Transparency international (ONG anti-corruption) passe au crible deux ans de Sarkozy

mercredi 3 juin 2009.
 

Il ne voulait pas, notre président, que l’on juge son action à mi-mandat. Il voulait faire un grand et beau bilan juste avant 2012 et la campagne pour sa réélection. Mais les voies du lobbying international sont impénétrables. Et l’ONG Transparency International se permet sans états d’âme un « rapport d’étape » assez cinglant sur les deux ans d’action anti-corruption de Nicolas Sarkozy.

Rapport de TI sur l’action anticorruption de Sarkozy.Car une ONG, ça ne marche pas du tout comme cela devrait pour un système sarkozyen. C’est tout en discrétion que TI France avait demandé au candidat ses engagements sur un certain nombre de sujets (cf tableau). Mais c’est tout en diffusion publique et en lobby qu’interviendra le rapport sur le suivi de ces engagements. En clair : le bénéfice politique n’arrive que si vous respectez vos promesses. Encombrant comme concept politique…

Le document intitulé « Transparence et intégrité, deux ans plus tard » qui émane de la branche française de l’organisation devient très ennuyeux pour l’homme de la rupture. (Lire le document ci-contre)

Il comprend un tableau général du suivi des engagements du candidat Sarkozy. Pour résumer : le vert c’est bien, le rouge c’est pas bien et la croix noire qui revient vraiment souvent, c’est « j’ai dit qu’j’le f’rais… »

Des interrogations, voire des inquiétudes…

Dans le détail, c’est bien plus inquiétant. Si le rapport pointe certaines satisfactions, il précise cependant que « d’autres [initiatives], au contraire, appellent des interrogations, si ce n’est de vraies inquiétudes », allant même jusqu’à parler de « confiance rompue », et c’est un euphémisme.

Dans les bons points, le rôle « décisif » de la France dans les grandes gesticulations sur les paradis fiscaux, dont on attend toujours qu’elles se traduisent en actes. Une loi aussi, passée étonnamment inaperçue alors qu’elle promet de réelles avancées : celle du 13 novembre 2007 qui donne à la lutte contre la corruption le droit d’utiliser les écoutes téléphonique et sonorisations et qui protège le salarié du privé qui voudra dénoncer un acte au sein de son entreprise. Malheureusement, le législateur a inconsciemment oublié d’étendre la même protection aux agents de la fonction publique.

Les mauvais points, par contre, en disent long sur le système. L’annonce de la suppression du juge d’instruction tout d’abord, effraie terriblement TI France. Pas par amour platonique du juge d’instruction mais parce que c’est la seule autorité indépendante capable d’initier les procédures.

En clair, pas de problème si on supprime le juge d’instruction mais qu’on créé par exemple un « procureur général de la République responsable devant le Parlement et désigné par lui » comme le président s’était engagé à le faire mais dont on n’entend plus du tout parler.

Autre idée : renforcer le pouvoir des victimes. TI France a épluché le rapport Léger qui, en l’état, préconise la possibilité pour la victime de demander à un juge de demander au parquet d’ouvrir une enquête que le parquet avait refusé d’ouvrir. Et la marmotte va dessiner des petits cœurs sur le papier aluminium.

Un secret défense renforcé tandis qu’on dépénalise le droit des affaires…

Deuxième gros problème : la loi de programmation militaire 2009-2014 qui prévoit de renforcer méchamment le « secret défense ». Le juge d’instruction (des fois qu’on arriverait pas à le supprimer) devra en fait déclamer haut et fort et par décret : la liste des lieux où il compte perquisitionner, les preuves qu’il compte trouver, là où il compte les trouver et préciser pour quelle infraction. Libre ensuite aux futurs perquisitionnés prévenus à l’avance de faire disparaître les documents ou, encore plus simple et plus légal, de les classer « secret défense ».

TI France rappelle aussi un contexte général assez effrayant dans lequel la dépénalisation du droit des affaires est n’est qu’un apéritif. C’est ainsi toute la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui a été presque totalement démantelée. Quand aux commissaires de la PJ spécialisés dans le domaine, ils sont remplacés par des petits jeunots sans expérience incapable de recueillir les preuves.

La France déclassée par rapport à 2007

Chaque année, TI donne une note de corruption sur 10 aux pays du monde. En 2007, au moment où Sarkozy prend la tête du pays, la France avait une très honorable 19e place mondiale avec 7,3, juste devant les Etats-Unis. En 2008, après un an de règne, la note est de 6,9…

Cependant l’élaboration de l’indice de corruption est une savante cuisine qui repose sur un mélange de données d’autres instituts. C’est pourquoi TI précise que parfois la note peut tomber en raison de facteurs techniques comme le changement de méthodologie de tel ou tel autre index. TI établit donc une liste de pays pour lesquels la « chute considérable de la note [plus de 0.3 points] n’est pas due aux facteurs techniques mais à un changement de perception ». La France du sarkozysme trône dans cette liste avec comme voisins européens, l’Italie de Berlusconi et le Royaume Uni des notes de frais.

Sarkozy, malgré tout ce qu’on pourra lui reprocher, n’est pas un corrompu lui-même. Il préfère étaler son bling à la face de tous, ce qui, paradoxalement, est beaucoup plus rassurant que si il cachait des comptes secret. Il ne fait donc pas cela dans son intérêt personnel et c’est bien ce qui est le plus terrifiant. Ce n’est pas un homme, ça devient un système.

Un système régi en secret défense par les grandes entreprises, où les dirigeants peuvent librement corrompre et être corrompus. Un système où l’on arrête les voleurs de bicyclettes en maternelle mais où la vie publique se règle dans l’ombre. Un système ultra sécuritaire pour les hommes et les enfants et ultra libéral sans aucune loi pour l’argent et ceux qui le manipulent.

Par Antonin Grégoire, Universitaire


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