Deux ans de présidence Sarkozy Deux ans de lutte contre le sarkozysme… (par Gauche Unitaire)

samedi 30 mai 2009.
 

Ces dernières semaines, les principaux médias ont donné une grande place au deuxième anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, la plupart flattant l’activisme et les nombreuses réformes mises en œuvre. Pour les militants de gauche et tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans la politique de la droite, ce moment doit plutôt être l’occasion de tirer quelques conclusions de « deux ans de résistances au sarkozysme ».

Après les manifestations massives du 29 janvier, du 19 mars et du 1er mai qui ont rassemblé plusieurs millions de personnes, les syndicats ont décidé de deux nouvelles journées d’action le 26 mai et le 13 juin prochain. Ces journées sont évidemment des prochaines étapes importantes pour lesquelles il faut mobiliser massivement. Mais il peut être utile également de prendre du recul et d’essayer de saisir quelques unes des difficultés auxquelles le mouvement social fait face pour mettre en échec les contre réformes de la droite, de comprendre quelles sont nos forces et nos faiblesses.

Le poids d’une défaite politique

Deux ans après, il paraît évident de dire que la victoire électorale de Nicolas Sarkozy en mai 2007 à eu un impact profond sur le rapport de force entre les classes sociales. Les premières réformes (services minimum dans les transports, peines planchers pour les multi récidivistes…) furent imposées quasiment sans opposition. Les premières mobilisations significatives à l’automne 2007, que ce soit les cheminots contre les régimes spéciaux ou les étudiants contre la LRU n’arrivèrent pas à faire plier le gouvernement, restèrent isolés avec un faible soutien dans la population. Mais ces premières luttes ont montré qu’il était possible de contester la politique de la droite et ont contribué à renforcer l’expression de refus du sarkozysme dans de larges secteurs de la population. Le caractère monarchique de l’exercice du pouvoir, doublé d’une exaltation indécente du « fric » alors que les désillusions sur le pouvoir d’achat s’accentuaient, ont amplifié ce mécontentement qui s’est cristallisé dans une sanction massive de la droite aux municipales de mars 2008.

Mais l’évolution des situations politiques n’est pas linéaire. Elle dépend également de la capacité d’initiative des acteurs politiques en présence, qui peut permettre de retourner des tendances de fond. Le sarkozysme ne s’est pas écroulé mécaniquement du fait de la désaffection d’une partie de son électorat. Une des forces de la droite a été d’être capable, après la sanction politique massive des municipales, de reprendre l’initiative sur le terrain qu’elle choisit pour engager la confrontation. C’est ce qu’elle a fait au printemps 2008 en lançant l’offensive sur deux terrains qui allaient ressouder la base populaire de la droite : la mise en place d’un service minimum dans l’éducation et la remise en cause définitive des 35 heures.

Il s’agissait pour la droite, avec en particulier la libéralisation de la durée du travail, de faire une véritable démonstration de force. L’incapacité des syndicats à réaliser leur unité et à entraîner massivement les salariés dans la mobilisation a laissé le champ libre à cette régression sociale. Nicolas Sarkozy pouvant ensuite se réjouir que « maintenant en France quand il y a une grève plus personne ne s’en aperçoit. » et capitaliser ensuite un maximum de popularité sur son activisme international pendant la présidence de l’Union Européenne au 2ème semestre 2008 (crise en Géorgie, sommet du G20…).

Face à la crise, une mobilisation inédite

Ce rapide survol permet de comprendre les spécificités de la séquence de confrontation qui s’est ouverte en janvier 2009 et qui est loin d’être finie.

La crise économique mondiale, et en particulier le risque d’effondrement des systèmes bancaires et financiers à l’automne 2008, a bouleversé la situation politique. L’intervention massive des États pour « sauver les banques » en déversant des milliers de milliards de dollars ou d’euro a miné la légitimité des discours libéraux sur la rigueur nécessaire pour les salariés. Après une période de stupeur et de tétanie face au cataclysme économique, une tendance profonde s’est cristallisée au sein de la conscience de millions de salariés dans de nombreux pays d’Europe : « Ce n’est pas au peuple de payer leur crise ». Le sentiment qu’il n’est pas juste que les États (c’est à dire pour l’immense majorité de la population l’institution censée représenter la collectivité) paye des sommes astronomiques pour réparer la casse d’un système financier qui n’enrichit qu’une minorité de privilégiés gavés de stock options et de parachutes dorés, est un des effets politiques majeurs de la crise du capitalisme.

En France, ce basculement de la situation s’est concrétisé avec la rédaction en janvier 2009 d’une plate forme inédite, signée par les huit grandes confédérations et fédérations syndicales (CGT, CFDT, FO, FSU, UNSA, CGC, CFTC, Solidaires) qui exprime ce sentiment profond des classes populaires et qui a enclenché la première journée d’action massive du 29 janvier. De fait, alors que le Parti Socialiste est sans réponse face à la crise économique, les syndicats jouent le rôle d’opposition politique face à la droite. Leur plate forme, bien que manquant de revendications précises, fait converger toutes les préoccupations des différentes secteurs du salariat, contre les licenciements, pour des salaires décents, pour la défense des services publics (en particulier de la poste, des hôpitaux, de la recherche…). L’unité réalisée a un effet d’entraînement qui amène de nombreux salariés qui se mobilisent rarement à manifester. Elle créé une dynamique de soutien majoritaire aux mobilisations. Les luttes partielles ne sont plus autant isolées. Leur légitimité est renforcée et imposent des reculs sur certains points au gouvernement. En retour, de nombreux salariés se tournent vers les syndicats pour ne pas rester isolés face à la crise (1). L’unité entre les huit centrales syndicales impose certes la recherche de compromis et limite le rythme des mobilisations. Mais aucune des organisations syndicales ne peut se permettre de rompre cette unité.

