Réunion anticrise à l’ONU : Les pauvres font entendre leur voix

mardi 30 juin 2009.
 

Le consensus mondial libéral est à bout de souffle. Une majorité des États membres des Nations unies se montre de plus en plus réticente à suivre les grandes puissances.

La conférence de l’Assemblée générale des Nations unies consacrée à la crise et à son impact sur le développement qui s’est ouverte mercredi à New York met les pieds dans le plat. À la fois sur la gravité de la crise financière et sur le besoin pour en contrer les effets d’une démarche « inclusive », c’est-à-dire réellement planétaire, dont l’Assemblée générale qui rassemble tous les États membres de l’ONU, « le G192 », selon le mot de son président, le Nicaraguayen Miguel d’Escoto Brockmann, constitue le « seul lieu légitime ».

Le G8, « une minorité irresponsable mais puissante »

Pas question ici de minimiser la crise. Plusieurs délégués des pays en développement n’ont pas hésité à dénoncer les propos « qui se veulent rassurants » de ces experts du Nord, annonçant désormais régulièrement la reprise économique pour l’an prochain. Pas question non plus, pour de nombreux orateurs, de se laisser dicter la route à suivre par un groupe restreint d’États, qu’il s’agisse du G8, traditionnel conclave des « maîtres du monde » ou même du G20, où les premiers invitent à leur table les pays émergents les mieux dotés.

Dans une enceinte pourtant rompue à la culture du consensus et de la conciliation diplomatique, des différences d’approche, voire des désaccords très nets se font ainsi sentir. Jouant de la métaphore de l’arche de Noé, le président de l’Assemblée générale en a résumé la substance de façon saisissante : « Il n’est ni humain ni responsable, a-t-il lancé, de construire un navire destiné uniquement à sauver des flots le système économique existant, laissant la vaste majorité de l’humanité subir dans la souffrance les effets d’un modèle imposé par une minorité irresponsable mais puissante. »

Jusqu’au bout, les pays ou groupes de pays les plus riches de la planète (États-Unis, Union européenne) ont cherché à peser sur la démarche majoritaire au sein de l’Assemblée générale. Mais, de toute évidence, peu satisfaits des quelques résultats obtenus, ils ont choisi pour la plupart d’ignorer la conférence ou de s’efforcer d’en minimiser l’importance en envoyant sur place, à l’instar de Paris, des délégations de second ou de troisième rang. Quand la Bolivie ou l’Équateur étaient représentés, eux, au plus haut niveau par leurs présidents respectifs, Evo Morales et Rafael Correa.

Exit le dollar, place à une devise internationale

Il n’empêche, les défis pointés à la tribune par les différents orateurs sont têtus. Comme cette nécessité de transformer radicalement l’architecture financière mondiale ou d’introduire une devise de réserve internationale en lieu et place du dollar. Car le billet vert est à la fois la devise nationale des États-Unis et une monnaie commune mondiale de fait. Ce qui a contribué aux terribles distorsions qui ont émergé dans la crise, fait remarquer le rapport de la commission dûment mandatée par l’Assemblée générale de l’ONU et présidée par le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz.

L’eau, un bien commun par excellence

Autre défi : ce besoin d’étendre aujourd’hui comme jamais, compte tenu du développement des « forces productives globalisées », les services publics ou de considérer et reconnaître l’existence de biens communs à toute l’humanité, comme l’environnement, les savoirs ou l’alimentation.

L’eau constitue l’un de ces biens communs, par excellence, ont relevé plusieurs délégués qui se sont déclarés « profondément inquiets » des évolutions récentes qui visent, sous la pression des multinationales du Nord, « à en faire une marchandise comme les autres ».

Et précisément, c’est souvent au nom de la « bonne gouvernance », prônée par les pays du Nord ou les institutions internationales sous leur contrôle que des processus de privatisation et de libéralisation ont été engagés au Sud. C’est sans doute là qu’il faut chercher les raisons essentielles de la défiance exprimée si fortement à la barre de l’ONU par un certain nombre de chefs de délégations. Car cette soumission coûte que coûte aux dogmes libéraux démultiplie chez eux l’impact de la crise.

Pour l’aide au développement, « les caisses sont vides »

Ainsi s’éloigne dans tous les pays du tiers-monde la perspective de réalisation des objectifs mondiaux du développement (OMD) conclus lors du sommet du millénaire. Plusieurs intervenants ont brandi une étude de la Banque mondiale qui montre qu’il allait manquer, sous les effets de la crise, quelque 700 milliards de dollars aux pays les plus pauvres, torpillés par l’effondrement des investissements du Nord et le durcissement des conditions du crédit. Et cela d’autant plus que les grandes puissances, confrontées à la hausse de leurs déficits, ont tendance à ponctionner leurs aides publiques au développement (APD), déjà largement insuffisantes.

Insupportable. Et même le très conciliant secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, d’évoquer « ces 18 milliards de dollars d’aides dont l’Afrique a besoin ». « C’est énorme pour le continent mais ce n’est rien », a-t-il lancé, en comparaison « des 18 000 milliards » que les grandes puissances ont été capables d’injecter d’une manière ou d’une autre dans le système financier en déliquescence.

Bruno Odent


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