Sarkozy met l’Université sous la coupe du goupillon (article national du PG)

dimanche 26 avril 2009.
 

Cela ne pouvait être qu’un dimanche ! Le dimanche 19 avril est ainsi paru au journal officiel le décret qui officialise la reconnaissance des grades et diplômes de l’enseignement supérieur entre Paris et le Vatican. Le 18 décembre 2008, la France et le Vatican avaient en effet signé un accord relatif à la reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur catholique. Pour la partie française, outre les diplômes canoniques, quatre diplômes sont concernés : baccalauréat, licence, master et doctorat.

Désormais, en vertu de ces nouvelles dispositions, la France, République laïque, reconnaît les diplômes de l’enseignement supérieur catholique à égalité avec les diplômes décernés par l’enseignement supérieur public. Les étudiants titulaires d’un diplôme délivré par les établissements d’enseignement supérieur catholique reconnus par le Saint-Siège pourront ainsi obtenir une reconnaissance directe de leur grade à l’Université afin d’y poursuivre leurs études.

Les changements induits sont d’une grande importance. Jusqu’à présent, un principe prédominait en France : celui du monopole d’Etat en ce qui concerne la collation des grades universitaires, réservée aux seules universités publiques. Réaffirmé par la loi de 1880, il est entériné en 1905 par la loi de séparation des Eglises et de l’Etat puis confirmé à nouveau par la loi Savary en 1984. Cet accord constitue une première brèche dans le principe de délivrance des diplômes nationaux. Il contribue au détricotage de la République laïque et porte en germe la possibilité de remise en cause de l’indépendance des savoirs et de l’objectivité scientifique : pourquoi pas un diplôme sanctionnant les thèses « créationnistes » comme aux Etats-Unis ?

La signature de cet accord est tout sauf un hasard : elle s’inscrit dans la continuité de la politique de rapprochement menée par le Président de la République vers le Saint Siège. Le discours de Latran de Nicolas Sarkozy, outre qu’il théorisait la prétendue « supériorité intrinsèque du prêtre sur l’instituteur dans la transmission des valeurs », annonçait déjà la reconnaissance des diplômes catholiques effective depuis le week-end dernier. Le discours de Ryad comme celui prononcé à l’occasion de la venue du pape en France au cours duquel il a affirmé avec insistance son concept de « laïcité positive » énonçaient la feuille de route qu’il s’est fixé de suivre. Dans le même temps, le pape Benoît XVI prenait des positions aussi offensives que rétrogrades comme lors de son récent voyage en Afrique. Un double processus est donc parallèlement mis en place : celui d’une « reconfessionnalisation » à la fois de la sphère publique, mais aussi des relations internationales.

Plus largement, la reconnaissance des diplômes de l’enseignement supérieur catholique répond à une volonté d’harmonisation au niveau européen qui cache bien mal la perspective de marchandisation qui se trouve derrière tout cela. Elle s’inscrit dans le processus de Bologne par lequel 46 Etats européens (dont le Vatican...) se sont engagés à établir un espace européen de l’enseignement supérieur d’ici 2010 (en liaison avec la stratégie de Lisbonne qui vise à faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus performante de la planète, doux euphémisme pour désigner de manière vertueuse la volonté d’ouvrir au marché le secteur de l’Education afin de satisfaire les appétits privés). Le raisonnement se fonde sur une sorte de « transitivité » pour le moins contestable. Dans certains pays européens méconnaissant la laïcité, les diplômes de l’enseignement supérieur privé sont reconnus à égalité avec ceux du public. Par conséquent, si la France reconnaît tous les diplômes de l’enseignement supérieur public de ses partenaires européens, mais pas ceux du privé, il y aurait comme une « discrimination » à l’encontre de ces derniers ! Pour la faire cesser, une seule solution devrait alors s’imposer : reconnaître les diplômes de l’enseignement supérieur privé !!! Dont la majorité sont décernés par des universités catholique. Où comment religion et « concurrence libre et non faussée » font parfois bon ménage...

Rappelons en outre, au moment où Valérie Pécresse et François Fillon imposent leur décret sur les enseignants-chercheurs, que les références au processus de Bologne ont également fourni quelques uns des arguments à quatre des réformes qui ont dernièrement touché l’Université française : le LMD (Licence/Master/Doctorat ou 3/5/8), la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des Universités), le décret sur le statut des enseignants-chercheurs et le recrutement et la formation des enseignants ou « masterisation ».

Au-delà du principe intangible de laïcité que le Parti de Gauche souhaite réaffirmer, c’est la démarche globale de réinvestissement de l’espace public par les sphères religieuses mais aussi marchandes qu’il nous faut dénoncer. Ces actions relèvent d’une volonté politique évidente contre laquelle nous nous inscrivons en faux. Le processus de Bologne n’a ainsi aucune valeur juridique contraignante : la France pourrait se dispenser d’accepter les dispositions actuelles qui touchent l’enseignement supérieur. C’est ce que ferait le Parti de Gauche s’il arrivait au pouvoir en remettant immédiatement en cause ces contre-réformes induites par des logiques à la fois religieuses et mercantiles.

François Cocq, secrétaire national du PG à l’éducation

Francis Daspe, président de la commission PG enseignement primaire et secondaire


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message