Toulouse, Cahors, Albi, Carmaux, Rodez, Millau puis Paris : Bonheur et Bide en politique

mercredi 25 mars 2009.
 

Le bonheur en militant, ça existe. J’ai passé trois jours de nomade militant entre Toulouse, le 19 mars, Cahors, Albi, Carmaux, Rodez et Millau, jusqu’au samedi 21 mars. A chaque étape un moment de combat partagé, ici social, là bas politique. Et électoral, cela va de soi, puisque c’est en qualité de tête de liste du Front de gauche que j’allais d’un point à un autre. Chacun connait tout ce qui distingue ces formes spécifiques de l’action civique mais aussi tout ce qui les unit pour peu qu’on y travaille. De retour à Paris j’ai ouvert ma boite électronique. Plus facilement que ma boîte aux lettres dont j’avais perdu la clef. Le flot de courriels s’est écoulé à la vitesse saccadée que chacun connait. Sommes-nous tous devenus fous ? Que de mots !

Là, les cyber militants ont pris l’air. Donc, cette fois-ci ce sont les récits de manifestation le 19 mars qui l’emportent. Mes camarades du PG qui se sont faits plébisciter avec leur autocollant « casse-toi, pov con ! » ont mangé du lion ! Clairement je vois que ça donne de l’énergie à tous ! Comme ils n’en manquaient pas déjà…. Mais je trouve aussi moins stimulant dans les hoquets du coulis de courriels. Ainsi de ces messages interrogatifs en lien avec l’absurde polémique que mène le mouvement des « communistes » « unitaires » (sic) contre le Front de gauche. Cette fois ci c’est sous l’infâme étiquette de « républicains » que « Chevènement, Piquet et Mélenchon » sont flétris. Bien sûr au nom de l’unité. C’est si décevant. Comme le sectarisme contamine largement !

En ce moment règne une ivresse identitaire qui dévaste le champ des micros appareils politique à gauche. Dans cette obscure mêlée nombreux exsudent un fiel inattendu. Je décide de l’ignorer. Je veux en rester à la main tendue, tous azimuts. Puis, le soir venu, quasi mort de fatigue ce sont les amis goguenards qui envoient des sms à propos du bide du rassemblement du PS au Zénith. C’est bizarre, ça ne me fait pas rire vraiment. J’ai de la peine pour eux et je sens le danger que ce bide traine avec lui.. Ils se sont mis minables si facilement ! Par contre leurs propres commentaires, le lendemain, sont tellement drôles. Dans cette note je parle un peu de tout cela.

Tempêtes

Le 19 mars, à Toulouse comme partout ailleurs, c’est la marée humaine les pancartes par milliers, le flot qui semble sans fin des groupes et des cortèges qui égrènent toutes les colères sociales. Je finirai la manifestation avec les gens de l’ONF, une fois que je suis entré dans le cortège. J’ai aussi longuement discuté avec les syndicalistes du « pôle emploi ». Même universelle plainte et rage contre les plans foireux des libéraux qui démantèlent le service public. Avant cela, pendant deux heures passées en point fixe avec les militants du PG et du PC, on a distribué plus de dix mille auto-collants « casse-toi pov’con ». Et moi j’ai serré je ne sais combien de mains qui se sont avancées vers moi pour dire des encouragements et de la sympathie. Ça vaut tous les sondages du monde !Et tous les remontants ! Le moment le plus rude pour moi est celui passé au milieu des ouvriers de Molex. Ils sont en lutte depuis des semaines. Et l’angoisse du lendemain se creuse sur les visages. Tellement fort. Que dire, que faire, à quoi sert-on dans ces circonstances ? Un homme me dit : « moi c’était ma vie et celle de ma famille depuis que je suis gosse ! » L’emploi c’est plus que l’emploi seulement. C’est tout ce qui va avec les gestes et les parcours du quotidien dans lequel on se construit au fil du temps. Ici les patrons voyous ont acheté la boite pour la piller. Ils ont capté les brevets, maintenant ils délocalisent. On connait. Ils ne respectent même pas les procédures du droit français. Normal : des américains. Par quel bout se rendre maitre d’une telle situation ? Pourquoi le droit français n’est-il pas respecté ? Pourquoi l’État ne protège-t-il plus les citoyens qui sont confrontés à cet arbitraire ? Perplexité.

Le soir à L’IEP de Toulouse la salle est comble pour participer à la conférence du Front de Gauche. Il fait une chaleur d’enfer. Je sens le même état de tension que tout à l’heure dans la rue. En ce moment chacun se cherche et soupèse le peu de solutions qui se proposent à gauche. Beaucoup hésitent entre le NPA et le Front de Gauche. Mais beaucoup plus encore sont tout simplement perplexes. Cela par réalisme. En effet beaucoup de monde comprend que l’attitude fermée et agressive du Medef et de Nicolas Sarkozy est une façon de pousser à une radicalisation de l’affrontement. On sent que le but est de parvenir à détacher une fraction excédée des salariés du gros du mouvement pour l’instant uni autour des syndicats. Et comme sur le plan politique l’écroulement du PS n’est pas encore remplacé par une alternative crédible, c’est donc l’expectative qui domine. Le nombre des points d’interrogation qui flottent partout dans l’air rend imprévisible le mouvement des tempêtes qu’on voit murir. Dans la nuit je roule vers Cahors. J’y dors car j’y suis attendu tôt.

