Requiem pour la Scientologie

lundi 1er juin 2009.
 

Nous saurons bientôt si l’Église de Scientologie va disparaître du territoire français. En tant que démocrate je ne peux que l’espérer. La liberté religieuse – quoi qu’on puisse penser des dogmes de tel ou tel groupe ou de telle ou telle congrégation – est un des fondements de la démocratie. Il n’en reste pas moins que l’Église de Scientologie est devenue, dans l’esprit du public et au fil des années la caricature de la secte prédatrice, assoiffée d’argent et de pouvoir. Pourtant, ce même public sait très peu de chose du "Thriving Cult of Greed and Power" pour reprendre le titre d’un célèbre article de Time et notamment le fait qu’elle ne soit pas si "thriving" – florissante – que ça.

La Scientologie a été créée en 1953 par le (mauvais) écrivain de science-fiction Lafayette Ronald Hubbart (13 mars 1911 – 24 janvier 1986) sur la base d’un système de psychothérapie alternative qu’il avait lui-même élaboré : la Dianétique. Il semble qu’au départ, L. Ron Hubbart et ses partisans, notamment John W. Campbell Jr et Joseph A. Winter, ont cherché à la faire accepter par la communauté scientifique – sans grands résultats naturellement.

C’est à la suite de cet échec que L. Ron Hubbart a créé la Church of Scientology qui a d’ailleurs, dés le départ, eu des problèmes avec les autorités puisque l’Etat de Victoria en Australie l’a interdite en 1965 et que la puissante Food and Drugs Administration a saisi en 1963 des centaines d’électromètres – l’appareil que les scientologues utilisent pour "mesurer les états mentaux" – pour exercice illégal de la médecine.

La doctrine scientologue n’est divulguée dans son intégralité qu’après un parcours initiatique assez long et très couteux. Elle a néanmoins fini, malgré les efforts de la secte, par se retrouver sur l’espace public et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle est baroque.

La Scientologie est basée sur la notion de "Thétan", une entité immortelle, omnisciente, et capable d’une créativité illimitée représentant la véritable identité d’un individu – ce qu’ailleurs on appelle une âme. Ces thétans auraient créé l’univers qui n’existerait que parce qu’ils y croient collectivement et y auraient été précipités il y a un quadrillon d’années (rappel l’Univers n’a que quinze milliards d’année) après avoir entendu un bruit violent et vu un chérubin sur un char.

Il y a 75 millions d’années, un second incident se serait produit. A cette époque, la "Confédération Galactique" – qui ne comportait que 76 planètes sur la centaine de millions qu’on peut supposer devoir exister – connaissait un sérieux problème de surpopulation. Pour le résoudre le dictateur local – Xenu - a fait arrêter les citoyens surnuméraires dans le cadre d’un contrôle fiscal et les a déportés sur la Terre – en DC8 à fusées. Il les a alors parqués dans des volcans dont la plupart n’existaient pas à l’époque avant de les atomiser à coup de bombes H.

Il n’a détruit que leur corps, cependant, pas leurs thétans, qu’il a enfermés derrière un mur de feu avant de les forcer à regarder de mauvais films en trois-D pendant trente-six jours. Les thétans, passablement traumatisés par l’expérience, se sont ensuite attachés aux êtres vivants des environs. Ils continuent d’ailleurs à le faire, ce qui est la cause de tous les problèmes de la planète.

Cette histoire n’est cependant pas révélée aux nouveaux adeptes. La scientologie est, en effet une religion initiatique qui n’introduit son enseignement que progressivement. C’est d’ailleurs le cas de nombreuses autres religions. Elle vise à débarrasser l’individu de tout ce qui l’empêche de réaliser son plein potentiel, par étape successives, suivant un plan qu’elle appelle "le pont vers la liberté totale". L’adepte suit un programme d’"auditions" – des séances de psychothérapie dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles n’enthousiasment pas les professionnels – passant du stade de pré-clair à celui de clair avant de s’engager dans les niveaux supérieurs. Ceux-ci, qualifiés d’Operating Thetan, sont au nombre de 8 et ce n’est qu’au troisième que l’histoire de Xenu est abordée. Six autres niveaux devraient être mis en place à l’avenir afin d’amener les adeptes au stade de "Cleared Theta Clear". Ils seront alors capables de créer leur propre univers... à moins que l’organisation, s’apercevant que cela ne fonctionne pas, décide d’en rajouter d’autres.

