Intervention de Gérard Filoche au Conseil national du PS (9 juin 2009)

lundi 15 juin 2009.
 

Bonsoir,

je voudrais d’abord dire à Pierre Moscovici qui parlait des « accords techniques » au Parlement européen avec Barroso que c’est à cause de tous ces « accords techniques » d’avant-hier si le PSE a perdu hier. C’est à cause de son accord avec la droite si le SPD a perdu hier. Il y avait en Allemagne une majorité de gauche SPD, Verts et Die Linke mais le SPD a choisi de ne pas la concrétiser et de diriger avec Angela Merkel… Cela l’a fait s’effondrer le 7 juin et ce sera pareil aux élections de septembre 2009. La troisième voie, l’alliance avec le centre ou la droite, c’est perdant partout. Ce 7 juin 2009, c’est la mort de la troisième voie, c’est la mort du blairisme ! Nous vivons dans un affrontement entre Europe de droite et Europe de gauche, pas dans des combines, pas dans des voies intermédiaires, ni des « compromis techniques ». Pendant la campagne électorale, le PSE n’a pas été un atout mais un boulet. C’était un boulet que de n’avoir pas de position claire contre le Traité de Lisbonne et c’était un boulet de n’avoir pas un candidat contre Barroso. Alors on s’est fait tacler !

Je suis venu à ce Conseil national en lisant sur internet Vincent Peillon qui appelait à la “rénovation du dispositif” et Malek Boutih qui appelait à la “démission” de Martine Aubry : mais là n’est nullement la question. La question n’est pas de remettre le bazar, la question est d’approfondir la voie qui est sortie du congrès de Reims. Car ce n’est pas de « technique » dont nous avons besoin ! Bien sûr on peut améliorer, compléter encore et encore la direction de notre parti, mais ce n’est pas un problème de structure, ni d’instance, ni de fonctionnement, de courants, de thérapie de groupe, ni de dirigeants, qui se pose à nous, c’est un problème de ligne politique. IL FAUT ALLER A GAUCHE !

J’entends dire qu’il faudrait une nouvelle génération : mais il vaut mieux des sexagénaires expérimentés bien à gauche, que des quadras fringants qui jouent les coqs droitiers. Ce que nous demande le peuple c’est d’être plus à gauche. Comme dans le film italien où Nanni Moretti, dans sa cuisine, écoute D’Aléma sur son écran de télévision et qui l’interpelle : « - Mais dis nous quelque chose de gauche, D’Aléma, dis nous quelque chose de gauche ! ». Il y a des millions de gens, chez nous, quand ils entendent le PS, qui pensent pareillement. Bien sûr, je suis pour une « maison commune » de toute la gauche, comme l’ont dit Benoît Hamon et Henri Emmanuelli, et Martine Aubry avant moi, je suis pour un front de TOUTE la gauche, pour qu’on y œuvre de toutes nos forces et dès maintenant, unité de la gauche (et pas avec la droite, pas avec le Modem !). Sans unité de la gauche rien de grand ne peut se faire.

Mais pour cela il faut qu’on ait une orientation de gauche. Il faut dire des choses précises sur le fond, sur le Smic et les salaires, sur la sécu, contre la loi Bachelot, la T2A, les complémentaires, les « patrons », il faut démocratiser l’hôpital pas le caporaliser, sur les services publics, sur le contrôle des licenciements abusifs, sur le droit du travail. Pas des mots, pas des slogans, pas des généralités sur nos « valeurs » et sur « le social », Inutile de crier « social, social » comme des cabris s’il n’y a rien dedans ! On avait gagné 30 % des voix en juin 2004 parce qu’on défendait UN Smic européen aligné sur le haut, et une Europe des 35 h, pourquoi ne l’a-t-on pas défendu contre l’Europe des 65 h qu’a voulu imposer Sarkozy ? Car lorsqu’il y a 1 million de chômeurs de plus, l’urgence est de réduire la durée du travail sur la semaine et sur la vie… de défendre la retraite à 60 ans et pas « le travail des seniors ». Je viens d’entendre Manuel Valls dire ici qu’il faut parler des retraites, de leur financement, de la durée de la vie, qu’il faudrait « être lucide », mais pour Manuel Valls, la « lucidité », en fait c’est qu’il est pour la retraite par points du Medef à 63 ou 65 ans sans oser le dire… et il a raison de ne pas le dire parce que chaque fois qu’il parle dans ce sens il nous fait perdre des voix ! Il rend impossible l’unité de la gauche, car celle-ci ne peut se faire sur une ligne droitière ! La crise est ravageuse, on retourne vers un énorme chômage de masse, le niveau des salaires est misérable. Il faut faire des propositions hardies précises pour un Smic à 1600 euros, pour revenir aux 35 h pour tous, et à la retraite à 60 ans, redistribuer le travail et les richesses massivement, pour une économie mixte, où le service public l’emporte.

