Contre la discrimination positive et les statistiques ethno-raciales

dimanche 31 mai 2009.
 

Le Comité Laïcité République est heureux de se retrouver avec vous pour ces deux journées de réflexion et de mobilisation sur la laïcité, et en particulier sa dimension internationale. La table ronde qui nous réunit ce matin nous propose toutefois, « contre les discriminations, de construire des institutions républicaines ». Au CLR, nous travaillons depuis longtemps sur la question de la discrimination positive, des statistiques ethniques, parce qu’elle nous semble emblématique du débat, de la confrontation entre universalisme et différentialisme.

Et la nomination récente de M. Yazid Sabeg comme commissaire à la diversité relance un débat que nous avions pu espérer derrière nous avec la remise fin 2008 du rapport du Comité présidé par Mme Simone Veil au sujet des velléités présidentielles de réviser le préambule de la Constitution. Celle-ci a en effet rejeté la suggestion d’introduire la notion de « diversité » dans notre texte fondamental, préférant, et c’est heureux, maintenir le principe d’égalité de tous les citoyens devant la loi. Nous sommes opposés à la discrimination positive -et aux statistiques ethno-raciales- pour des raisons de principe, au-delà des problèmes pratiques que cela pose ; pour trois raisons principales.

* Elle relève d’une conception proprement réactionnaire de l’homme. En effet, elle renvoie l’individu à ses racines, à son passé, à des caractéristiques comme sa couleur de peau, son origine ethnique ou géographique, qu’il n’a pas choisi. En ce sens, elle revient sur l’apport fondamental des Lumières en faisant fi de la capacité de chacun de s’extraire de la gangue de ses origines pour se projeter au-delà, de sa capacité à faire autre chose de lui-même que ce qui lui a été légué à la naissance. Elle nie la capacité de chaque femme et de chaque homme à se déterminer lui-même, en dehors d’une communauté réelle ou supposée, pour définir des critères d’appartenance qu’il aura choisis et non par ceux qui lui ont été imposés, inculqués par les liens du sang. En ce sens, la discrimination positive est réactionnaire et doit donc être rejetée par principe.

* Ensuite, elle doit l’être parce qu’elle relève d’une conception anti-progressiste. Elle substitue en effet une lecture raciale à une lecture sociale des rapports humains. Tous les combats, notamment à partir du XIXe siècle, pour conquérir des droits sociaux, pour faire progresser l’émancipation, pour sortir l’homme de la situation d’asservissement dans laquelle il se trouvait souvent a consisté à reconnaître l’importance des rapports sociaux dans les sociétés humaines. Or nous voyons bien que la discrimination positive, par un effet mécanique, minore cette acception sociale des rapports humains pour y introduire, pour y réintroduire plutôt, une lecture raciale. Autrement dit, ce n’est pas la classe sociale d’un individu qui prime selon cette lecture mais sa couleur de peau ou son origine ethnique. Selon cette conception, un Noir aisé sera toujours plus opprimé qu’un Blanc pauvre. Cette lecture des rapports humains est donc essentiellement conservatrice, antiprogressiste et antisociale. Nous qui ne dissocions pas la laïcité du combat social ne pouvons que rejeter par principe cette conception.

* Enfin, troisième raison de principe de notre hostilité à la discrimination positive : elle relève en effet aussi d’une conception collectiviste de l’homme, négatrice de la citoyenneté républicaine. Elle renoue avec la société d’Ancien Régime qui ne reconnaissait des hommes qu’à raison de leur appartenance à un ordre, avec des individus qui étaient déterminés dès la naissance précisément par leur naissance. Les Lumières puis l’impulsion juridique exceptionnelle donnée par la Révolution française ont permis de définir, à l’opposé de cette conception-là l’émergence de la citoyenneté, à savoir un individu qui se détermine lui-même indépendamment du groupe auquel il est censé appartenir. Revenir à une conception collectiviste de l’homme consisterait à tourner le dos à la citoyenneté républicaine, à la primauté de l’individu sur le groupe.

Pour au moins toutes ces raisons : négation de la citoyenneté et retour à l’Ancien Régime, renvoi de l’individu à son passé, à ses racines, aux liens du sang selon une conception réactionnaire de l’homme et enfin substitution d’une lecture raciale à une lecture sociale des rapports humains, il faut rejeter absolument tout compromis avec ces orientations. Mettre le doigt dans l’engrenage, c’est basculer dans un système idéologique qui est à l’opposé de tout ce qui contribue à l’émancipation de l’homme et de la femme, c’est tourner le dos à plus de deux siècles de combats pour les droits sociaux et ceux du citoyen. Sans animosité à l’égard de ceux qui croient que cela pourrait remédier aux maux dont souffre notre société parce qu’ils désespèrent de la République, parce que la promesse républicaine se fait attendre depuis trop longtemps pour beaucoup trop d’entre nos concitoyens, il nous faut faire un travail de conviction, de pédagogie. Car sinon, le jour où nous aurons instauré les statistiques ethniques, la discrimination positive pour les individus (et non les quartiers comme c’est le cas pour les Zep par exemple), le jour ou nous aurons sinon en droit mais dans les faits renoncé à l’égalité de tous devant la loi, alors nous aurons basculé dans une autre logique politique et idéologique. C’est cela que nous refusons.

Texte de l’intervention aux 2e RLI de Saint-Denis le 5 avril 2009

Philippe Foussier Président du CLR (Comité Laïcité République)


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