L’ARRÊT PUBLIC

Le rendez vous est à huit heures et demi le matin devant la gare. On marchera en cortège vers le tribunal. Il fait un froid léger mais coupant. On juge neuf personnes (dont quatre élus), pour avoir bloqué des trains dont la SNCF avait prévu qu’ils ne s’arrêtent plus dans les gares du coin. On est dans le Lot. Couleur suave. Parmi les inculpés deux camarades du PG. L’opération s’appelle « l’Arrêt publique ». 80 semaines de lutte. Descente sur les voies tous les lundis et mardis, grève de la faim etc. Le délit invoqué est celui d’entrave. Le comique de situation rappelle le célèbre deux poids deux mesures du « casse-toi pov’ con ». Car le ministre qui ordonne les poursuites, Dominique Bussereau, a lui-même bloqué des trains dans sa propre région il n’y a pas si longtemps. Mais lui n’a pas été poursuivi ! Ici tout le monde le sait. Si bien que l’action de justice, qui n’en peut mais, se présente comme une iniquité. Quel genre d’État poursuit les uns et ménage les autres à propos des mêmes faits ? J’arrête là le détail du récit de mon périple. Il faudrait raconter Albi et la rencontre avec les gens qui défendent la maternité et l’hôpital en cours de fermeture, le tractage au marché de Rodez et le pique nique militant dans le petit jardin de Millau plein des lumières de la matinée. Les curieux de mes propos peuvent cependant se satisfaire sans peine. Mon discours du soir à Carmaux a été filmé et on peut le voir sur le site du Parti de Gauche. Le Front national avait bien collé les murs et monté une opération assez efficace contre ma venue à Carmaux sur le slogan « Jaurès aurait voté Front National » placardé partout. Un communiqué de presse du FN avait prévenu que le « socialo-trotskiste Mélenchon entend faire une réunion à Carmaux etc… ». Socialo Trotskiste ? Ni Aubry, ni Besancenot ne peuvent accepter que j’incarne les deux à la fois. Que leur resterait-il ?

BIDE ET NOMBRIL

Même pour la démagogie il faut un peu de professionnalisme. C’est certes une vieille roublardise d’offrir un concert gratuit pour que la foule, confondant tout, vienne acclamer tout ce qui se trouve sur la scène. Mais encore faut-il faire savoir qu’il y a un concert et qu’il est gratuit. Telle est la ruine bureaucratique de ce pauvre Parti Socialiste que ce peu là ne fut même pas fait. Restaient donc quelques centaines de militants selon les agences de presse pour garnir les premiers rangs d’un Zénith pourtant configuré en petit format. Le reste on a vu, lu et entendu. Tous les commentaires sont malveillant. Car si la fréquentation d’un Zénith politique était intéressante pourquoi n’avoir pas dit un mot des 6300 personnes que nous y avions réunis ? Bien sur, sauf "Libération" et "Le Parisien", aucun des moqueurs médiatiques ne fait allusion à notre Zénith puisqu’il lui faudrait expliquer le pourquoi de son silence précédent.

La palme de la vieille rancune au Journal « Le Monde » qui en toute révérence de référence ne dit rien du bide, ni de la comparaison avec notre Zénith, mais réussit à parler de notre auto collant « mauve » (sic) « casse-toi pov’con » sans nous citer et en changeant le message (« Sarkozy casse-toi » sur six colonnes alors que cette expression n’a jamais été utilisée par personne !).

Je reviens au bide du PS. 1500 participants selon les organisateurs. Quelques centaines en réalité. Pourquoi ? Parce qu’il « faut inventer d’autres formes de militantisme » dit le député François Lamy. Je crois qu’il suffirait déjà de se contenter de militer. Mais pourquoi personne ne milite plus dans ce parti ? Et pourquoi le grand nombre ne s’interresse-t-il pas à ce qu’il fait ? Ce n’est pas ce que se demande ces nombrilistes endurcis. Mais la névrose est parfois très avancée. Quand Libération titille le sénateur David ASSOULINE sur la comparaison avec notre Zénith, le sénateur répond « ça n’a rien à voir : eux c’était une Fête populaire, nous c’était un colloque ». Génial ! Une réunion avec un concert gratuit c’est un colloque, trois heures de politique, sans pauses ni musiciens, c’est une fête populaire. Voilà qui est bien parlé. Car nos heures de discours politiques faisaient naitre de l’espoir et de la volonté de combat qui gonflent le cœur des gens simples. Ils sont prêts à sacrifier pour cela des heures de transport et des heures d’écoute sans relâche. François Lamy et David Assouline, pourtant assez joyeux de leur personne dans la vie, réussissent politiquement à rendre un concert plus rébarbatif qu’un colloque !

Trève de plaisanteries. Ce qui est vraiment une fait politique de première grandeur dans tout cela c’est que cet épisode déprimant se situe trois jours après la plus grande mobilisation populaire depuis mai 68 ! Ici se concentre tout le défi de notre époque. La vraie course de vitesse entre droite et gauche. Qui sera le recours ? C’est ce à quoi le Front de Gauche essaie de répondre.


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