous la menace d’une arrivée imminente des armées étrangères venues venger le Roi et sa noblesse.

Le 15 août, Merlin de Thionville monte à la tribune de l’Assemblée législative : « J’annonce à l’Assemblée que peut-être en ce moment la tranchée s’ouvre devant Thionville. Les Prussiens et les Autrichiens sont maîtres des avant-postes de Sierk et de Rodemack. Mon père me mande que tous ses concitoyens laisseront leurs vies sur les remparts plutôt que de se rendre. (Vifs applaudissements.) Le comité de surveillance a plus de quatre cents lettres qui prouvent que le plan et l’époque de cette attaque étaient connus à Paris ; que c’est à Paris qu’est le foyer de la conspiration de Coblentz. Je demande que les femmes et les enfants des émigrés soient pour nous des otages, et qu’on les rende responsables des maux que pourront causer les puissances étrangères coalisées avec eux. »

4e) La terreur des armées royalistes

Jean Jaurès résume ainsi le comportement des armées étrangères lors de leur entrée en France en août 1792 :

« L’ennemi, mettant le pied sur le sol, se livrait aux pires violences. Prussiens et Autrichiens, énervés par les lenteurs de la campagne, accueillis à leur entrée en France par l’hostilité des éléments et des hommes, trempés par des rafales de pluie, et se heurtant à l’entrée de chaque village à la résistance des patriotes embusqués, s’emportaient en des excès furieux.

Ne leur répétait-on pas d’ailleurs, qu’ils combattaient non des hommes mais des bêtes fauves ? et le manifeste de leur général, le duc de Brunswick, n’était-il pas tout plein de sinistres menaces ? Ainsi la naturelle cruauté de l’homme qui combat et en qui l’instinct de conservation toujours menacé tourne en fureur sauvage était comme aiguillonnée de toutes parts. Les soldats pillèrent, brûlèrent, dépouillèrent même de leurs langes les enfants au berceau. Du camp devant Longwy, le 23 août au soir, le vicomte de Caraman écrit au baron de Breteuil : « L’entrée des troupes en France a été marquée par des excès bien condamnables, mais qui ont été réprimés aussitôt par des punitions très sévères. Le pillage a été affreux, mais le roi a cassé et renvoyé le colonel du régiment qui s’y était le plus livré, et deux pilleurs ont été pendus… Les Autrichiens ont aussi pillé de leur côté d’une manière terrible, mais la justice n’a été ni si exacte ni si sévère, et les indemnités ont été nulles. »

4f) L’engrenage de la terreur

Dans son Histoire socialiste de la Révolution française, Jean Jaurès l’analyse parfaitement :

« Ainsi la lutte s’annonce effroyable et sombre. Ce n’est pas une guerre ordinaire qui est engagée. L’ennemi ne s’avance pas pour régler un différend d’État à État ou pour s’annexer un territoire, il vient pour exercer la vengeance d’un parti.

Demain, s’il est le maître, il tuera les patriotes, il tuera leurs enfants et leurs femmes, et comme c’est dans l’intérêt des émigrés, n’est-il pas juste de leur appliquer la loi du talion ? Horribles équivalences ! Il est clair que c’est le premier signal des massacres de septembre : car le jour où la passion révolutionnaire sera montée à ce point que les femmes et les enfants des émigrés paieront pour les violences et les crimes des émigrés eux-mêmes, qui donc pourra soumettre à des formes légales ce lugubre règlement de compte ? »

5) Menaces terribles et vide du pouvoir politique laissent place aux structures d’auto-organisation des sections parisiennes et de la Commune de Paris

5a) Un contexte de vide politique à la tête du pays

Depuis le 10 août 1792 :

- le Roi a été suspendu et emprisonné, ses ministres renvoyés.

- l’Assemblée législative met fin à ses fonctions et met à l’ordre du jour l’élection d’une nouvelle assemblée qui se nommera la Convention nationale et se réunira le 21 septembre.

. Elle a élu par acclamation un conseil exécutif provisoire comprenant six membres dont Danton, ministre de la Justice mais cette sorte de gouvernement n’a ni la composition, ni la force politique, ni la volonté, ni la capacité de maîtriser la situation

- la confrontation politique entre Girondins et Montagnards accroît l’instabilité

- la lutte de pouvoir concerne aussi les institutions. La crédibilité de l’Assemblée législative s’évapore laissant nécessairement place en période de révolution et de guerre aux structures d’auto-organisation comme les sections et la Commune de Paris.

La Commune insurrectionnelle est la grande bénéficiaire de la journée du 10 août : proche des sections de sans-culottes, elle représente une légalité nouvelle, dispose d’une grande influence à Paris, et peut faire pression sur l’Assemblée législative. C’est elle qui lui impose la création le 17 août d’un tribunal criminel, pour juger les royalistes ayant défendu le roi lors de la prise des Tuileries

5b) Fin août début septembre, dans l’ambiance de complot monarchiste et de trahison généralisée des élites, le sentiment général de peur et de rumeurs s’exacerbe.

François Furet a raison d’analyser ce phénomène comme essentiellement fort parmi les milieux les plus pauvres des sans-culottes.