Unité et soutien majoritaire

Une épreuve de force sur la durée est engagée entre le patronat et le gouvernement d’un côté et les salariés et leurs organisations de l’autre.

Pour développer toute la puissance des capacités des mobilisations des salariés dans ce bras de fer, il importe de comprendre que le conflit actuel n’est pas de même nature que les grandes mobilisations qui s’étaient concentrées sur une réforme, comme la sécurité sociale en novembre – décembre 1995 ou les retraites en mai juin 2003, où en particulier pour ce dernier conflit l’espacement des dates des journées d’actions décidées par les organisations syndicales avaient contribué à affaiblir profondément la mobilisation. Sans doute une occasion a t-elle été manquée entre le 19 mars et le 1er mai qui aurait pu permettre au mouvement social de faire monter la pression face au pouvoir sarkozyen. Le premier ministre François Fillon a d’ailleurs à cette occasion salué le caractère « responsable » des organisations syndicales… Et le choix de prévoir deux journées les 26 mai et 13 juin rend plus difficile la convergence de toutes les résistances pour construire un rapport de force suffisant.

Mais le monde du travail n’a pas été écrasé et atomisé par la crise économique et la politique du gouvernement. Ses capacités de résistance restent fortes. Il a acquis deux points d’appuis décisifs à travers les journées d’action de janvier, mars et mai 2009. Il a constitué son unité à travers la plate forme qui rassemble les organisations syndicales et qui est renforcée par les appels de soutien des organisation politique de gauche. Et il a regagné le terrain du soutien populaire qui est jusqu’à présent massivement favorable aux mobilisations des syndicats. La droite ne peut plus clamer que les grèves passent inaperçues.

Ces points d’appuis – unité et soutien majoritaire - seront décisifs dans les prochains mois, où les conséquences de la crise en terme de suppression d’emplois, d’appauvrissement des familles vont se démultiplier. Les dirigeants d’entreprises sont à l’offensive pour imposer des baisses de salaires, des conditions de travail plus dures. Le gouvernement lui s’engage, pour réduire les déficits publics creusés pour renflouer les banques, sans augmenter les impôts, à comprimer les dépenses de l’État, ce qui implique de continuer à supprimer des postes de fonctionnaires, démanteler et désorganiser les services publics.

C’est « leur sortie de crise » que les patrons et la droite envisage : en imposant une sur-exploitation des salariés, en nous forçant à travailler plus, plus vite, dans de moins bonnes conditions, pour un salaire moins bon. Nous sommes tous visés par cette régression, que l’on soit salarié du public du privé, que l’on soit ouvrier, cadre, employé. Se défendre ensemble, résister ensemble est une nécessité. C’est ce qu’il faut arriver à construire pour les journées d’action des 26 mai et du 13 juin. Mais c’est aussi ce qu’il faudra mettre en œuvre dès la rentrée prochaine. L’unité est notre arme face aux politiques de destruction sociale. Il y a urgence à mener dans tous les cadres qui existent un débat le plus large possible sur les initiatives que la situation impose de prendre pour mettre en échec le gouvernement et le patronat. Cette discussion doit avoir lieu dans les organisations syndicales, dans les cadres inter syndicaux, dans les cadres unitaires qui rassemblent organisations politiques et syndicats et dans les cadres interprofessionnels qui permettent au maximum de salariés de s’impliquer. Elle est décisive pour construire les mobilisations nécessaires pour faire reculer le gouvernement.

Enfin, sur la durée, le combat contre la politique de la droite se joue aussi sur le terrain politique. Le rapport de force entre les camps sociaux se joue sur le terrain des mobilisations, mais aussi sur le terrain de la confrontation des idées, des projets de société, sur le terrain proprement politique. Il revient également aux militants du mouvement sociaux, aux militants syndicaux de ne pas « déléguer » cette bataille politique aux divers partis de gauche, mais de s’investir pleinement dans la construction de l’alternative à la droite et au social libéralisme, dont nous ressentons tous l’impérieuse nécessité aujourd’hui.

(1) Les Echos (19/05/09) « La crise fait progresser les adhésions aux syndicats » Depuis janvier, les principaux syndicats CGT, CFDT, FO (l’article ne donne pas d’informations sur la FSU et Solidaires) ont constaté un afflux d’adhésions plus important : « les gens viennent chercher un coup de main, des informations, une protection ». La CFDT revendique 15 600 nouveaux adhérents depuis janvier 2009 contre 6000 sur l’année 2008. la CGT avance un rythme d’adhésion au 1er trimestre de 50% supérieur à l’année précédente


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