La droite en campagne sécuritaire

vendredi 5 juin 2009.
 

C’est donc dorénavant un classique banal. A cours d’arguments sur l’Europe, la droite axe sa campagne sur le terrain sécuritaire. L’ampleur de la débauche d’énergie sur le sujet donne la mesure de l’effort que le parti du Président sent qu’il est obligé de faire pour essayer de remobiliser son électorat. Le parti de la trouille pétarade donc du matin au soir avec une avalanche d’annonces à grand spectacle. Tout le gouvernement et la majorité parlementaire sont mobilisés pour faire vibrer la corde sécuritaire.

Christian Estrosi a présenté sa loi contre les porteurs de cagoules et les bandes. Suivi de près par Alliot-Marie qui présente la loi dite LOPPSI 2 (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure). Avec au menu, un nouveau développement de la télésurveillance, qui sera facilitée pour les opérateurs privés. Sans oublier l’annonce anxiogène de nouveaux outils de surveillance policière sur internet avec la transposition sur la toile du système des écoutes téléphoniques. Bien sûr il y a aussi un nouveau renforcement des fichiers de sécurité avec de nouvelles possibilités de croisement entre fichiers au détriment des libertés.

Enfin, Darcos et Sarkozy viennent eux-mêmes d’en rajouter une louche sur la sécurité à l’école et dans les cités. Nicolas Sarkozy a donc pu renouer pour l’occasion avec sa rhétorique contre les « voyous » déjà expérimentée en 2007. Il aura régalé les scrogneu-gneux de son vocabulaire guerrier contre les banlieues. C’est reparti pour les annonces d’« opérations coups de poings dans les cités » et la mobilisation de « nouvelles unités mobiles » en banlieue, CRS, gardes mobiles et ainsi de suite. Bien sûr l’inadéquation de tout cela en banlieue est mille fois avérée. Mais c’est du grand spectacle en perspective pour les chaînes de télévision. Car le but de ces annonces est purement médiatique et idéologique. Personne au gouvernement ne se préoccupe de savoir comment les lois vont effectivement être appliquées ni même si les précédentes le sont déjà. D’ailleurs avec la nouvelle salve décrite plus haut, on en sera à la 14ème loi sécuritaire présentée par la droite depuis 2002 et la 10ème depuis 5 ans, ce qui fait une moyenne d’un texte tous les 6 mois !

Rien de tel pour détourner, à l’ancienne, les esprits du terrain social, alors que le pays compte 650 000 chômeurs de plus. Dans ce contexte, la lumière est volontiers mise sur certains voyous plutôt que sur d’autres. Sarkozy est par exemple allé jusqu’à annoncer que des contrôleurs fiscaux seraient spécialement « affectés dans chacun des 25 quartiers les plus sensibles », afin dit-il d’y « détecter les signes extérieurs de richesse indue ». Un enfumage répugnant pour faire croire que le problème de la banlieue est la richesse indue de quelques trafiquants et pas la misère de masse de ses habitants. Le dégoût est à son comble quand on sait qu’au même moment, Eric Woerth le ministre du budget, met en place de nouvelles procédures très complaisantes pour les grands évadés fiscaux. Ceux-ci pourront en effet se déclarer au fisc de manière anonyme pour évaluer ce que leur coûterait le retour dans la légalité. Libre ensuite à eux de se démasquer ou de continuer à frauder sans que le fisc ne puisse les poursuivre ! Les petits voyous des cités auront donc des contrôleurs fiscaux spécialement dépêchés jusque dans leurs cages d’escaliers tandis que les grands voyous des paradis fiscaux pourront continuer à frauder librement en étant même conseillés par le fisc ! Si ce n’était si triste sur le fond on en rirait !

LA REVANCHE SOCIALE CONTINUE

Toute cette mise en scène permet aussi à la droite une heureuse mise en condition pour redoubler les coups en matière sociale. Sarkozy n’a-t-il pas d’ailleurs prévenu qu’il entendait « profiter de la crise pour accélérer les réformes structurelles ». On sait quelle logique d’affrontement social se déduit de ce point de départ ! Depuis une dizaine de jours, on a un avant goût de ce qui est promis aux salariés après les élections européennes. Une nouvelle proposition de loi sur le travail le dimanche a été déposée cette fois-ci pour être votée cet été. Dans le débat sur la loi hôpital, après 3 semaines de débats acharnés au Sénat, le gouvernement ne lâche rien. Il a par exemple refusé tout encadrement des dépassements d’honoraires dans les cliniques comme le proposait le sénateur François Autain au nom du groupe Communiste et du Parti de Gauche. Il ya là dedans quelque chose qui est aussi de la provocation pour faire baisser la tête. Une volonté de montrer qu’il n’y a pas de limite, que la compétition entre responsables de droite est dorénavant au plus violent social. On ne peut comprendre autrement une aberration comme celle proposée par Frédérique Lefèvre lorsqu’il a cru bon de proposer à l’Assemblée nationale que désormais les salariés puissent travailler à distance pendant leurs congés de maladie.

AMBIANCE

Dans ce contexte on comprend bien que le sens de l’élection européenne du 7 juin s’élargit. Il implique en réalité toute la sphère politique. Il va dire davantage qu’un choix entre des listes. Il va indiquer ce que sont en réalité les paramètres fondamentaux autour desquels se construit l’univers mental des Français face à la crise. Les apprentis sorciers qui ont joué l’abstention et la désintégration des repères politiques vont bientôt toucher du doigt le risque qu’ils prennent en réalité. La situation pourrait bien pour finir leur échapper complètement.


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