Manuel Valls dit que les « petits partis de gauche qui défendaient une ligne de gauche n’ont pas fait recette moins que les écologistes plus modérés ». Mais c’est normal, die Linke, même avec le meilleur programme possible, ne gagnera ni en France, ni en Allemagne, ce n’est pas un « aiguillon » qu’il nous faut, CE QU’IL FAUT C’EST QUE LES GRANDES IDEES DE GAUCHE SOIENT DEFENDUES PAR UN GRAND PARTI DE GAUCHE CREDIBLE SI ON VEUT QU’ELLES FASSENT RECETTE ! Ce ne sont pas des petites formations qui convaincront notre peuple de s’enthousiasmer pour une grande politique antilibérale, c’est un grand front de gauche où les socialistes ont (encore) le rôle clef. Mais faisons le, vite, sérieusement, car sinon le rôle clef ce sera encore la droite qui le jouera. Quant au vote prétendu modéré qui serait celui qui s’est porté sur les verts, lisez le bien, car il y a José Bové, Eva Joly et pas seulement le libéral Cohn-Bendit, il ne peut y avoir d’écologie sans social, nul ne peut sauver la banquise sans nous sauver des banquiers d’abord !

Ceux qui disent que le Parti socialiste est mort, mourant, langue morte, devraient réfléchir : nous dirigeons 20 régions sur 22, deux villes de plus de 3500 habitants sur trois, 61 % des départements, il y a 18 mois en mars 2008 nous avons eu 51 % des voix au deuxième tour, une majorité nette (sans le Modem). En 2004, nous avons gagné les régions parce que, en 2003, nous avions lutté fortement contre Chirac-Raffarin, contre la loi Fillon sur les retraites, parce qu’au Congrès de Dijon, nous avons proclamé que nous abrogerions la loi Fillon sur les retraites, et les Français étaient opposés à près de 70 % à cette loi, et ils ont voté massivement pour nous en mars 2004.

Mais je vous le prédis : pour gagner les régionales de 2010, il faut une ligne nationalement de gauche. Les régions ne se gagneront pas dans les régions ! Je le répète fortement : les régions ne se gagneront pas région par région… ce sera une confirmation ou un basculement global. Si certains ne comprennent pas cela et jouent des cartes locales différentes, il y aura des déconvenues ! Cela se jouera sur des questions politiques centrales, sociales, pas sur des questions techniques de gestion régionale !

Les 20 présidents de région n’ont pas été élus sur leur charisme personnel mais sur une vague rose politique et nationale ! Pour renouveler cette victoire, il faut ALLER À GAUCHE. Ce n’est pas difficile à comprendre, à regarder le triste tableau du PSE, archi-modéré, et son effondrement. Ce n’est pas de la modération qu’il faut, c’est de l’audace, de l’élan à gauche. Si on n’en tire pas cette leçon politique, on continuera à passer à côté des salariés, et des jeunes qui se sont massivement abstenus le 7 juin, on passera encore à côté du mouvement social, ce sera comme les européennes et on pleurera encore SI ON NE VA PAS À GAUCHE VRAIMENT !!!


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