5ème Forum Mondial de l’Eau : En eaux troubles à Istanbul

samedi 21 mars 2009.
 

Le 5ème Forum Mondial de l’Eau s’est ouvert lundi dernier à Istanbul, et à en croire la plupart des médias depuis quelques jours, il s’agirait du rassemblement de tout ce que la planète compte de gens responsables de l’intérêt général, très préoccupés par les problèmes liés à la gestion de cette ressource vitale.

D’ailleurs, comment douter de ces bonnes intentions lorsqu’on lit ici ou là depuis lundi que les 15.000 participants de ce 5ème forum (experts, responsables politiques ou des milieux d’affaires, militants associatifs) entendent prioritairement « lutter contre les gaspillages » ?

Comment comprendre alors les manifestations qui se sont produites lors de l’ouverture, et qui se sont fait disperser sans ménagement par un dispositif policier particulièrement dissuasif ?

En réalité, ce Forum Mondial de l’Eau n’est rien d’autre qu’une façade derrière laquelle avancent avec détermination les principaux acteurs de la marchandisation à l’échelle planétaire de ce bien commun de l’Humanité.

Depuis sa création en 1997 à Marrakech, le Forum Mondial de l’Eau est en effet organisé à l’initiative du Conseil Mondial de l’Eau (CME) qui est un organisme de droit privé placé sous l’influence directe des grandes entreprises multinationales de l’eau. Depuis 2005, le président du CME n’est autre que Loïc Fauchon, président de la Société des eaux de Marseille (filiale de Veolia et Suez)

A l’occasion de l’ouverture du Forum, ce monsieur révélait à L’Express, entre deux généralités sur l’écologie et la dignité humaine, le fond de sa pensée : « il nous faut être responsables en disant et en expliquant que l’accès à l’eau a un coût et que la gratuité est un fléau qui mène au gaspillage » (interview du 12/03/09) voilà tout l’enjeu !

Doté de moyens considérables, le CME est devenu l’interlocuteur privilégié des Etats et des institutions internationales, notamment dans les pays émergeants où, la main sur le cœur, on va expliquer que le meilleur moyen d’assurer l’accès à l’eau à un nombre grandissant de consommateurs est de la valoriser économiquement, permettant dès lors l’implication des entreprises privées dans la mise en place des infrastructures nécessaires. CQFD.

Lors du 4ème Forum de Mexico en 2006, une importante mobilisation des mouvements sociaux a eu lieu pour la défense du droit à l’eau. Il faut dire qu’en Amérique Latine, la question de l’eau est un enjeu depuis longtemps pris en charge par le mouvement social et démocratique. On rappellera par exemple les batailles contre la privatisation de l’eau (par Suez) menées en Bolivie depuis la fin des années 1990, qui ont donné au peuple Bolivien ses premières victoires jusqu’à la l’élection d’Evo Morales à la Présidence de la République. En 2007, ce dernier a d’ailleurs renvoyé définitivement de Bolivie les amis de M. Loïc Fauchon dirigeant la société française des eaux Aguas de Illimani.

Les enjeux ne sont pas moins importants en Turquie : il suffit par exemple de savoir que l’Euphrate et le Tigre qui irriguent la Syrie et l’Irak y trouvent leur source... en pleine zone kurde ! Mais la police tient plus fermement la rue à Istanbul qu’à Mexico...

Dès lors, le contre forum qu’il avait été possible d’organiser en 2006 est irréalisable aujourd’hui, et les responsables du CME ont tout le loisir d’expliquer tranquillement que le problème central de l’eau réside dans... la pression démographique ! Et que la solution pour une plus grande sobriété est de faire payer à cette multitude irresponsable l’eau qu’elle consomme immodérément. On croit rêver !

Il faut donc comprendre que de grandes ONG pour la défense du droit à l’eau aient décidé de boycotter le 5ème forum d’Istanbul. Cependant, les principes fondamentaux contenus dans la déclaration du contre forum de Mexico en 2006 sont toujours d’une criante actualités :

- L’eau, sous toutes ses formes, est un bien commun et l’accès est un droit inaliénable de l’homme et de tous les êtres vivants ;

- Chaque être humain doit avoir accès à un eau de qualité en quantité suffisante ;

- La gestion de l’eau doit rester dans le domaine public.

Cette déclaration affirmait également une « opposition aux Forums mondiaux sur l’eau comme ces réunions de grandes sociétés transnationales, ces institutions financières internationales parce qu’ils sont exclusifs et antidémocratiques » et « ignorent les demandes et les besoins réels des Hommes ».

Le Parti de Gauche, défenseur d’une planification écologique appuyée sur les services publics comme seule véritable alternative à la catastrophe environnementale qui accompagne le système productiviste capitaliste, fait de cette bataille pour l’eau une de ses priorités.


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