C’est évidement de la mauvaise science-fiction, mais pas plus après-tout que la doctrine de l’immaculée conception. Quant au fait de réserver une partie de sa doctrine à des initiés, ce n’est pas une spécialité scientologue : les Druzes font de même.

Le problème c’est que les "auditions" sont payantes, et souvent extraordinairement coûteuses. En 1996 l’état du Bade-Würtemberg a ordonné en enquête sur les pratiques de la scientologie et constaté que le prix des cours allaient de 182,5 DM à 30,000 DM, ce à quoi s’ajoutaient toute une série de donations volontaires. De nombreuses religions demandent des contributions à leurs adeptes mais elles restent en général d’un niveau raisonnable, comparables à ce que demande un parti politique ou un syndicat, les services de base – la messe ou la confession restant généralement gratuites. La Scientologie va cependant beaucoup plus loin et elle n’hésite pas à utiliser le droit commercial pour interdire à d’autres – la Zone Libre – d’utiliser ses techniques à un coût plus raisonnable.

La Scientologie s’est également fait connaître par la manière très particulière qu’elle a de s’opposer à ceux qui la critiquent – qualifiés par elle de "personnes suppressives". Si la politique dit de "Fair Games" a été officiellement abandonnée, les pratiques qu’elles recouvrent sont, semble-t-il toujours d’actualité. L’Église de Scientologie a régulièrement recours à la justice pour faire taire ses opposant. Elle perd naturellement, mais son objectif n’est pas de gagner mais d’harceler et de décourager.

Le FBI a, par ailleurs, mis au jour dans les années 70 une opération d’infiltration dont l’ampleur ferait pâlir d’envie le pire des lambertistes. L’opération snow-white consistait à infiltrer, espionner et manipuler pas moins de 136 organisations dont de nombreuses agences gouvernementales. Il va sans dire que le gouvernent américain n’a pas apprécié la plaisanterie et onze hauts dirigeants de la Scientologie, dont Mary Sue Hubbart (femme et adjointe de L.Ron) ont été condamnés pour divers chefs d’inculpations. L’enquête a, par ailleurs, permis de révéler un autre plan dit "operation Freak-Out" visant à discréditer et à faire incarcérer ou interner la journaliste Paulette Cooper.

Avec de telles méthodes, on comprend que l’Église de Scientologie ne soit pas très populaire, notamment auprès du gouvernement allemand qui fait remarquer qu’il y a 80 ans il a toléré une bande de fous dangereux en Bavière, que cela n’a pas été une bonne idée et qu’il n’a aucune intention de recommencer.

Ce qu’on sait moins, c’est que la secte n’est pas très populaire tout court. Elle revendique 8 millions de membres dont 3,5 aux États-Unis. Le problème c’est que l’étude ARIS publiée par l’Université de New-York n’en trouve que 55,000 en 2001, soit à peine 10,000 de plus qu’en 1991. Les responsables de la secte attribuent la différence au fait que nombre de leur membres préfèrent mettre en avant une appartenance religieuse plus, disons, présentable. La même étude, cependant, comptabilise 134,000 wiccans contre 8,000 en 1991 et quand on sait à quel point le nombre des wiccans est sous-estimé dans ce genre d’étude on ne peut qu’être dubitatif devant les chiffres de la Scientologie. Par ailleurs, et comme le fait remarquer le spécialiste des religions John Melton Gordon, la visibilité des scientologues dans la société est très faible. Tom Cruise et John Travolta ne compensent pas l’absence des millions de fidèles qui font la force des religions traditionnelles. Il semble, par ailleurs, que le turn-over soit très élevé, ce qui n’a rien d’étonnant vu les tarifs pratiqués, mais empêche la secte de vraiment s’implanter. Sa réputation détestable n’arrange naturellement pas les choses et on peut sérieusement douter que la Scientologie ait un grand avenir devant elle. La déliquescence de ses antennes australienne, qui selon le site Oeration Clambake ne seraient plus que des coquilles vides pourrait fort bien annoncer le destin final de la secte.


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