Dernier tractage au marché et dernier interview d’Olivier Besancenot

dimanche 7 juin 2009.
 

Je reviens du marché de la Porte Dorée, dans mon 12e arrondissement, où avec mes complices et copains du PG, Pierre-Yves Legras et José Espinosa, et en compagnie de nos camarades du PCF nous avons distribué, comme tous les dimanches depuis des mois, les tracts du "Front de Gauche".

Une belle matinée ensoleillée pour une belle campagne électorale dont le dénouement approche. Dans une semaine exactement, on connaîtra les résultats. Tard dans la nuit manifestement. On m’a expliqué que, dans la mesure où on vote en Europe jusqu’à 22h00 (pas en France, ici ce sera 20h00 dans les grandes agglomérations et 18h00 dans les villages), les résultats vont être « gelés » au ministère de l’intérieur jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote des 27 pays.

Dans le 12e donc, ce matin, l’ambiance était particulièrement souriante en notre direction. Sur le terrain, comme on dit, nous sentons désormais nettement cette poussée vers nous que traduise tous les sondages depuis quelques semaines. Nous progressons, c’est palpableLe sigle « Front de Gauche » et son originalité politique sont saisis par un nombre toujours plus important de nos concitoyens. Ce long travail militant que nous avons entrepris depuis des mois produit son effet.

Quelques mètres plus loin du point où nous diffusons, mes anciens camarades (mais pour l’essentiel encore amis) de la section PS locale "tractent" eux aussi. Je connais bien ceux qui sont là, courageusement. Et, je vois bien à leurs visages, que ce n’est pas la grande forme.

A quelques mètres d’eux, trois militants du Modem sont là également. Quelques mètres encore plus loin, et ce sont trois Verts qui s’installent, en fin de matinée. La droite, elle, et aux abonnés absents. Dans l’arrondissement, les rivalités entre les chefs locaux et "historique" de la droite et Jean-Marie Cavada, troisième de la liste UMP en Ile-de-France, entraîne qu’ils refusent de diffuser le moindre tract portant son nom. Curieux.

Je l’avoue, j’aime les militants. Toutes ces petites histoires me passionnent et m’amusent. Je suis toujours impressionné par ceux qui prennent sur leur moment de repos, pour, durant deux heures, défendre leurs idées publiquement, un tract à la main. Comme d’autres vont à la messe (que tous mes frères laïques me pardonnent cette comparaison discutable), moi, le dimanche matin dès que c’est possible, je « tracte », et j’aime cela. C’est un moment qui redonne de l’énergie, surtout actuellement. Et j’aime aussi particulièrement la suractivité et l’excitation militante des derniers jours.

Orateur national du Front de Gauche dans différentes réunions et meetings, cette semaine, j’ai été servi. Lundi j’étais à Rodez, mardi à Sevran en Seine-Saint-Denis, mercredi à Aubervilliers avec Patrick Le Hyaric et Marie-George Buffet, jeudi dans le 19e arrondissement avec Denis Durand économiste du PCF, vendredi à Chagny (près du Creusot) avec Pierre Laurent, coordinateur national du PCF et Patrick Appel-Muller directeur de la rédaction de l’Humanité (qui m’a accueilli magnifiquement), samedi enfin au « Festival pour un autre monde » avec à nouveau Marie-George Buffet à Villiers sur Bière non loin de Meulun dans la chaleur d’une journée étouffante.

Partout, l’espoir et la joie, oui une joie de plus en plus communicative chez ceux qui viennent à ces réunions et qui sentent que « quelque chose de nouveau » va se produire le 7 juin. Tout cela regonfle le moral. Nous sommes en train de réussir notre pari. Une nouvelle gauche est en train de naître, exigeante, combative, unitaire. Mais, je m’emballe… le système électorale est tellement injuste, que malgré tout ce travail magnifique, je ne sais pas encore si à l’annonce des résultats il y aura des rires ou des larmes.

Le « Front de gauche » pour moi, est bien la nouveauté, à gauche, de ces Européennes. Ici ou là, certains me disent que ce Front devrait être plus large. Oui, nous sommes totalement d’accord. Notre ambition et bien d’être majoritaire dans le pays. Mais, pour finir en tête, il ne faut pas rater le départ. C’est ce que nous sommes en train de réussir, mais la course est encore longue pour « changer la vie, vraiment », notamment en ne ratant pas encore les échéances de 2012, tel que cela s’est produit depuis près de 20 ans.

Pour l’heure, tout le monde constate avec regret, le potentiel énorme que nous aurions pu avoir si le NPA d’Olivier Besancenot était dans ce Front de Gauche. A ce sujet, une interview de ce dernier dans Libération de samedi, m’étonne. Il nous reproche de « vouloir fumer le PS » alors que lui « veut exploser la droite » ! J’ai du mal à saisir. Et je passe sur l’emploi de ce vocabulaire, pseudo jeune, pseudo « caillera » de cité. Je trouve cela toujours médiocre quand Fadela Amara fait de même, et le porte parole du NPA, selon moi, ne gagne rien à parler ainsi. D’autant que la politique a besoin de clarté, et non de formule fourre-tout, qui finalement ne veulent rien dire avec précision.

