BD : Angoulême a inauguré un musée consacré à la bande dessinée.

dimanche 5 juillet 2009.
 

Déjà célèbre pour son festival annuel, la ville d’Angoulême accueille désormais une cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Dans la continuité du premier musée créé en 1991, d’anciens chais situés sur les rives du fleuve Charente ont été réhabilités en salles d’exposition. La nouvelle cité réunit un musée, une bibliothèque publique, un cinéma, une librairie et une résidence d’artistes. Quelque 8000 planches et dessins originaux et plus de 110000 revues et illustrés constituent un fonds patrimonial unique en Europe et offrent au 9e art une nouvelle visibilité. « Nous souhaitions promouvoir la bande dessinée, encore considérée à tort comme un art mineur ou une sous-culture cantonnée au monde de l’enfance », indique le conservateur Ambroise Lassalle.

TÉMOIN DE L’HISTOIRE

Un premier parcours historique révèle les évolutions de la bande dessinée en suivant quatre grandes sections chronologiques. Opposant la création française et américaine, il met en exergue un certain nombre d’auteurs, de personnages et d’oeuvres fondamentales. Ainsi des images d’Épinal de 1840 signées Rodolphe Töpffer, ou des « voisins hostiles » de Wilhelm Busch qui trahissent déjà les premières velléités satiriques. La collection présente aussi les grandes séries feuilletonesques, des Pieds nickelés, de Louis Forton, des albums de Tintin datés de 1929 et des Comics, de Will Eisner, auteur d’une révolution graphique et narrative. Phénomène populaire, la bande dessinée est aussi un témoin de l’histoire. Comme ces planches originales de Reiser à l’encre de Chine issues des premiers Hara-Kiri, annonciatrices des mouvements de contestation de la fin des années soixante. En marge du parcours historique, un atelier expose les techniques de conception de la bande dessinée, du découpage premier à la mise en couleur, en passant par l’esquisse et le lettrage. Quelques goodies (produits dérivés) complètent l’exposition et témoignent de l’influence du 9e art dans l’espace quotidien. On regrettera néanmoins l’absence de réflexion sur les connexions intermédium et sur les liaisons dangereuses qu’entretiennent bandes dessinées et cinéma. Enfin, un salon plus intimiste est dédié aux « maîtres du trait », réunissant les grandes oeuvres de Caniff, Pratt, Hergé ou Saint-Ogan.

LINÉARITÉ CONSENSUELLE

Une collection foisonnante, malheureusement ternie par une scénographie austère, et une approche parfois didactique. Le choix des auteurs et des oeuvres présentées révèle aussi une certaine linéarité consensuelle. Quid des « hentai » ou des « Ecchi », mangas érotiques émergeant dans les années quatre-vingt, ou de tout un pan de la littérature italienne symbolisée par la science-fiction érotique de Paolo Eleuteri Serpieri ? Les grandes thématiques abordées par les « graphic novels » d’Alan Moore, parangon de l’underground anarchique des États-Unis post- Vietnam, sont aussi négligées au profit d’une simple mention « pour adultes ». À l’instar du Tag au Grand Palais, ce nouveau musée de la bande dessinée remet donc en perspective les risques d’institutionnalisation des contrecultures. Romain Blondeau Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, 121 rue de Bordeaux, Angoulême. Tél. : 05 45 38 65 65.


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