Europe, OTAN et USA : D’UN ALIGNEMENT A L’AUTRE

vendredi 17 avril 2009.
 

LELLOUCHE et la CIA

Je n’ai pas l’intention de faire un récit de mon week-end précédent. A quoi bon ? Mais je veux retenir un instant bizarre. Celui où monsieur Lellouche s’est mis à m’insulter et à me menacer sur un plateau de télévision. Dans la polémique qui m’opposait à monsieur Lellouche, un mot en déclencha un autre. Il était question « d’automaticité » d’intervention des Etats alliés au sein de l’OTAN. J’affirmais qu’elle était incluse dans le traité de l’Atlantique Nord. Je disais que l’article 2 l’imposait. Il affirmait que chaque Etat membre restait libre de sa participation. Il évoquait l’article cinq. Il avait raison sur le numéro de l’article et tort sur le fond. En fait nous ne parlions pas de la même chose, je crois. Lui voulait dire que chaque Etat reste maître de son engagement dans une opération extérieure. Dans ce cas il n’y pas d’automaticité de la participation. Cela est vrai. Mais par contre, et c’est ce point qui me paraît décisif, en cas d’agression contre un des membres de l’alliance, l’engagement de tous les autres est dû. Cette clause est à l’article 5, en effet. Mais elle y est, bel et bien. L’astuce des débatteurs de droite et des atlantistes est toujours de mêler les deux questions pour enfumer leur adversaire. Quand monsieur Lelouche a vu que je ne me laisserais pas faire, que je savais de quoi on parlait et que j’allais l’amener sur le terrain des alliances anti russes que lui et ses petits camarades de la droite et des sociaux libéraux soutiennent comme des fous, il est devenu ivre de rage.

Il m’a insulté : « pauvre con » (décidément !), « pauvre type ». Injure publique, c’est puni par la loi. Passe pour cette fois ci, les types de droite de nos jours sont des mal polis qui ne savent pas ce qu’ils disent. L’exemple vient de haut. La bourgeoisie, de nos jours, recrute n’importe quel mal élevé pour faire le boulot de chien de garde. Puis monsieur Lellouche a dit « si on était au 19ème siècle, je vous aurais défié en duel et je vous flinguerais, Et ça serait mérité ! ». Ça c’est plus grave. D’abord parce que le duel est interdit en France depuis l’ancien régime et le roi Louis XII qui fit exécuter pour l’exemple à ce sujet le marquis de Saint Mars. Ensuite parce que les menaces de mort (« je vous flinguerais ! ») sont aussi punies par la loi. Et surtout quand c’est aggravé (« et ce serait mérité ») d’incitation à la haine. Je veux dire que c’est bien plus grave que de séquestrer son patron. J’en parle parce que monsieur Lellouche l’instant d’avant nous avait fait la leçon sur le sujet en nous invitant à être à la hauteur de nos responsabilités de législateurs ! Je ne sais pas pourquoi il s’est mis dans cet état. Il a allégué que je l’avais traité d’agent de la CIA. J’avais dit qu’il était « aligné » sur la CIA. Ce n’est pas la même chose. Pourtant l’argumentaire mis en circulation par l’UMP pour défendre cet indéfendable me fait dire « vous êtes un agent de la CIA ». Risible.

La vidéo est partout sur le net, on peut vérifier. Mais j’admets que vu le nombre de fois où en effet j’ai entendu dire autour de moi, à droite et à gauche, sur le mode de la plaisanterie qu’il l’était, vu son enthousiasme constant pour les Etats Unis d’Amérique, j’en déduis qu’il doit se sentir visé et que ses nerfs sont à vif. Cependant, moi, je n’avais pas l’intention de l’accuser d’être membre de la CIA. Ma remarque vient d’un automatisme de langage. En effet la CIA lance à intervalle régulier des campagnes de désinformation extrêmement précises. Trop précises. Elles permettent donc de suivre à la trace leurs…obligés. Exemple : la campagne contre les déclarations de Chavez dans une caserne à propos de coup d’État militaire. Ou sur son soit-disant « crédo anti-sémite ». Donc je reconnais que j’ai pris l’habitude de parler « d’alignés sur la CIA » pour désigner tous ceux qui répètent les arguments de ces campagnes. Mais loin s’en faut que tous soient des agents de la CIA. Je suis certain que d’aucuns font ça gratuitement. Je veux dire : sans avoir été payé pour le faire. Ou sans avoir été invité à donner des conférences payantes dans des universités ou devant des panels de personnalités et ainsi de suite comme le font les agences d’influence pour récompenser leurs obligés. Donc, il sont « alignés » par conviction en quelque sorte. C’est à ça que je pensais. J’aurais du le dire autrement sans doute. Mais était-ce une raison suffisante pour me menacer et m’insulter de cette façon ? Si j’ai mauvais sort par un abruti qui prend au pied de la lettre les propos de monsieur Lellouche, on saura de qui est parti le coup.

SOMMET IMPERIAL

Si vous ne le savez pas j’étais à Strasbourg samedi. Pour la manifestation contre l’OTAN. Une autre fois je raconterai ce que tout le monde sait déjà. A savoir que la casse est le résultat d’une organisation totalement foirée de la sécurité. Certains disent un coup monté. Il est vrai que c’est énorme comme résultat et sur place l’aberration était spectaculairement visible. En ville, où ils n’auraient pas du être, de doux militants manifestaient faute de pouvoir rejoindre le lieu autorisé. Sur le lieu autorisé, après avoir été empêchés d’entrer on était ensuite empêché de sortir. On connaît la suite. Je connais la raison de ce bazar. Madame Alliot-Marie qui a accusé les élus de mon genre de vouloir « mettre la pagaille », n’a qu’à bien se tenir. Mais laissons tout cela. Je veux parler du contenu de la déclaration de ce sommet et de ce que cela signifie.

