Réforme des collectivités territoriales : "Ni droite, ni gauche" (par Jean-Jack Queyranne, Président PS de la région Rhône Alpes et Adrien Zeller, Président UMP de la région Alsace)

jeudi 11 décembre 2008.
 

Le chantier de la réforme territoriale est à l’ordre du jour : le président de la République l’a annoncé. Ici ou là, les petites phrases se multiplient et les groupes de travail se constituent. À l’heure où l’idée fait son chemin d’une indispensable réforme de nos institutions locales, les idées fausses circulent et méritent d’être redressées pour assurer la pertinence des choix nécessaires. Il n’y a dans ce domaine ni droite ni gauche ; c’est pourquoi nous prenons le risque de cette expression commune.

La première erreur est de considérer que la taille des Régions est un critère décisif. Nos Régions françaises seraient trop petites pour s’imposer dans le jeu de la compétitivité mondiale. Mais la plénitude des pouvoirs liés au développement économique régional, à l’innovation, à l’emploi-formation, aux synergies avec l’université et à la présence de centres financiers compte plus que la taille du territoire ou la démographie. La prospérité du Pays basque, des Régions de Hambourg ou de Bâle en témoigne.

Deuxième erreur : tenir pour une évidence qu’un niveau de collectivité est de trop. Là encore, l’observation de nos voisins européens montre qu’entre le niveau communal et le niveau régional, la plupart des pays se sont dotés d’un niveau d’organisation territorial infrarégional élu : ce sont les Kreise allemands, les départements de la Région basque espagnole, les provinces italiennes ou belges…

La troisième erreur serait de croire que la suppression d’un échelon de collectivité débouchera sur des économies substantielles. En supprimant un échelon, on peut certes espérer un regroupement de certains services administratifs, mais les services et les équipements à la population demeureront. Dans les régions, les dépenses de fonctionnement interne ne représentent que 10 % du budget ; les 90 % restants financent des politiques publiques aujourd’hui capitales, de la construction de lycées au transport ferroviaire de voyageurs en passant par la formation professionnelle.

Erreur numéro quatre : réduire la réforme territoriale au débat sur le couple Région- département. L’inachèvement de la réforme intercommunale représente un enjeu tout aussi important. N’est-ce pas plutôt l’uniformité de l’organisation territoriale qu’il faudrait revoir ? Dans beaucoup de pays européens, ce sont les villes et les agglomérations qui exercent les compétences des départements sur leur territoire. Pourquoi ne pas le faire en France ?

Cinquième erreur à éviter : ignorer la responsabilité de l’État dans la confusion actuelle des pouvoirs locaux. Les doublons les plus importants ne sont pas là où on le croit : la Région et le département exercent, dans la plupart des domaines, des compétences légales bien distinctes. En revanche, l’État n’a pas tiré toutes les conséquences de la décentralisation dans l’organisation de ses propres services : il maintient des fonctionnaires sur le terrain sans « dégonfler » fortement les administrations centrales. Les économies sont à trouver d’abord dans la suppression de ces doublons.

Enfin, pourquoi donner à croire que le mode de scrutin serait sans influence sur l’action des collectivités territoriales ? Une proposition se répand selon laquelle des conseillers territoriaux, élus dans le cadre des cantons, siégeraient au conseil général et au conseil régional. Si une meilleure territorialisation des élections régionales est sans doute nécessaire, leur « cantonalisation » se révélerait désastreuse ; cela signifierait l’abdication des stratégies régionales devant la défense éclatée des intérêts locaux, mais aussi la fin de la parité homme-femme, alors que les conseils régionaux sont la seule grande instance politique française où elle est strictement acquise.

La dernière erreur reviendrait à considérer que la Région est moins légitime que le département, parce que de création plus récente. L’échelon régional est la strate de référence choisie par l’Europe pour le déploiement des politiques territoriales. C’est l’échelon que retiennent les chambres de commerce et d’industrie, et l’État lui-même, pour leur nouvelle organisation territoriale. C’est, dans toute l’Europe, le niveau pertinent pour soutenir la modernisation des PME, organiser l’emploi-formation, assurer le développement durable, la compétitivité et la cohésion des territoires. Le niveau régional s’impose comme celui des choix stratégiques d’avenir. Le nier serait priver la France de capacités de réflexion, d’action et de développement.

La clarification des rôles et la désignation de chefs de file pour mettre en œuvre des politiques publiques doivent être érigées en vraies priorités. Le citoyen a le droit de savoir qui répond de quoi : il a le droit à la proximité pour des problèmes souvent pris en charge par les départements et à de vraies régions qui soient des composantes reconnues de la République. Il a le droit à des visions et à des perspectives pour la France, et à une évolution institutionnelle autre que celle qu’imposent des préjugés et une vision partisane.


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