Sarkozy et le Conseil européen à l’unisson du libéralisme

dimanche 29 mars 2009.
 

Le Conseil européen des 27 chefs d’Etats et de gouvernement européens des 19 et 20 mars a confirmé l’impuissance délibérée de l’Union européenne face à la crise et son enlisement dans les dogmes libéraux du libre échange et de la libre concurrence. Un positionnement en tous points symétrique avec celui de Sarkozy et Fillon en France.

Le refus de toute nouvelle mesure

Tous les indicateurs sociaux sont au rouge en Europe : début 2009 le chômage a grimpé à 8,2% à son plus haut niveau depuis 2006 et l’Union compte désormais plus de 13 millions de chômeurs. Les pays touchés précocement, comme l’Espagne avec un million de chômeurs en plus en un an, préfigurent un désastre social de très grande ampleur à l’échelle du continent. Au niveau mondial, l’effondrement de l’économie européenne inquiète aussi, au point que Barack Obama et le FMI, pourtant non suspects d’antilibéralisme, réclament une relance beaucoup plus forte en Europe.

Une piste résolument écartée par les dirigeants de l’Union européenne lors du Conseil européen. Ils se sont bornés à un auto satisfecit pour les maigres mesures déjà annoncées. Ainsi, selon les conclusions officielles : « le Conseil européen s’est déclaré confiant quant aux perspectives à moyen et à long terme de l’économie de l’UE » « La mise en œuvre du plan européen pour la relance économique adopté en décembre dernier a progressé de manière satisfaisante. Même s’il faudra du temps pour que les effets positifs se fassent ressentir sur l’ensemble de l’économie. » Même satisfecit en matière de financements européens, pourtant très maigres, contre la crise : « le Conseil européen se félicite des progrès réalisés ». Le tout agrémenté de déclarations fracassantes pour enfoncer le clou quant à la volonté de ne pas faire plus. Ainsi, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker, président de l’euro-groupe et grand défenseur des paradis fiscaux : « Je suis tout à fait opposé à ce que nous, Européens, suivions le souhait américain d’avoir des programmes de relance encore plus massifs ». Sans parler d’Angela Merkel qui a répété que les plans déjà annoncés étaient « suffisants » et qu’il fallait « attendre qu’ils produisent leurs effets »

Sarkozy et Fillon à l’unisson du laissez-faire européen

En dépit de leurs postures volontaristes, Sarkozy et le gouvernement Fillon partagent en fait cette ligne de laissez-faire. Ils ont ainsi utilisé exactement les mêmes expressions que le Conseil européen. Dès le soir de la manifestation du 19 mars et en même temps que le Conseil européen, Fillon déclarait ainsi sur TF1 qu’ « on a déjà pris beaucoup de mesures face à la crise » et qu’« on ne peut pas aller au-delà. Il faut d’abord attendre les effets du plan de relance ». Et de confirmer que rien ne va changer : pas de hausse du SMIC, pas d’abrogation du bouclier fiscal, pas de remise en cause des heures sup défiscalisées alors qu’elles détruisent des emplois. Une ligne reprise ensuite par Sarkozy dans son discours de Saint-Quentin le 24 mars : « le bon sens, la sagesse, c’est d’attendre que les mesures produisent leurs effets ». Et de répéter lui aussi les mêmes dogmes libéraux : maintien du bouclier fiscal, suppression de la taxe professionnelle, non remplacement d’un fonctionnaire sur 2 ... Sans oublier cette phrase qui en dit long sur la stratégie de confrontation de Sarkozy : « nous devons profiter de la crise pour accélérer les changements structurels » Exactement ce qui est écrit dans les conclusions du Conseil européen : « la crise fait ressortir la nécessité de poursuivre et d’accélérer les réformes structurelles ».

L’obsession de la concurrence et de l’orthodoxie budgétaire

Qu’il s’agisse de sauvetage des banques ou de soutien à l’économie réelle, le Conseil européen a renforcé le corset qui bride l’action publique des Etats : « le Conseil européen appelle les États membres à agir de manière coordonnée, conformément aux lignes directrices fournies par la Commission [...] et dans le plein respect des règles de concurrence » Les pleins pouvoirs de la Commission sont au passage confortés. La chasse aux dépenses et déficits publics aussi : « le Conseil européen a réaffirmé son ferme attachement à des finances publiques saines et au cadre instauré par le Pacte de stabilité et de croissance. Les États membres devraient revenir dès que possible à leurs objectifs budgétaires à moyen terme, au fur et à mesure de la reprise économique et conformément au Pacte de stabilité et de croissance, ce qui leur permettrait de retrouver dans les plus brefs délais des niveaux compatibles avec la viabilité des finances publiques. »