La déclaration finale du sommet de Strasbourg confirme, s’il en était besoin, que les orientations de l’OTAN sont dictées par les seuls intérêts de la puissance américaine. Le sommet a par exemple affirmé, sans autre démonstration, que « notre sécurité est de plus en plus liée à celle d’autres régions ». C’est avec de tels arguments que les Etats-Unis cherchent à étendre sans cesse l’ère d’intervention géographique de l’alliance pour en faire un véritable gendarme du monde.

ALIGNES EN AFGHANISTAN

A commencer par la priorité stratégique du moment de l’administration Obama : la guerre d’Afghanistan. Là aussi la déclaration de Strasbourg montre un alignement sans faille : l’Afghanistan y est présenté comme « la priorité essentielle » de l’OTAN, en prétendant que « notre sécurité est étroitement liée à la sécurité et à la stabilité de l’Afghanistan ». Là aussi sans le démontrer bien sûr. Sur la pente de l’alignement systématique, le sommet de l’OTAN a rappelé le soutien sans faille de l’alliance à la stratégie américaine en Afghanistan (et notamment à la force FIAS), évoquant même « un engagement à long terme ». Nous voila prévenus ! Et ce n’est pas tout, car la Maison Blanche et le Pentagone ont décidé d’étendre l’emprise politico-militaire américaine au Pakistan. En bonne courroie de transmission, l’Alliance a donc décidé à Strasbourg d’élargir le viseur aux voisins de l’Afghanistan, et notamment au Pakistan : « Nous reconnaissons que la présence d’extrémistes au Pakistan, en particulier dans les zones occidentales et l’insurrection en Afghanistan, nuisent à la sécurité et à la stabilité dans les deux pays, et que ces problèmes sont inextricablement liés ».« Pour réussir il faut une approche régionale plus affirmée, qui associe tous les voisins de l’Afghanistan ». Une extension qui présage de nouvelles surenchères militaires de l’Alliance dans la région., avec la France en 1ère ligne avec ses plus de 3 000 soldats engagés sur place pour une durée indéterminée.

ALIGNES CONTRE LA RUSSIE

La déclaration du sommet de Strasbourg n’oublie pas non plus les deux autres obsessions américaines : la Russie et les ressources en énergie. Le sommet a ainsi salué bruyamment les nouvelles adhésions de l’Albanie et de la Croatie et a réitéré son soutien à l’adhésion future de la Géorgie et de l’Ukraine, deux pays avec des frontières directes avec la Russie. C’est là que l’on mesure la gravité de la clause d’automaticité (article 5 du traité de l’Atlantique nord) dont j’ai parlé au début de cette note. Si la Géorgie avait déjà été membre de l’Alliance lors du conflit qui l’a opposée à la Russie en août 2008, l’Alliance toute entière, et la France désormais « intégrée », auraient été embarqués dans une guerre avec la Russie. On mesure ainsi les dangers de ces nouvelles adhésions à l’Alliance voulues par les Américains pour mettre la Russie au pied du mur.

ALIGNES POUR LE PETROLE

Comme souvent dans les décisions américaines, tout ça sent le gaz et le pétrole. Les Etats-Unis veulent en effet pouvoir se passer totalement de la Russie pour exploiter et transporter le gaz et le pétrole du Caucase (notamment azéri), via ce qu’ils appellent « le corridor sud ». Et la Géorgie est exactement dans ce corridor étroit entre la Russie et l’Iran. Rien de tel donc pour blinder militairement ce corridor pétrolier que d’intégrer la Géorgie à l’OTAN. Ils espèrent même ainsi mettre la main sur une part croissante du pétrole de l’autre rive de la Caspienne (kazakh et ouzbek) qui se déverse aujourd’hui plutôt vers la Chine. Ceux qui croient que j’extrapole en prêtant ainsi des arrières pensées pétrolières aux Américains pourront à nouveau se reporter à la déclaration du sommet de l’OTAN.

On y lit : « L’Alliance poursuivra ses consultations sur les risques les plus immédiats dans le domaine de la sécurité énergétique. La stabilité et la fiabilité des approvisionnements énergétiques, la diversification des itinéraires d’acheminement, des fournisseurs et des sources d’énergie, et l’interconnexion des réseaux énergétiques demeurent des questions d’une importance capitale. » Et la déclaration adoptée le lendemain dimanche 5 avril au sommet Union européenne – Etats-Unis à Prague est encore plus explicite : « L’UE et les États-Unis devraient également collaborer au développement de sources dans les États producteurs ainsi qu’à la diversification des sources énergétiques et des itinéraires de distribution. L’une des initiatives clés prises dans ce contexte est le développement du projet de Corridor Sud »

Quant à ceux qui doutent toujours de l’alignement de l’Europe de la défense sur l’OTAN, je leur rappelle qu’en matière de défense, le traité de Lisbonne impose que « les engagements et la coopération » soient « conformes aux engagements souscrits au sein de OTAN qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de leur mise en œuvre » (article 27 TUE).


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