Les Indiens péruviens font plier Alan Garcia

lundi 29 juin 2009.
 

Lima . Sous la pression des mouvements sociaux et indigènes, le gouvernement abroge deux décrets contestés qui bradaient les ressources naturelles du pays.

Après deux mois d’opposition frontale, des dizaines de morts, une crise politique interne et des tensions régionales, le président péruvien, Alan Garcia, a été contraint de reculer. Le Congrès devait en effet hier se prononcer sur l’abrogation de deux des neufs décrets décriés par les communautés indigènes, les organisations syndicales et l’opposition.

Depuis plus de deux mois, les barrages routiers et fluviaux des Indiens et les manifestations dans les principales villes du pays contestaient la nature de ces dispositions qui ouvrent grand la porte aux multinationales étrangères pour exploiter les ressources naturelles (eau, forêt, faune, flore) et truster les terres agricoles, notamment dans la région amazonienne.

Machine arrière

Lundi, le premier ministre, Yehude Simon, a officiellement annoncé que le gouvernement faisait machine arrière. Depuis Chanchamayo, dans les Andes centrales, où il rencontrait des chefs indiens, il a présenté ses excuses pour les victimes des violents affrontements entre Indiens et policiers, le 5 juin dernier, à Bagua, qui ont fait au moins 40 morts (l’Association pour les droits de l’homme du Pérou parle de 61 disparitions, 189 blessés et 133 arrestations côté indien).

Le premier ministre, qui s’est dit prêt à démissionner, a indiqué que les autres décrets seraient aussi examinés par le Groupe national de coordination pour le développement des peuples de l’Amazonie auquel s’intégreront les communautés de la région ainsi que l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), hier encore traînée dans la boue par le président, et dont le leader emblématique, Alberto Pizango, traité de « délinquant », s’est vu contraint de demander l’asile à l’ambassade du Nicaragua.

Cette volte-face gouvernementale est à mettre au compte « de la pression de tous les Péruviens et de la communauté internationale », a précisé la présidente de l’AIDESEP, Daysi Zapata, et ce alors que le rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’homme et les droits fondamentaux des peuples indigènes est attendu aujourd’hui à Lima.

Vives tensions

Ce recul ne dissipe pas pour autant les malaises. La gestion calamiteuse de la crise a débouché sur de vives tensions internes avec la démission de la ministre de la Femme et du Développement social, Carmen Vildoso, en désaccord avec les dispositifs répressifs ordonnés par le gouvernement.

Sur le plan régional, Alan Garcia est désormais en froid avec son voisin bolivien qu’il accuse de fomenter la rébellion indienne. Ses propos ostensiblement racistes - « Ces personnes (les Indiens) ne sont pas des citoyens de première classe qui peuvent parler à 400 000 pour 28 millions de Péruviens (..) et nous conduire au recul primitif » - n’augurent franchement pas de réelles négociations sur une éventuelle exploitation des richesses naturelles nationales respectueuses des communautés et de la nature.

Enfin, l’abrogation des décrets 1090 et 1064, suspendus après le massacre de Bagua, ne désarticule pas la logique qui a prévalu à leur création, à savoir l’entrée en vigueur du traité de libre-échange (TLC) entre le Pérou et les États-Unis. Un traité hyperdésavantageux pour Lima et qui, à l’instar de son frère jumeau signé entre la Colombie et Washington, offre sur un plateau d’argent le patrimoine naturel que recèle l’Amazonie.

Cathy Ceïbe


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