Mesures résiduelles pour l’emploi et social aux calendes grecques

Quant aux éventuelles « mesures pour l’emploi », elles « devraient être mises en œuvre en temps utile » mais « de manière temporaire et ciblée » « tout en respectant les principes directeurs suivants : encourager l’ouverture au sein du marché intérieur et à l’égard des pays tiers ; garantir la non discrimination des produits et services provenant d’autres États membres ». Le social n’existe donc que de manière subsidiaire pourvu qu’il ne gène pas la libre concurrence. Craignant que cette indifférence soit trop voyante, le Conseil européen a décidé d’organiser un « sommet sur l’emploi prévu en mai 2009 » pour « procéder à un échange d’expériences afin de déterminer dans quelles proportions les mesures de relance prises sont parvenues à soutenir l’emploi » Mais l’encre de ces conclusions était juste sèche que l’on apprenait à l’issue du Conseil que ce sommet social était déjà mort né en dépit de ses maigres ambitions de départ. Il serait remplacé par une simple rencontre entre la présidence de l’Union, la Commission et les partenaires sociaux. Avec une explication consternante livrée par le 1er ministre belge Herman van Rompuy : « on ne veut pas à quelques semaines des élections européennes, donner l’impression que les autorités peuvent garantir l’emploi par une surenchère d’initiatives » car « cela ne pourra déboucher que sur des déceptions ».

Toujours plus de libéralisme dans la stratégie de Lisbonne

Faute de nouveauté pour l’emploi et le social, les 27 ont répété la fameuse stratégie de Lisbonne pour la compétitivité et pour l’emploi : « dans la crise actuelle, la stratégie de Lisbonne renouvelée demeure le cadre approprié permettant de favoriser une croissance et des emplois durables ». En précisant ensuite les objectifs de cette stratégie, le Conseil en a même durci la dimension libérale. Il a décidé d’ « adopter les recommandations par pays concernant les politiques économiques et les politiques de l’emploi des États membre » et a « demandé qu’elles soient rapidement mises en œuvre ». Des recommandations qui demandent aux Etats d’« accroître la flexibilité et la sécurité (flexicurité) sur le marché du travail » comme l’indique le rapport conjoint sur l’emploi 2008-2009 adopté le 9 mars par les ministres européens de l’emploi. Mais le Conseil européen a voulu aller plus loin en appelant à « accélérer les travaux et prendre d’urgence des mesures concrètes dans les domaines suivants : supprimer les entraves tout en évitant d’en créer de nouvelles et réaliser un marché intérieur pleinement opérationnel ; réduire encore les charges administratives ; améliorer les conditions cadres pour l’industrie et pour les entreprises ». Une obstination libérale qui trouve à nouveau un écho dans les propos tenus par Sarkozy lors de son discours du 24 mars : « la France a vu sa compétitivité se réduire à cause des 35h, des prélèvements obligatoires et des grèves », « il faut réduire encore la bureaucratie », « on ne peut plus taxer la production dans un monde libre et ouvert comme aujourd’hui ». Avant de conclure que « détruire le capitalisme serait détruire la liberté ». Une véritable profession de foi.

Système financier : s’en remettre au FMI et à la BCE pour ne rien changer

Le leimotiv des conclusions du Conseil européen est de « stabiliser » le système financier, pas de le changer. Avec des formules aussi complexes que creuses comme « la stabilité macrofinancière est un élément essentiel de la résilience de l’économie européenne dans son ensemble » Ou encore des platitudes du genre : « l’Union européenne est déterminée à restaurer la confiance et à rétablir le bon fonctionnement des marchés financiers ; ce n’est qu’ainsi qu’une issue pourra être trouvée à la crise financière et économique » Evidemment nulle part n’est précisé ce que peut bien vouloir dire un bon fonctionnement des marchés financiers, à part d’en revenir au statu quo précédent qui a justement débouché sur la crise.

Précisément, le Conseil européen ne propose pas autre chose que de renforcer les pouvoirs des institutions qui ont échoué :

* - pour améliorer la réglementation et la surveillance des institutions financières dans l’UE, le Conseil propose que « le rapport du groupe d’experts de haut niveau sur la surveillance financière présidé par Jacques de Larosière serve de base pour les travaux ». Or ce rapport propose de confier à la Banque centrale européenne, indépendante et irresponsable, une mission renforcée de supervision financière.

* - à l’échelle internationale, l’UE propose de s’en remettre au FMI qui est pourtant discrédité dans le monde entier pour son dogmatisme libéral. Il s’agit ainsi de « renforcer le rôle important que le FMI joue dans la prévention des crises » et d’« accroître de manière très substantielle les ressources du FMI afin que celui-ci puisse venir en aide à ses membres d’une manière rapide et souple » Une « aide » funeste dont la plupart des pays du Sud ne veulent plus.

Toujours plus de libre échange sans contrepartie

Autre obsession du Conseil européen, notamment en vue du sommet du G20 du 2 avril prochain : « préserver l’ouverture des marchés et éviter toute forme de mesures protectionnistes (pas de nouvelles entraves aux investissements ni aux échanges commerciaux et pas de nouvelles restrictions à l’exportation) ». Et le Conseil européen vole au secours de l’OMC dont le nouveau cycle de libéralisation (dit improprement « cycle de Doha pour le développement ») est pourtant contesté par la plupart des pays du sud : « conscient que des échanges commerciaux libres et équitables sont un facteur essentiel de la reprise mondiale, le Conseil européen appelle de ses vœux une conclusion rapide des négociations commerciales bilatérales et du Programme de Doha pour le développement »


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