Où le PS mène-t-il ses militants ? Parlons clairement, voulez-vous ? (par Vincent Assante, ancien socialiste membre du secrétariat national)

samedi 23 mai 2009.
 

Le PS vient de rendre publique une liste intitulée « 10 propositions des socialistes pour changer l’Europe maintenant ! ».

À cette lecture, on se croirait revenu en 2004, à l’époque où François Hollande avait proposé la synthèse à Nouveau Monde et au NPS en échange de quoi le programme pour les européennes de l’époque avait été clairement marqué à gauche à partir de l’introduction des « sept conditions pour une Europe sociale » et franchement, on pourrait s’en féliciter !

Seulement voilà : le Traité de Lisbonne auquel la majorité du PS a donné son accord est passé par là — même s’il n’est pas encore en fonction dans la mesure où les Irlandais ont voté contre et n’ont pas pu être contraint pour le moment de voter à nouveau — et dans la mesure où le PS, comme l’ensemble des partis sociaux-démocrates européens en accepte les conséquences, la plupart des 10 propositions présentées ne pourra être appliquée et constituent donc un leurre, pour ne pas dire plus.

Un plan de relance européen.

Cela est totalement contraire aux fondamentaux du Traité de Lisbonne tels qu’exprimés dans les articles 119 et 126 du dit traité. Sans compter les prises de positions politiques allant dans le même sens lors des rencontres des chefs d’états européens des 1 et 19 mars 2009.

Un bouclier social.

En matière sociale, le Traité de Lisbonne n’autorise que des actions de coopération « à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres ». Articles 129 et 176 du dit traité.

Des services publics pour tous et partout.

S’il est toléré des dérogations pour les banques et des mesures de relance nationale ponctuelle, les chefs d’Etats européens venant de prendre quelques libertés avec le texte mais dans une proportion tout à fait limitée, il est en revanche clairement exprimé dans l’article 107 du Traité que « sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les états membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises certaines productions. ».

Lutter contre les délocalisations.

Non seulement cela nécessiterait que les articles 129 et 176 du traité de Lisbonne soient rayés d’un trait de plume mais encore faudrait-il que le principe de « la concurrence libre et non faussée » soit, lui aussi, abandonné. Car comment lutter contre les délocalisations sans lutter contre la concurrence libre et non faussée aujourd’hui ? Car, si pour les pères fondateurs de l’Europe, ce principe était mis en avant contre la tentative de création de trusts, ce principe a été complètement dévoyé pour en faire une arme contre les services publics. Étant entendu que les services publics reposent sur le principe d’égalité tandis que les services d’intérêt général reposent sur le principe d’équité. Ce qui n’est évidemment pas la même chose !

Un salaire minimum dans tous les pays d’Europe.

Là encore, les articles 129 et 176 du traité sont là pour l’interdire ! Hé oui, les faits sont têtus !

Un Fonds de soutien aux salariés.

Là encore, le traité de Lisbonne va à l’encontre de l’esprit de telles mesures. Cela étant, il n’est pas certain qu’un accord ne pourrait pas être trouvé entre les chefs d’États dans la mesure où la libre circulation des salariés aux compétences réelles mais aux salaires différenciés est constitutif du principe de concurrence libre et non faussée.

Un budget européen à la hauteur des enjeux.

Sur ce point en revanche, de nombreux articles du traité de Lisbonne vont à l’encontre d’une possibilité « d’augmenter significativement le budget européen pour financer les investissements nécessaires face à la crise et pour préparer l’avenir » tel que le souhaitent les partis sociaux-démocrates ! Voir les articles 97, 108,119. D’ailleurs, l’ensemble des dirigeants européens, y compris sociaux-démocrates, n’ont pas souhaité voir l’Europe se doter dans la crise récente d’une capacité financière complémentaire qui pourrait s’apparenter à un plan de relance.

Le « juste échange » plutôt que le libre-échange.

Là, c’est encore plus clair : les articles 21 et 206 du traité de Lisbonne refusent toute régulation puisqu’il affirme que l’Europe doit non seulement contribuer à la « suppression des restrictions aux échanges » mais aussi « aux investissements directs étrangers, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres. ». Comment veut-on dans ces conditions imposées des règles sociales ou écologiques aux importations et aux investissements étrangers ?

Une nouvelle politique agricole.

Là peut-être, compte tenu de l’immense malaise qui touche les milieux agricoles et des risques planétaires qui touchent l’ensemble des productions, des mesures pourraient être prises malgré la philosophie du traité de Lisbonne et l’idéologie libérale. Mais cela reste à vérifier.

Une croissance écologique et source d’emplois.

Dans ce domaine, compte tenu des nouveaux marchés qui se présentent et du poids des craintes des différentes opinions publiques nationales, il est tout à fait possible que des capitaux trouvent à s’investir dès lors que les rendements sont assurés pour une longue période. Cela étant, là encore, dans une économie qui verrait la disparition de l’ensemble des services publics, il est à craindre qu’une croissance écologique trouverait vite ses limites dès lors que la demande ne serait pas solvable, à l’instar de ce que l’on connaît depuis des décennies ou des services de transport sont supprimés pour motiver de non rentabilité !

Ce n’était pas un hasard si, en 2005, les opposants au traité de constitution européenne affirmaient que tout ce qui serait écrit dans un traité constitutionnel, serait gravé dans le marbre !

Aujourd’hui, l’idéologie libérale accepte parfaitement que le terme « constitutionnel » ne soit plus associé au terme « traité » pourvu que sur le fond ce traité s’impose à tous, et en particulier aux peuples européens !

Il est impensable que les militants socialistes, à un moment donné ou à un autre, ne réagissent pas devant ce que leurs dirigeants sont en train d’écrire en leur nom !

Vincent Assante.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message