Coup d’Etat au Honduras : les réminiscences du passé

lundi 13 juillet 2009.
 

Le Honduras a vécu dimanche "le pire jour" depuis le début de la crise estime Marcelo Cantelmi, journaliste au quotidien argentin Clarin, dans une vidéo en ligne. La mort de deux partisans du président hondurien destitué, Manuel Zelaya, abattus par l’armée aux abords de l’aéroport de Tegucigalpa, la capitale, où ce dernier tentait d’atterrir, une semaine après son expulsion, fait la une des sites d’information latino-américains et espagnols, lundi 6 juillet.

Choqué par les événements auxquels il a assisté pendant la journée de dimanche, l’envoyé spécial d’El Pais à Tegucigalpa, Pablo Ordaz, ne laisse pas planer le doute sur la situation. Après avoir évoqué la mort d’Isis Obed Murillo, 19 ans, d’une balle dans la nuque (son récit est appuyé d’une vidéo), il accuse : "Il s’agit bien d’un coup d’Etat, bien sûr que c’est un coup d’Etat. Si ce n’était pas un coup d’Etat, Micheletti [chef de l’Etat désigné depuis l’expulsion de Zelaya] ne serait pas assis en ce moment dans la Maison présidentielle, le corps d’Isis n’attendrait pas à la morgue de l’Hôpital Escuela et cette chronique ne serait pas écrite en plein couvre-feu." Couvre-feu dont le journaliste confie découvrir chaque jour de nouveaux aspects "plus sinistres", notamment à l’hôpital, où il a croisé de nombreux blessés par balles, une infirmière lui confiant qu’il en arrivait chaque nuit.

MAUVAIS SOUVENIRS

Le tournant dramatique de dimanche semble encore raviver les mauvais souvenirs qu’évoque la situation chez de nombreux observateurs depuis une semaine, à l’instar de l’argentin Cantelmi qui parle d’une "insurrection aux arômes de naftaline". Au Chili, au Guatemala, ou au Salvador, pays qui ont tous connu des coups d’Etats militaires, la presse relaie les paroles de Zelaya en fin de journée, appelant à ne "pas réprimer davantage le peuple". Des propos qui, pour l’envoyé spécial du quotidien espagnol El Mundo font écho à ceux que prononçait Mgr Oscar Romero, archevêque de San Salvador, peu avant d’être assassiné en 1980 par la junte militaire au pouvoir soutenue par les Etats-Unis : "Au nom de Dieu. Je vous le demande, je vous en supplie, je vous ordonne de cesser la répression contre notre peuple." L’écrivain uruguayen Jorge Mafjud, dans une tribune parue dans le journal argentin Pagina12 et traduite dans Courrier International évoque lui une "culture du coup d’Etat" encore bien "ancrée dans les classes dirigeantes du Honduras".

Faut-il y voir là aussi le poids de l’histoire ? Contrairement à ses homologues du Sud, lundi matin, la presse nord-américaine accordait une place plutôt discrète aux événements honduriens. Alors que le New York Times se limitait à un strict récit des faits, relèguant, sur son site, l’information au même rang que les prochaines vacances d’Obama, le Washington Post publie un article plus éditorialisé. Visiblement mal à l’aise avec la position de Barack Obama, qui a condamné le "coup" au Honduras et soutenu la suspension du pays de l’Organisation des Etats américains (OEA), la journaliste Mary Beth Sheridan cite plusieurs experts évoquant "d’autres" menaces pour la démocratie sur le continent, comme l’absence d’alternance au pouvoir.

L’article s’interroge sur les raisons de la position radicale, fermement en faveur du retour de Zelaya, prise par l’OEA et la plupart des Etats latino-américains, qui "contraste" avec la réponse modérée donnée à ce qui se passe au Venezuela. Cherchant des raisons à la position d’Obama, la journaliste indique que lors du récent sommet des Amériques, en avril, le président américain "a fait la cour à l’Amérique latine et aux Caraïbes, plaidant pour un partenariat "d’égal à égal" avec eux, plutôt que pour des Etats-Unis jouant leur traditionnel rôle dominant". Et signale que les propos d’Obama, qui posent les événéments honduriens comme "illégaux" et comme "un terrible précédent", ont été applaudis "dans cette région où les Etats-Unis ont perdu de leur influence".

Tandis que les commentaires des internautes sur les articles consacrés au sujet, tant dans la presse européenne qu’américaine, reflètent des positions très partisanes entre les pro et les anti-Zelaya, jugeant les événements à l’aune de leur opinion sur le président destitué, Jorge Mafjud, dans Pagina 12, recadre le débat : "Tout pays convenable et démocratique est doté d’une Constitution qui prévoit la destitution de son président. Mais ce mécanimsme est régi par des conditions précises qui en garantissent la validité. Il n’est aucune Constitution démocratique, que je sache, qui prévoit que le président peut être arrêté par l’armée, retenu en otage et expulsé de son propre pays."

Le Monde.fr


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