Attac France juge positive la réunion d’une Conférence des Nations unies sur la crise économique et financière mondiale

mardi 23 juin 2009.
 

L’Organisation des Nations unies réunira à la fin juin 2009 une Conférence portant sur les mesures susceptibles de combattre la crise qui touche le monde entier. Elle a chargé une commission présidée par Joseph Stiglitz, lauréat du prix dit Nobel d’économie, de lui faire des propositions. Celle-ci vient de rendre publiques ses conclusions et recommandations.


Ainsi, les pays riches du G20 ne seront pas les seuls à débattre de l’avenir du monde.

Le rapport de la Commission Stiglitz, dont les propositions seront présentées et discutées lors de cette conférence, analyse le caractère global de la crise mais ne propose que des mesures financières.

Attac France réaffirme que seules des réformes de grande ampleur, traitant des questions économiques, commerciales, fiscales, écologiques et sociales, peuvent mettre en échec la marchandisation du monde.

Un premier pas

Attac considère que cette démarche comporte deux aspects positifs

L’ONU se saisit de la crise

Il était attendu depuis longtemps que l’ONU se saisisse de la question des moyens de lutter contre la crise, de sorte que celle-ci ne soit pas laissée entre les mains des gouvernements des États les plus puissants ou des institutions financières internationales, dont la responsabilité dans la venue de la crise est écrasante. Lors des sommets du G20 qui se sont tenus à l’automne 2008 et au printemps 2009, non seulement les mesures décidées furent dérisoires, mais elles furent laissées à la discrétion de ceux par qui le malheur était arrivé. La gravité de la crise n’est sans doute pas étrangère à l’intérêt porté par l’ONU, seule instance à avoir une légitimité démocratique fondée sur une charte et sur la Déclaration universelle des droits de l’homme, à la coordination des politiques permettant d’éviter un tel désastre. Mais, déjà, de fortes pressions en provenance des gouvernements des grandes puissances s’exercent pour que la prochaine Conférence de l’ONU soit marginalisée.

Et reconnaît son caractère global et multidimensionnel

Le second aspect positif de la démarche de l’ONU porte sur le diagnostic de la crise. Celle-ci est caractérisée comme globale, c’est-à-dire affectant l’ensemble des sociétés et revêtant des dimensions multiples : financière, économique, sociale et écologique. Ainsi, sont confirmées les analyses, longtemps traitées par le mépris ou l’indifférence, du mouvement altermondialiste.

Augmentation considérable des inégalités, chômage, concurrence exacerbée, accords de libre-échange néfastes, etc., sont enfin reconnus.

Commission Stiglitz : un mandat trop restreint et des propositions trop timides

Cependant, l’espoir que fait naître la démarche de l’ONU est tempéré par le décalage important entre le diagnostic d’une crise globale et l’ensemble des mesures proposées, pour la plupart circonscrites à la seule sphère financière, sans que soient évoqués les liens entre les aspects financiers de la crise avec les autres. Si le monde traverse réellement une crise systémique, alors les solutions doivent se situer à ce niveau. Il est donc regrettable que le mandat donné à la commission ne concerne que la réforme du système monétaire international.

Le FMI reste hors de contrôle

La commission Stiglitz propose d’en finir avec les marchés financiers déréglementés, d’accroître les moyens du FMI et de mettre en place une monnaie internationale, en se référant aux droits de tirage spéciaux (DTS). Mais elle n’envisage pas le retour du FMI sous le contrôle de l’ONU, afin d’éviter que celui-ci ne continue à imposer des plans d’ajustement structurel aux pays pauvres.

Réduire réellement les inégalités

Reconnaître le creusement des inégalités est une chose, en proposer l’éradication constituerait un pas de plus indispensable. Il est aujourd’hui avéré que l’enrichissement des riches et l’appauvrissement des pauvres ont été des facteurs parmi les plus importants ayant conduit à l’éclatement de la crise.

Ce qui est vrai en matière sociale l’est aussi pour l’écologie. Les premières victimes de la crise écologique, de la raréfaction des ressources et du réchauffement climatique sont et seront les plus pauvres dans le monde.

L’ONU ne devra donc pas se contenter de répéter le lancinant appel à l’aide publique au développement, elle devra amener l’ensemble des acteurs mondiaux à reconnaître l’accès gratuit aux connaissances et aux technologies comme condition comme condition d’un vrai développement.

Une approche ambiguë sur la libéralisation financière

La commission Stiglitz se fait critique à l’égard du libre-échange, mais se livre à un curieux balancier en mettant en garde contre les politiques protectionnistes. Si l’on peut considérer comme impossibles aussi bien le libre-échange généralisé qu’un protectionnisme absolu, il faut affirmer le droit pour tous les pays de protéger leurs travailleurs du dumping social, ainsi que le droit à la souveraineté alimentaire.

La réforme du système monétaire et financier international est nécessaire, mais elle n’aura de véritable portée que si, dans le même temps, la circulation des capitaux est sévèrement contrôlée, si l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se voit imposer le respect des droits humains plutôt que le droit de la concurrence, et si une véritable Organisation mondiale de l’environnement est instituée au lieu d’attendre que le marché des droits à polluer fasse baisser la température terrestre.

Taxes globales et biens publics mondiaux pour enrayer durablement la marchandisation du monde

En effet, ce qui est principalement en cause dans la dégradation sociale et écologique du monde, c’est le processus de marchandisation totale qui a été mis en œuvre par les multinationales, les institutions financières, les institutions multilatérales, certaines entités régionales comme l’Union européenne, les principaux gouvernements et les innombrables lobbies privés. Il est donc de la responsabilité de l’ONU et de l’ensemble de ses pays membres de prendre des initiatives fortes pour enrayer les causes profondes de la crise.

À cet égard, la reconnaissance officielle de l’existence de biens publics mondiaux ou de biens communs de l’humanité est l’enjeu fondamental de ce début de XXIe siècle. Il y va de l’accès de tous les êtres humains à l’éducation, à la culture, aux soins, à l’eau potable et à la terre pour se nourrir.

La garantie de cet accès passe notamment par l’instauration de taxes globales dont l’importance est double. D’abord, elles permettent de rassembler des ressources indispensables. Ensuite, elles revêtent une portée symbolique et politique forte : elles signifient mondialement qu’une légitimité est reconnue au fait de socialiser une partie de la richesse produite par les sociétés humaines et au fait de préserver le caractère inaliénable des richesses naturelles.

Pour une nouvelle architecture économique et financière mondiale Attac soutient tous les efforts qui seront tentés afin qu’une coordination mondiale des politiques soit mise en place, sous l’égide d’une ONU démocratisée. Le projet de créer un Conseil économique mondial est prometteur, à condition qu’il soit représentatif de tous les pays et non pas la réplique du G20.

Enfin, la mise en cohérence de réformes profondes des structures financières, de la fiscalité internationale, de la répartition des richesses, de la régulation écologique, des instances de pouvoir dans les entreprises, est la seule manière de prendre véritablement la mesure de la globalité de la crise que semble reconnaître l’ONU. Gageons que cette prise de conscience se renforcera d’autant mieux que les citoyens du monde entier pousseront à la roue.


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