Un an après Katrina, les plaies béantes de la Louisiane

jeudi 9 juillet 2009.
 

États-Unis . Le gouvernement Bush sur le banc des accusés. La Nouvelle-Orléans tarde à être reconstruite et le cloisonnement de la société révélé par le drame est toujours plus vif.

Voilà un an aujourd’hui que le cyclone Katrina s’est abattu sur les côtes du golfe du Mexique aux États-Unis. Un an que le monde entier, atterré, a découvert sur les écrans de télévision les images des populations de La Nouvelle-Orléans paniquées, prisonnières de la misère et du racisme, constatant l’incapacité du gouvernement à faire face à un drame pourtant prévu, comme l’incapacité de la société à venir en aide d’une façon décente aux siens, sur son propre territoire.

Les problèmes mis au jour par le cyclone

« Nous ferons ce qu’il faut », avait alors promis le président George Bush, vivement critiqué pour avoir trop tardé à prendre en considération la teneur de la crise. Aujourd’hui, pourtant, seuls les quartiers chics de La Nouvelle-Orléans ont pu retrouver un peu de leur vernis. Les problèmes mis au jour par le cyclone sont toujours plus vifs. Deux tiers des Américains désapprouvent aujourd’hui encore le comportement de leur président après le passage du cyclone qui avait causé la mort de 1 500 personnes. Et en février dernier, un rapport parlementaire parlait d’« une litanie de fautes, d’erreurs de jugement, de défaillances et d’absurdités en cascade » et dénonçait « un échec national, une abdication du devoir le plus solennel d’assurer le bien public ». Autant de souvenirs douloureux qui se réveillent à l’occasion du premier anniversaire de la catastrophe. Et alors que le cyclone Ernesto devrait atteindre la Floride dans le courant de la semaine.

Premier constat : sur les 270 000 personnes évacuées à la hâte, plus de 100 000 familles habitent toujours dans des caravanes ou des mobil-homes. Près de la moitié des 485 000 habitants de La Nouvelle-Orléans, qui avait été inondée à 80 % suite à la rupture des digues, ne sont pas revenus. Outre les problèmes liés au logement, plus de 200 000 personnes ont perdu leur emploi. Le nettoyage n’est toujours pas achevé, malgré 3,6 milliards de dollars déjà dépensés par le gouvernement qui a découvert au printemps que les entreprises affectées à cette tâche avaient surfacturé jusqu’à six fois le prix des travaux !

Un scandale similaire a éclaté en juin après que l’institution chargée de vérifier les comptes publics a révélé qu’entre 600 millions et 1,4 milliard de dollars avait été détournés de l’aide d’urgence par une utilisation frauduleuse : près de 900 000 des 2,5 millions de demandeurs d’une aide financière directe pourraient avoir présenté des faux. Quant aux digues qui protègent la ville construite en dessous du niveau de la mer, elles ont été pour l’instant réparées sommairement. Le gouvernement attend les conclusions d’une étude, prévues pour décembre 2007, avant de décider si le système anti-inondations sera renforcé.

Sur fond de misère et de racisme

Les problèmes les plus difficiles à enrayer restent ceux liés à l’exclusion de toute une part de la population de La Nouvelle-Orléans, sur fond de misère et de racisme, comme les avait déjà révélés le passage du cyclone. « Le racisme est à fleur de peau ici, constate ainsi Barbara Major, qui copréside la commission municipale pour la reconstruction de

La Nouvelle-Orléans. La population était outrée que les gens meurent. Elle aurait dû être outrée que les enfants n’aient pas accès à un bon enseignement, que les gens ne soient pas logés de manière décente comme ils peuvent l’être dans les autres villes des États-Unis. »

Emblématique du renforcement des divisions communautaires au sein de la population de La Nouvelle-Orléans depuis un an, la réélection du maire, Ray Nagin, a été plus fortement que jamais marquée par des débats liés à la question noire. Majoritairement blanche depuis la catastrophe, La Nouvelle-Orléans était noire aux deux tiers il y a un an. Sur le même mode, la question des quartiers les plus bas de la ville, qui sont à la fois les plus exposés aux inondations et ceux habités par les plus démunis, a déclenché de vives passions. Le maire a finalement été contraint d’abandonner son projet d’en interdire la reconstruction, ce qui aurait compliqué le retour de la population noire.

Un an après, le président George W. Bush, qui a décidé de ne pas esquiver des commémorations qui auraient eu lieu de toute façon, a entamé hier sa treizième visite sur place depuis Katrina. Au moment du cyclone, il avait attendu quatre jours dans son ranch, au Texas, où il passait ses vacances, avant de se rendre sur place, félicitant le directeur de l’Agence fédérale de gestion des catastrophes, Michael Brown, qu’il a limogé depuis. En mars, une vidéo a été rendue publique, montrant les collaborateurs du président le prévenant des risques d’effondrement des digues. Au lendemain de la catastrophe, le président avait déclaré que leur rupture n’avait pas pu être anticipée…

Anne Roy


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