J’étais à Strasbourg pour la manifestation anti-otan (par Allain Graux, PG Côte d’Or)

lundi 13 avril 2009.
 

Tous les dirigeants de la gauche de gauche de Côte d’or, avec des militants du PCF, du Parti de Gauche, du NPA, de Solidarités 21, du Mouvement de la Paix, des syndicalistes et même des socialistes, rassemblés dans le collectif pour la paix, étaient samedi dans le bus qui emmenait ces militants manifester contre l’OTAN à Strasbourg. L’ambiance était enjouée, pleine d’empathie et de sympathie.

A 25 kilomètres de la capitale alsacienne, le car est dévié sur de petites routes. A chaque rond-point il faut négocier avec les policiers qui indiquent la route à suivre. La police est omniprésente, jusque sur les toits des châteaux d’eau et des silos, bloquant le moindre chemin. Le bus se retrouve à la frontière allemande, sur le Rhin, bloqué par la polizei. On nous renvoie d’où nous sommes venus. Là, un gradé nous bloque car la route est interdite au plus de 7, 5T ! Plus loin, ce n’est pas autorisé. On se croirait dans un gag de Raymond Devos. Finalement, c’est un gendarme qui intervient auprès de l’officier pour lui dire de laisser passer le bus, aujourd’hui, on n’applique pas le code de la route…Nous finissons par arriver près du lieu de rassemblement, un immense terrain vague où il semble évident que tous les manifestants n’ont pas pu accéder. Beaucoup de jeunes vêtus de noirs et portant cagoules sont présents. Derrière un bouquet d’arbres s’élève une colonne de fumée. Des hélicoptères tournent dans le ciel. Quelque chose tombe de l’un d’eux. Aussitôt une nouvelle colonne de fumée noire, très épaisse, s’élève. On entend des détonations. De la fumée, des gaz, envahissent le lieu du rassemblement. Les rumeurs courent, c’est l’hôtel Ibis qui brûle.

Les haut-parleurs nous invitent à partir.

C’est un départ impromptu, avant que le meeting prévu ait pu se tenir.

Une première évidence :

beaucoup de manifestants pacifistes n’ont pas pu rejoindre le lieu de rassemblement qui était déjà investi par les anarchistes autonomes.

Des bus ont été égarés pour qu’ils ne puissent pas rejoindre Strasbourg.

Alors que nous avons déjà pu constater une présence d’une ampleur extraordinaire des forces de l’ordre, rien n’a été fait pour isoler les casseurs des manifestants pacifistes.

Pour sortir de la nasse, ce n’est pas évident, le passage est très étroit et rétréci encore par la présence de plusieurs véhicules de CRS qui barrent la moitié du chemin. Et aussitôt des cagoulés armés de grands bâtons attaquent les policiers, tapant sur les fourgons, jetant des pavés et des pierres. Les flics s’enfuient.

Cette violente agression était parfaitement inutile, mais prévisible. Que faisaient ces policiers sur la route d’évacuation du terrain ? Ils constituaient une véritable provocation. Pourquoi vouloir fermer la voie de dégagement du rassemblement ?

J’aperçois Francis Wurtz, député européen du PCF, qui répond à une interview de Léo, un dirigeant de la gauche autrichienne, du réseau de la Charte pour une autre Europe.

Tant bien que mal, la manifestation s’organise. Les militants se regroupent derrière leurs bannières et banderoles, défilent dans le calme, canalisés et dirigés vers un quartier périphérique de Strasbourg par les nombreux barrages policiers qui bloquent tous les accès. C’est une zone qui paraît vide, près du port fluvial, avec de nombreuses usines.

Nous passons devant un bureau de poste, une église et arrivons devant une voie ferrée et un tunnel. Là, nous sommes bloqués. Derrière, s’élève un panache de fumée. La sono nous informe qu’il faut attendre que les pompiers aient terminés d’éteindre l’incendie d’un immeuble. Des gens s’assoient sur la chaussée, d’autres circulent. On attend patiemment, dans le calme.

Je vais voir ce qui se passe au bout du tunnel qui est barré par un grillage derrière lequel sont stationnés deux cars de CRS. La grande échelle des pompiers s’élève au milieu de la route devant un immeuble où de la fumée s’échappe du dernier étage. Je ne vois pas de pompiers, seulement des policiers.

Réflexion : comment ce feu a-t-il pris au dernier étage ? Les casseurs ne sont tout de même pas montés là-haut pour mettre le feu comme ça !

Je rencontre Michel Soudais, de Politis, et une autre amie journaliste. Je me dis que l’on ne voit pas les grandes chaînes de la télé.

Au bout d’un long moment, la sono nous dit que suite à des négociations, nous allons pouvoir passer. Les policiers qui étaient sur la voie ferrée, au-dessus du pont, se retirent, mais en fait le tunnel est toujours barré. Les cagoulés en profitent pour grimper sur le ballast et aller attaquer les forces de police. Les policiers reviennent chassant les casseurs qui se mêlent aux pacifistes. On entend l’explosion des tirs de grenades lacrymogènes. Puis ce sont les gaz qui arrivent et des cailloux. Incroyable ! Les flics nous balancent des cailloux. Ils ne font pas le détail, ils arrosent la foule qui reflue. Mais derrière, sur l’avenue par laquelle nous sommes venus, la route est barrée et les policiers nous arrosent également. Panique générale. Le camion de la CGT nous demande de le suivre le long de la voie ferrée. C’est alors que de violents affrontements éclatent sur le remblai, car les CRS envoient à nouveau des bombes lacrymogènes sur le convoi. Des vagues de casseurs cagoulés vont à l’assaut, les tirs répondent. Les manifestants sont scindés. Beaucoup n’ont pas pu suivre le camion. C’est un véritable piège, une souricière dans laquelle nous ont conduit les forces de police, sans possibilité d’évacuation. Je suis gazé, asphyxié, je pleure, comme beaucoup d’autres manifestants.