Cet émoi populaire est porté à son maximum par plusieurs faits :

- la lenteur du tribunal chargé de juger les responsables de la tuerie de sans-culottes lors du 10 août

- la cérémonie du 27 août, au cours de laquelle on pouvait contempler une grande pyramide de serge noire recouvrant le grand bassin devant les Tuileries sur laquelle étaient inscrits les noms de tous les massacres commis par les aristocrates depuis le début de la Révolution, à Nîmes, à Nancy, au Champ-de-Mars, en Provence ou à Marseille. Une procession fut également organisée : les veuves et les orphelines l’ouvraient, en robe blanche et ceinture noire mêlée de tricolore, suivies par des sarcophages représentant les victimes du 10 août accompagnées par des fédérés sabre au poing et des bannières sur lesquelles étaient tracées des inscriptions vengeresses. Puis venaient les statues de la Loi et de la Liberté, les membres du tribunal criminel du 17 août, les 288 membres de la Commune de Paris, enfin les députés de l’Assemblée, des couronnes civiques à la main. Une musique de Gossec accompagnait des vers funèbres de Marie-Joseph Chénier, tandis qu’une guillotine avait été dressée en face, sur la place du Carrousel, pour signifier le sort qui attendait ceux qui s’opposaient à la marche de la Révolution

- la bataille des Girondins, le 30 août, pour la dissolution de la Commune de Paris, pourtant ressentie par les Jacobins comme leur seul salut immédiat face aux armées étrangères, accroît la panique. De nombreux volontaires ont répondu les jours précédents à son appel pour marcher à l’ennemi.

5c) Dans la revue L’Histoire n°458, Timothy Tackett analyse précisément l’importance du phénomène des rumeurs en cette fin août début septembre 1792

Parmi une population peu éduquée, imprégnée de culture orale de transmission des informations, le rumeur devient une réalité.

Citons seulement ici les principales sans les développer :

- > peur des prisons et des prisonniers. Dès le printemps 1792, les prisons étaient considérées comme des repaires de contre-révolutionnaires d’où des « brigands » à la solde des ennemis pouvaient surgir pour attaquer la Révolution.

- > peur des complots, « complot de famine » par lequel les riches priveraient le peuple de pain, "complot des aristocrates".

- > peur de l’ennemi. Le 2 septembre, après la chute de Longwy et l’annonce de la reddition imminente de Verdun, la Commune ordonna l’affichage dans toute la ville du message suivant : « Aux armes ! L’ennemi est à nos portes. »

6) Les massacres du 2 au 6septembre

Ils se déroulent donc dans un contexte d’une part d’épouvante et d’affolement populaire, d’autre part de vide politique où les "volontaires" partant combattre l’ennemi dans des conditions terribles vont tuer de suspectés alliés intérieurs de l’ennemi pour mieux affronter les envahisseurs venus de l’étranger.

6a) Les faits (Wikipedia)

Il s’ait d’exécutions sommaires qui eurent lieu, dans les prisons de Paris et en province, du 2 au 6 septembre 1792.

L’invasion prussienne surexcite les Parisiens, qui jugent trop indulgent le tribunal criminel institué (17 août), sur la demande de la Commune, pour les suspects. Membre du comité de surveillance de la Commune, Marat fait afficher (1er septembre) des placards réclamant la justice directe par le peuple, afin de ne pas exposer les familles des patriotes partant pour les frontières aux intrigues des « traîtres ».

La nouvelle de l’investissement de Verdun (2 septembre) accroît la nervosité. Plusieurs sections, entraînées par celle du faubourg Poissonnière, exigent la mise à mort des suspects emprisonnés devant la carence du Conseil exécutif provisoire, les sectionnaires vont dans les prisons, où, après simulacre de jugement par un tribunal du peuple, présidé à la prison de l’Abbaye par Maillard, ils se livrent à des massacres qui durent cinq jours, à l’Abbaye, au couvent des Carmes, à Saint-Firmin, à la Conciergerie, à la Force, à la Tour-Saint-Bernard, au Châtelet, à la Salpêtrière, à Bicêtre, et qui s’étendent à la province. Il y aura plus de 1 100 victimes, dont un bon nombre de prêtres insermentés, d’aristocrates et de détenus de droit commun.

6b ) Les septembriseurs

Nous ne connaîtrons jamais l’identité des « septembriseurs ». Mais un grand nombre d’entre eux étaient sans aucun doute des gardes nationaux parisiens et des fédérés provinciaux restés dans la ville depuis leur arrivée en juillet. La plupart de ces hommes avaient donc risqué leur vie, trois semaines plus tôt, dans la prise des Tuileries, et ils allaient bientôt partir combattre les armées ennemies. Dans l’esprit de ces hommes, fortement influencés par des dizaines de rumeurs en circulation depuis des semaines, les massacres de Septembre furent probablement à la fois un acte de vengeance et un service rendu à la ville, assurant la sûreté de ses citoyens à la veille de leur départ. (Timothy Tackett)

6c) Qui est responsable ?

L’Assemblée législative envoya deux délégations successives pour tenter d’arrêter les meurtriers. Mais elles se révélèrent l’une comme l’autre totalement inutiles, et les députés furent même menacés par la foule. Les représentants émirent également une vague proclamation appelant au calme et à l’unité. Mais l’Assemblée était d’abord préoccupée par les nouvelles qui provenaient du front et par les moyens à mettre en oeuvre pour arrêter l’invasion. Elle ne consacra qu’une énergie limitée au règlement de la violence qui se déchaînait dans Paris. (Timothy Tackett)

Le Comité de surveillance de la Commune – et non la Commune – , Sergent, Billaud-Varenne et Marat a une part de responsabilité.

Le Ministre de l’Intérieur du moment était Jean-Marie Roland, (le mari de Mme) et celui de la justice, Georges Danton.

La question essentielle concerne le rôle du peuple lui-même dans les grands moments de la Révolution française, les formes d’auto-organisation et de double pouvoir dont il se dote. Nous y reviendrons.

En tout cas, il ne fait pas de doute que ni Robespierre, ni ses proches ne portent de responsabilité dans ces faits.

Jacques Serieys


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