Je dois préciser que je n’ai rien contre Olivier. Je respecte profondément le dirigeant politique de premier plan qu’il est devenu. C’est un homme courageux, accrocheur, désintéressé. Son succès actuel, il ne l’a volé à personne. Il l’a construit, avec ses camarades. Je mesure aussi sur le plan personnel ce qu’il subit, la dureté d’une vie intime partagée entre vie publique et obligation professionnelle épuisante. Donc respect j’insiste. D’autant, que je le connais depuis plus de 15 ans. Nous nous sommes rencontrés la première fois au début des années 90, rue de Tunis dans le 11e au 4ème étage, quand tous les deux militants jeunes de la LCR, nous siégions à la direction de l’organisation de jeunesse trostkyste JCR-RED. Pour nous c’était « Lucien » ou « Petit Olivier », car un autre Olivier, plus agé, était alors le trésorier de la Ligue. Je confesse qu’Olivier et moi n’étions déjà pas souvent d’accord. Je me souviens de bien des engueulades et particulièrement le débat sur la consigne de vote au second tour de la présidentielle de 1995. J’étais, avec plusieurs de mes camarades que je retrouve aujourd’hui au PG (n’est ce pas Sylvère Ch., Nicolas Voisin et bien d’autres… ?) un farouche partisan de l’appel à voter sans ambiguité pour Lionel Jospin pour battre Jacques Chirac. Olivier et ses camarades considéraient qu’il ne fallait pas donner de consignes de votes. Lors de ces réunions parfois agitées, les noms d’oiseaux volaient bas. Ma ligne politique était montrée comme « vendu au PS », moi je considérais que la leur était « sectaire et inconséquente face à la droite ». Nous nous confrontions avec la vigueur, et la facilité à caricaturer, propre à la jeunesse. Les années sont passées, mais finalement certains débats demeurent, presque quasi identiques : comment battre la droite et construire une nouvelle gauche ?

Avec la plupart des dirigeants de la LCR de ma génération, et aujourd’hui du NPA, le fil ne s’est pas rompu. Au contraire, je l’ai maintenu amicalement avec beaucoup d’entre eux. Il y a quelques mois, dans une soirée de solidarité avec un pays d’Amérique du Sud, un dirigeant historique de la LCR, pour lequel j’ai toujours aussi une réelle admiration, très proche il y a peu d’Olivier (ils ont même coécrit ensemble un des premiers ouvrages signé Besancenot, et on le présente dans la presse comme son mentor de la campagne de 2002), s’était ouvert auprès de moi, rigolard, du ridicule, selon lui, des propos de Jean-Luc Mélenchon devant des journalistes, qui disait vouloir « plier » la liste de Dominique Baudis dans le Sud-Ouest. J’avais argumenté en faveur de Jean-Luc, mais mon interlocuteur avait maintenu que c’était grotesque de parler ainsi. Cette conversation m’avait laissé un goût amer. « Plier Baudis » pour Mélenchon, ou « exploser la droite » pour Besancenot, je ne vois pas de grandes différences dans l’objectif, ni même dans l’utilisation de ce vocabulaire un peu fort en gueule. Mon ami trotskyste hier si moqueur, est-il cette fois ci, tout autant hilare à la lecture des propos de son ex. poulain ?

Dans la même veine, il me revient aussi en mémoire que ce dirigeant de la LCR, lorsque je lui disais que je regrettais notre division et qu’elle aurait pour conséquence qu’ils nous taperaient dessus pendant la campagne, me répondait le ton paternel : « Mais non, on ne parlera pas de vous. Nous faisons notre la phrase de Charles Pasqua affirmant que quand on travaille chez Pernod, on ne parle pas de Ricard ». Il semble désormais que cette ligne de conduite ne soit plus celle du NPA. Régulièrement, dans les colonnes de l’hebdo du NPA « Tout est à nous », Pernod parle de Ricard et le Front de Gauche est une cible régulière. Dommage.

Mais, tout cela est anecdote. Le problème, à mes yeux, dans l’interview d’Olivier est la grande confusion qui domine concernant sa stratégie vis à vis du PS. En nous reprochant de vouloir « fumer » (c’est-à-dire "les assassiner" en langage de truands) les socialistes, il semble considérer que nous sommes trop anti socialiste, mais quelques lignes plus loin, il reproche au « front de gauche » de vouloir demain faire peut-être une alliance avec le PS, alors que lui affirme ne vouloir jamais envisager cela. Je m’y perds.

Cette orientation brouillonne nous a fait rater une belle occasion. Ensemble, nous étions en capacité d’être la première liste de gauche. Nous l’avons dit, répété, écrit. J’ai encore en mémoire, lors du déplacement de la délégation du PG au Congrès fondateur du NPA, de la réponse, un brin méprisante, de dirigeants nationaux de ce Parti (notamment le trésorier, enseignant en mathématiques ou de deux célèbres frères responsables toulousains, eux aussi expert en sarcasmes mais pas mauvais bougre) nous riant au nez à propos du sondage nous plaçant ensemble à 14,5 %. « Cela ne vaut que dalle, nous, on fera 10,5 %, vous, pas plus de 4% ». Il semble que ce n’est pas ce qui va se produire.

Une fois le 7 juin passé, il faudra regarder vers l’avenir. Le « Front de Gauche » est encore un processus en construction. Toutes les forces qui rejettent le libéralisme et le social-libéralisme y sont les bienvenus. Ensemble, nous pouvons modifier radicalement les rapports de forces politiques au sein de la gauche.

Antonio Gramsci, le dirigeant communiste italien, mort dans les prisons de Mussolini en 1934, disait qu’en politique « La crise, c’est quand le vieux n’arrive pas à mourir, et que le neuf n’arrive pas à naître ». Du neuf est en train de naître à gauche, toutes les énergies qui veulent changer ce monde doivent se regrouper pour l’aider à éclore. Le 7 juin, c’est la première marche de cet escalier qui nous mènera, ensemble, jusqu’au sommet. C’est le mandat que nous donnent les centaines de gens que je croise dans mes différentes réunions. Il ne faut pas les décevoir.


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