A nouveau je reflue vers la l’avenue et nous sommes à nouveau bombardés par la police, à tirs tendus, de grenades qui explosent au milieu de nous et de balles de flash-ball. Je suis coincé contre un mur, en larmes, étouffant, avec la présidente d’Attac 21. Nous sommes séparés de nos amis, dispersés. Un jeune militant libertaire de Dijon nous aide, il a du chlorure de sodium qu’il nous verse sur les pupilles. Soulagement. Nous nous réfugions dans la cour d’une usine. Nous profitons d’un instant de calme pour essayer de passer à nouveau le long de la voie ferrée avec deux amis dijonnais, puisque nous ne pouvons pas revenir sur nos pas. Cette fois le passage est dégagé.

Nous retrouvons la route, et d’autres manifestants qui reviennent également. Nous passons devant l’Eglise dont la porte a été défoncée, la porte vitrée de la poste a volé en éclats, les arrêts de bus, les cabines téléphoniques ont été détruites. Plus loin, des wagons ont été tirés au milieu de la route. Des tas de palettes ont été répandus sur la chaussée. Les panneaux de signalisation et de publicité, les feux tricolores, ont été arrachés. Tout cela s’est produit derrière nous. Par qui ? Alors que nous avions vu tant de forces de police déployées, partout, plus nombreuses que les manifestants…

Au pont, nous sommes dirigés le long de la voie d’eau par un barrage de police. Des groupes de manifestants pacifistes, très dispersés refluent calmement, pour revenir vers les bus. Regardant vers le pont, je vois deux canons à eau prendre position alors que d’autres groupes arrivent tranquillement. Ils arrosent. Pourquoi ? Il n’y avait aucun incident, les gens rentraient tranquillement. Comme pour me punir de cette pensée, nous sommes à nouveau bombardés de bombes lacrymogènes par les flics du pont. Pourquoi ? Il ne se passait rien !

Au pont de l’Europe, le camion du Mouvement de la Paix propose de le suivre pour aller au Jardin, lieu prévu pour le meeting de fin, ou de rentrer. L’immense majorité des troupes préfère revenir vers les cars. Et le camion finit par en faire autant.

Les Dijonnais se regroupent peu à peu et décident de rester ensemble, d’éviter la dispersion pour retrouver notre bus garé fort justement là où il nous avait déposé à midi. En face dans les fourrés, on distingue des casques noirs et des canons de fusils. Des petits groupes de CRS sont embusqués tout le long du parcours de retour.

Pendant plus d’une heure, les groupes de manifestants dispersés au fil des évènements, rentrent vers leurs véhicules.

Conclusion

Il apparaît d’évidence que tout a été fait pour que cette manifestation autorisée ne puisse pas avoir lieu :

en empêchant le rassemblement, égarant les cars ;

en changeant à la dernière minute le parcours autorisé par la préfecture ;

La manifestation n’a jamais pu s’organiser et se structurer, permettant ainsi aux casseurs de se mêler aux pacifistes.

Les forces de police ont tronçonné la manifestation en plusieurs groupes qui ont été l’objet d’attaques par des tirs de grenades lacrymogène et de flash-balls dont l’objectif évident était de faire peur, d’impressionner les manifestants pour les inciter à ne plus revenir manifester.

Les autorités ont laissé se rassembler et agir des groupes de Blacks-Blocks, d’autonomes anarchistes, arrivés dès jeudi. Le déploiement massif et inégalé des forces de l’ordre permettait d’interdire l’accès de ces casseurs à la manifestation et d’éviter les graves incidents et les destructions qu’ils ont causés.

Le but était manifestement de dénaturer le caractère pacifiste de la manifestation.

C’est un quartier populaire qui a subi ces dommages alors que le centre-ville était hyper protégé et inaccessible, souvent au mépris des droits des citoyens de Strasbourg.

Les plus hautes autorités de l’Etat portent une lourde responsabilité dans les incidents qui se sont produits et qui auraient pu être encore plus dramatiques sans la solidarité et la sagesse des forces militantes présentes.

Pour le moins une commission d’enquête devrait éclaircir ces responsabilités et pour le plus, devant la gravité de la situation engendrée par les directives données aux forces de l’ordre par le ministère de l’intérieur, nous devons exiger la démission de la ministre de l’intérieur, Madame Alliot-Marie.

Cette volonté d’empêcher une manifestation pourtant autorisée, en utilisant tous les moyens est à rapprocher de la politique répressive et de la « judiciarisation » mises en œuvre par le gouvernement de Monsieur Sarkozy à l’égard de tous les opposants, les syndicalistes qui manifestent, les militants de RESF qui ont été victimes des mêmes mesures à Vichy, les jeunes des quartiers populaires, les militants politiques qui utilisent pourtant le propre langage du président :

« Casse toi, pov’con ! »

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Allain GRAUX

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